Weezer – Alone: the home recordings of Rivers Cuomo

Il y a 6 ans sortait le Green Album. Dans un relatif anonymat. Et dans une relative tiédeur, exception faite de l’ami Thomas VDB.
Il y a 5 ans sortait Maladroit. Dans une folie médiatique. Et dans une envolée de critiques dithyrambiques. On lisait des choses absolument délirantes sur cet album en somme assez identique au précédent. Creux. Bien fichu mais à la fin anecdotique. Voire sans âme.
Weezer n’est qu’un petit groupe qui a torché de bonnes chansons. Toujours la même chanson. Que ce soit dans ses chefs d’oeuvre (« Say it ain’t so » ou « The good life »), dans ses niaiseries (« Island in the sun ») ou dans ses horreurs (« We are all on drugs »), Rivers Cuomo a toujours plus ou moins écrit la même chanson. Chansons dont la qualité décline avec les années.
Pourquoi ?
Depuis Pinkerton (le vrai grand album du groupe) et son échec, l’homme a peur de s’impliquer dans ses chansons et le résultat s’en ressent indéniablement. Perte d’intensité flagrante. Bon élève appliqué ça oui. Si bien qu’on ne trépigne pas spécialement d’impatience en attendant des nouvelles de Weezer. Après tout, les trois derniers disques étaient grosso-modo les mêmes, alors autant les ré-écouter pour vous faire une idée du prochain très attendu album de Weezer.
Sans tambour ni trombone ne débarque pas le merveilleux automne mais ce disque de démos. Mouais. On s’attend à du Weezer standard, d’obscures b-sides jamais finalisées et des démos de « Hash Pipe » et « Island in the sun » pour attirer le pékin.
Un rapide coup d’oeil à la track-list nous contredit. Rien de connu si ce n’est cette démo, inutile au demeurant, de « Buddy Holly ». Alors on écoute.
Surprise. Rivers Cuomo aurait plus d’une corde à son arc. « Ooh », hommage évident à « Our Prayer » des Beach Boys, surprend. Une courte introduction avant « The world we love so much », reprise de Gregg Alexander, qui nous rappelle elle que la voix de Cuomo a un jour réussi à exprimer quelque chose.
Le disque tout entier est à voir comme une montagne russe : varié, dans tous les sens du terme, et aussi intime que braillard. On passe de « Lemonade », du Weezer pur jus à une reprise furieuse de Ice Cube pour enchaîner par de forts belles balades acoustiques (« Chess »). Et là on se rappelle que Pinkerton était à la base un space-opéra rock. Cela tombe bien, ce qui suit en est issue. « Longtime Sunshine » est une ballade au piano, très réussie et touchante qui précède « Blast Off ! », plus classique mais qui rappelle les meilleurs moments de Pinkerton avec en plus une drôle de voix robotique (le concept de Songs from the black hole le projet avorté pré-Pinkerton, est l’histoire d’un équipage spatial, des hommes, des femmes et un robot…), et s’enchaîne directement avec « Who you callin bitch ? », plus une transition qu’une vraie chanson. Deux autres titres sont issus de Songs from the black hole, le quatuor à voix (oui, oui) « Dude we’re finally landing » et l’excellent « Superfriend ».
Ces quatre titres rappellent ce pour quoi on a aimé Weezer profondément, et pourquoi Pinkerton est un grand disque malade, touchant et cathartique, bref, tout ce que n’a jamais été ce qui a suivi.
Le reste est variable. « Wanda you’re my only love » est une ballade acoustique pleine d’américana, assez réussie, « Lover in the snow » et « Crazy one » anecdotiques et assez typiques de ce Weezer fait, cette dernière sonnant un peu comme du Oasis. Il y a aussi des choses moins emballantes. « This is the way » et «I was made for you » feraient bonne figure sur un album de East 17. L’écriture de Cuomo sur ces ballades pianistiques fumeuses est tellement candide, insipide, si naïve aussi bien au niveau musique que paroles, (pour situer genre « O girlfriend ») qu’on se dit que Cuomo doit être aussi éveillé sexuellement que Michael Jackson.
Au final ce disque a un mérite énorme : il nous refait croire en Weezer. On sait maintenant, on a des preuves, que Cuomo sait faire autre chose que les chansonnettes pop-rock boursouflées qu’il nous sort depuis 8 ans. L’homme doit remettre ses tripes en jeu et enfin sortir le grand disque que tout le monde attend de lui. Alone : the home recordings of Rivers Cuomo est un disque que les déçus de Weezer auraient tort de bouder. Il ne s’agit pas d’un caprice pour faire plaisir aux fans, mais d’une vraie démonstration d’un talent qui ces derniers temps est trop souvent en hibernation.