You Am I – Dilettantes

Il faudra un jour, si ce n’est déjà fait, mener une étude sur l’évolution conjuguée des looks des musiciens et de leur musique. Tout comme les Kings of Leon dernièrement, les You Am I offrent un look détonnant pour Dilettantes, leur huitième album (si la mémoire ne nous fait pas défaut). En 2006, le punky Convicts voyait un groupe rugueux, tous torses dehors, mal rasé, sortir un album punk braillard qui a sûrement fait voir la Vierge aux jeunes gens en colère avec des crêtes et des skates. Deux ans plus tard, pour Dilettantes, le meilleur groupe australien s’affiche toujours barbu, mais enveloppé de foulards délicats, chapeaux et autres vestes en velours. Comme par hasard Dilettantes est un album plus doux…

Toutefois une petite leçon d’histoire s’impose avant tout. Comme les fans de Silverchair, Wolfmother ou de, hum, on sourit Midnight Oil ou, hum hum on éprouve les pires difficultés à ne pas rire à gorge déployé, Ac/Dc l’ont lu plus haut, on le dit haut et fort, You Am I est le meilleur groupe australien depuis les sous évalués Easybeats, auteurs de la meilleure chanson du monde ou presque « Good Times ». Depuis 1994, You Am I sort des albums constellés de chansons hallucinantes dont la principale qualité, en plus d’évoquer la sainte écriture des Kinks, est de faire pleurer tout en étant punk-rock à la Nirvana sur In Utero. Tim Rogers possède une plume phénoménale, que ce soit dans les paroles ou dans la musique, et quiconque n’a jamais entendu « Berlin Chair », « Jaimme’s got a girl », « Good morning » ou le fantastique « Purple Sneakers » peut aussi bien considérer n’avoir jamais entendu de chansons de sa vie. Ce groupe a une écriture qu’on dira supérieure.

Seulement, les fans du versant punk de You Am I risquent fort de ronger leur frein avec Dilettantes tant il apparaît que ce huitième album est le plus calme de la discographie du groupe. Quasiment un album pop electro-acoustique. Comme souvent chez You Am I, c’est une lumineuse ballade acoustique dépouillée qui ouvre l’album, soulignée par de discrets violons et handclaps sur la fin. La suite est plus rock, mais comme indiqué plus haut, un rock plus rond, plus mid-tempo, toutefois Dilettantes, sauf peut être la chanson ‘Jolly’s first time around the sun‘, ne s’inscrit pas dans la lignée de l’album Dress Me Slowly (une collection de semi-ballades jouée les potards à 11). Non, ce nouvel album, très immédiat, dégage un parfum automnale d’arbre perdant ses feuilles jaunies et même les chansons les plus rock ont une part de douceur en elles. La rage est intériorisée comme sur l’imparable ‘Giving up & getting fat‘. L’écriture est toujours là, les refrains lunaires aussi (‘Frightfully modern’ et son « you ain ‘t seen the best of us yet » qu’on ne demande qu’à croire, l’immédiat ‘Erasmus‘), on note même un pastiche convaincant de QOTSA (‘Wankers‘) ce qui ne veut pas dire que Rogers est à court d’idées (l’affolant garage rock ‘The big wheel‘ confirme) ni d’émotions : la ballade folk ‘The boy’s angry at the water‘, belle comme un coucher de soleil, file la frousse comme le faisait ‘Heavy heart‘ il y a 10 ans. D’ailleurs, malgré son aspect apaisé, l’album ne souffre d’aucun manque d’énergie et You Am I, comme sur Convicts, signe une chanson qui pisse à la raie (sur le côté) des Strokes, après ‘Gunslinger‘, voici ‘Davey’s gone green again‘, à rendre fou tous les porteurs de slims.

You Am I n’a clairement plus rien à prouver, les albums se suivent sans se ressembler, des chansons historiques sont là pour le prouver (l’incroyable ‘Berlin Chair‘, pour n’en citer qu’une). Dilettantes montre un groupe sûr de lui, refusant la formule et se fait autant plaisir qu’à ses fans. Que demander de plus ?