Sparklehorse ✖︎ Trabendo ✖︎ Paris

Il est 21H30 lorsque les lumières s’éteignent et que Fennesz et l’essentiel de Sparklehorse, le multi-instrumentaliste Scott Minor et Mark Linkous entrent sur scène sous les applaudissements du Trabendo. Première certitude de la soirée : toujours monter sur scène les lumières éteintes si tu veux être applaudi parce que le soundcheck a été effectué par les trois mêmes dans l’indifférence totale…
Retour en arrière : qu’attendre d’un concert supposé promouvoir un album expérimental à souhait (le « In the fishtank« , fruit de deux jours de studio de Linkous et Fennesz, est un album difficile entre poésie éthérée et inepties masturbatrices) qui de surcroit dépasse à peine les trente minutes ? L’attente réside dans l’espoir d’entendre plus de Sparklehorse que de Fennesz, soyons honnêtes…

La première partie est assurée par Laudanaum dans un Trabendo conservant une bonne capacité de stockage. A la fois lourdes et le plus souvent lentes, les chansons du groupe s’imposent tranquillement sans que l’on crie au génie. Entre volonté de se faire Bruce Willis, rythmique electro, hurlements à la Black Francis (à qui le chanteur ressemble d’ailleurs étrangement), parties de guitares tricotées à l’atmosphère spleeneuse, Laudanaum assure un set court et efficace. C’est assez rapidement ensuite que Scott Minor, Mark Linkous et Christian Fennesz arrivent sur scène afin d’installer le matos. L’autrichien roi du laptop a un physique à la Dolph Lundgren, un faux air du bien membré chanteur de Rammstein. Scott Minor remplit la fonction du zicos indé typique : cool, look de faux jeune, le pote rêvé. Mark Linkous est sans surprise bien plus intéressant à observer. Sosie du personnage Vincent du court métrage de Tim Burton (donc sosie de Tim Burton), il semble en permanence se demander ce qu’il fait là, il hésite, se recroqueville, jette quelques regards timides vers la salle, tire sur sa clope avant de se rendre compte que celle-ci est éteinte depuis belle lurette. Etre humain compliqué et artiste torturé, il se dégage toutefois de lui une sorte de pureté (paradoxal pout un type ayant passé 15 jours dans le coma suite à une oversdose) de petit oiseau tombé du nid sur qui le monde matériel n’a pas d’emprise. Une batterie, quelques guitares, plein d’objets bizarres et le Mac de Fennesz, à 21H tout semble prêt. C’est dire si la demi-heure passée à poireauter semble longue. On craint le concert qui commence tard pour ne pas finir trop tôt…

Début sur « Goodnight sweetheart« . Lent, atmosphérique et perturbé par le portable de Minor qui sonne, le titre est un parfait résumé de ce qui va suivre : un concert à ressentir plus qu’à écouter. Les trois n’ont visiblement pas beaucoup répété et l’album « In the fishtank » ne sera cité qu’à trois reprises, le concert faisant part belle à quelques inédits souvent conduits par la guitare de Linkous. C’est lorsque ce dernier mène le bal que le trio fonctionne à fond : les suites d’accords de Linkous et surtout sa voix si caractéristique ancrent les pieds dans notre caniveau pour mieux expédier la tête dans les étoiles. On n’en dira pas autant des moments plus axés sur l’ambiance. « Mouais, expérimental » lâche à la fin d’une chanson un membre du public, certainement un connaisseur. Tout est dans le « mouais »… On pouvait craindre la réaction du public mais celui-ci applaudit à tout rompre (avantage de l’expérimentation : si ton public n’aime pas, dis toi que c’est parce qu’ils sont trop incultes ou cons). L’alternance de ces deux types de chansons joue toutefois en faveur du concert car même si l’on redescend régulièrement, on le fait doucement.

Une toute petite heure plus tard, les trois quittent la scène avant un inévitable rappel. Une chanson de Sparklehorse (« Sad & beautiful world« ) et le « Mark’s guitar piece » plus tard et c’est déjà fini pour un concert finalement à l’image du « In the fishtank« , partagé entre poésie et inepties, entre l’impression d’avoir capté quelques précieux moments artistiques et la frustration de voir ce type, Mark Linkous auteur de certaines des plus belles choses des 15 dernières années sans toutefois les jouer.

Comme d’hab’ merci à Stéphane Lazreg pour les photos qu’elles sont belles à regarder et que j’utilise même en fond d’écran, bisous.
Merci à Pascaline de Differ-Ant pour le concert, pas merci à Lena de Differ-Ant pour l’interview foirée d’un de mes héros.