Minor Alps ✖︎ A l’étranger

On le sent bien, ce petit concert. Programmé à 22 heures un mercredi dans la minuscule cave du Sidecar, à deux semaines du Primavera Sound, l’étape barcelonaise de la tournée de Minor Alps fleure bon le rendez-vous intime à ne pas manquer, la mise en bouche raffinée avant l’orgie collective. On le sent bien, mais on est en retard et c’est au pas de course qu’on traverse la Plaza Real, éternelle cour des miracles du quartier gothique rassemblant aussi bien du touriste en goguette que des dealers édentés.

Bonne surprise, le groupe n’a pas encore commencé. On a même le temps de commander un deuxième verre en poireautant au son de Bob Marley dans ce local étroit mais loin d’être surpeuplé. Une cinquantaine de personnes sont présentes lorsque Matthew Caws se pointe sur scène pour les derniers préparatifs. Détendu, l’œil rieur, le leader de Nada Surf n’est pas là pour se prendre le melon et vient même serrer des pognes, histoire de briser la glace. Son espagnol n’est pas mal du tout. J’entends la porte derrière moi, me retourne et reste littéralement scotché devant l’élégance rayonnante de Juliana Hatfield, qui me frôle et fait remonter plus de 20 ans de souvenirs dans son sillage. Quelle allure.

Le temps de s’en remettre un minimum le duo entame une première reprise symbolique avec «  »I Wanna Take You Home«  », écrite conjointement bien avant Minor Alps mais tout aussi fusionnelle que les chansons de «  »Get There«  ». Une constante dans le set, quelle que soit l’origine des compos. On posera plus tard l’inévitable question concernant une éventuelle (et espérée) suite à cette fabuleuse collaboration, sans vraie réponse. Par contre, sachez-le, Nada Surf est au taquet et a déjà écrit cinq ou six titres pour le prochain album. Nada Surf qui se rappelle évidemment à notre bon souvenir à plusieurs reprises, les versions à deux voix d’ «  »Inside Of Love«  » et «  »The Way You Wear Your Head«  » étant particulièrement hypnotiques. Minimalisme acoustique aidant, le son est invariablement nickel, cristallin, complété avec goût sur certains morceaux par le clavier de Juliana Hatfield et quelques percussions en boucle. Côté chant, l’alchimie est saisissante et l’on sent dans les silences respectueux de l’assistance que tout le monde kiffe un max et savoure chaque seconde. On revisite ainsi le charme singulier d’un album sans artifices et sans triche qui prend une belle dimension en live – notamment sur des titres plus restreints et discrets comme «  »Waiting For You«  » et surtout «  »Away Again«  », qu’on regrette d’avoir un peu snobé sur disque. Mais la setlist réserve bien d’autres surprises et des temps forts inattendus comme la sublime «  »Candy Wrappers«  », qui déchire tout, et une autre chanson culte de Juliana Hatfield datant de l’époque des Blake Babies: «  »Out There«  », ovationnée par plus d’un nostalgique. À commencer par Matthew Caws, heureux d’être là, très communicatif tout au long du concert et qui voue de toute évidence une sincère admiration à sa collègue. Celle-ci reste plus en retrait dans un premier temps, mystérieuse et impassible derrière son regard bleu mystique, mais elle finit tout de même par prendre ses aises et distribuer des sourires (craquants) devant l’accueil chaleureux qui lui est réservé. Au final c’est elle qui provoque les rires les plus fournis de la soirée, avec un humour pince-sans-rire tout en dérision. Plutôt classe venant d’un groupe qui s’est tapé 900 kilomètres de route le jour même. «  »Désolé pour le retard«  » explique Matthew, «  »j’ai été arrêté pour excès de vitesse, c’était limité à 90 et ils m’ont flashé à 136 km/h«  ». «  »Such a rock n’ roller«  » se moque Juliana. Il s’agit du premier concert en Espagne de la chanteuse, un petit évènement qu’elle prend avec pas mal d’ironie vu son extensif parcours, et qui devient rapidement une sorte de running joke: «  »see you in another 57 years«  » lance-t-elle en guise d’au revoir, après une reprise un peu farfelue du tube des années 80 «  »Bette Davis Eyes«  ». On rit en chœur avec la plèbe, mais ne jamais revoir ce duo parfait serait une énorme déception.

SETLIST

1. I Wanna Take You Home (Nada Surf/Juliana Hatfield)
2. If I Wanted Trouble
3. Far From The Roses
4. Buried Plans
5. Candy Wrappers (Juliana Hatfield)
6. Wish You Were Upstairs
7. Live On Tomorrow (Juliana Hatfield)
8. Maxon
9. Such a Beautiful Girl (Juliana Hatfield)
10. Inside Of Love (Nada Surf)
11. Waiting For You
12. Out There (Blake Babies)
13. Beautiful Beat (Nada Surf)
14. The Moon Is Calling (Nada Surf)
15. Airscape (Robyn Hitchcock)
16. I Don’t Know What To Do With My Hands
17. Away Again
18. The Way You Wear Your Head (Nada Surf)
19. Bette Davis Eyes (Kim Carnes)