Greenfield Festival ✖︎ Flugplatz ✖︎ Interlaken (CH)

Vendredi, premier jour

Ca y est, tout est planté.
Le décor: Un super-festival dans sa première édition, chapeauté par de mahousses boîtes de production germaniques et qui semble déjà s’imposer comme une référence en matière d’événement musical en Suisse si on jette un rapide coup d’oeil à l’affiche interminable et d’une qualité rare. L’organisation a tablé sur 25’000 entrées (uniquement sous forme d’abonnement pour les 3 jours), et elle a vu juste: le Greenfield festival fera le plein.
La tente: On est parti en délégation de 7 motivés de notre romandie natale pour se retrouver au milieu d’un camping surbondé de suisse-allemands qui ont déjà attaqué à la bière depuis belle lurette, et pendant les 4 heures à notre disposition entre le moment de notre arrivée sur cet ancien aéroport militaire et le début des concerts, nous avions comme seule mission de réussir à établir notre abri dans un coin pas trop foireux. Suite à quelques pourparlers avec la sécu et un déplacement de quelques 400 mètres, nous voilà posés. On ne garde que le strict nécessaire dans nos poches et on se dirige vers la grande scène aux dimensions plus qu’impressionnantes qui résonne déjà aux sons du premier soundcheck du festival.

16h30, me voilà établi dans mes quartiers, à savoir tout devant et bien décidé à n’en plus bouger jusqu’à la dernière goutte (haha) des Queens of the Stone Age, qui doivent jouer en troisième position.
Pour l’ouverture, c’est du local: Granny Smith, un groupe méconnu de nos services à qui revient l’honneur d’attaquer toutes distos dehors les premières notes du festival. L’excitation du début va très vite laisser la place au dégoût pour ma part, le son est atroce et le groupe est franchement moyen. Ca ressemble vaguement à du punk à coloration germanique (ils viennent du fin fond du Valais), et leur public visiblement attitré est assez pénible, ça gueule en brandissant drapeaux et écharpes de hockey en se balancant des bières dans la tronche. Bref, hormis la magnifique Gibson SG du chanteur (on se refait pas), rien de très important à voir pour cette première partie assez indélicate quand on connait la suite du programme.

La suite, la voilà qui se profile déjà sur les côtés de la scène: Toute la famille est là, les Queens of the Stone Age sont au grand complet pour regarder et écouter leurs potes des Eagles of Death Metal, dont le soundcheck commence gentiment. Une moustache entre sur scène, je ne verrai que ça durant l’heure qui va suivre: Une moustache.
Alors qu’on nous arrose à la lance à incendie, je parviens à me glisser sur les crash-barrières aux côtés d’une tessinoise à cheveux rouges qui hurle « Jooosh ! » sans arrêt. Et pour cause, monsieur Josh Homme se trouve lui aussi sur les côtés de la scène, et le voilà déjà qui s’avance pour mettre son charisme au profit d’une annonce éclair: « Ladies and gentlemen… Please get up your ass and dance to the Eagles Of Death Metal ! » et il retourne d’où il est venu, sans aller s’asseoir derrière la batterie comme prévu. Visiblement le concept des Eagles of Death Metal est assez hétéroclite, puisque autour de la moustache (qui porte un nom, quand même: Jesse « the Devil » Hughes) gravite tout un tas de musiciens assez éphemères, Josh Homme prêtant main forte derrière les fûts occasionnellement, mais pas ce soir: Visiblement il préfère se réserver pour son show à lui, et c’est tant mieux. Le public ne va pas très bien le prendre puisqu’entre chaque chanson on entend son nom suivi de « for the drums! » retentir dans une foule déjà compacte et motivée. Peu importe, c’est une demoiselle qui va frapper de toutes ses forces sur la batterie durant ces 3 quarts d’heure survitaminés de show ultra rock’n’roll, l’ambiance y est, ça danse dans tous les sens sur le devant de la foule. La combinaison « Stuck in the metal with you » – « I only want you » – « Speaking in tongues » achève de mettre le feu en fin de set, forcément beaucoup trop court mais déjà un poil répétitif, à l’image de l’album du groupe. La question légitime à se poser pour conclure serait bien sûr: « Que serait les Eagles of Death Metal sans l’immense soutient-sponsoring de QOTSA ? »

Alors que le backline se change gentiment, le public commence à lever les yeux de manière assez suspicieuse: Ca se couvre. Ca se couvre sévère même, avec ces nuages qui ont une couleur qui signifie d’emblée qu’ils ne sont pas la pour déconner. Je discute avec un français dans la foule qui me sert des arguments du genre « On est pas des tapettes, on est pas là pour la pluie on est là pour les Queens ». Soit. Mais lui ne sait probablement pas de quoi les orages sont capables dans les alpes… Moins de cinq minutes après, alors que le décor à l’effigie de « Lullabies to Paralyse » est déjà monté et le soundcheck est presque achevé, l’averse commence à se faire un peu plus sérieuse. Les protections contre la pluie se font plus nombreuses autour de nous, mais la (grande) majorité du public hurle comme pour dire « on s’en fout de la pluie faites pêter le show! ». Première surprise, ce n’est pas Josh Homme qui arrive sur scène pour empoigner sa guitare, mais l’organisateur du festival qui vient s’excuser platement pour la mauvaise météo et nous propose d’attendre un petit quart d’heure pour voir si ça se calme. Il se prend une bière droit dans la tronche, et repart aussi sec. Et ça se calme pas. Bien au contraire… L’orage arrive pile au dessus de nous, et le fait savoir: Il tombe à peu près 10cm de flotte en dix minutes, sans compter la grêle, les éclairs et le vent, ce vent qui va à lui seul avoir raison de la grande scène du festival: Toutes les tentures qui entournent la structure se déchirent et s’envolent, il ne reste rien pour protéger la scène sur laquelle il pleut maintenant aussi fort que partout ailleurs. Les backliners courent désespérément pour couvrir les instruments et le maximum qu’ils peuvent protéger, alors que la foule bat en retraite pour chercher n’importe quel endroit à l’abri. Les stands de saucisse sont pris d’assaut, les bars et les tentes… Vision d’apocalypse, je me risque à quelques photos… Les plus clairs d’esprit vont courir sous la scène couverte: C’est très bien vu, ils seront les heureux privilégiés à pouvoir profiter du show de Pennywise et des « Fuck ya » de Fletcher à l’abri. Mais la sécurité bloque bien rapidement les entrées, laissant en rade quelques 20’000 personnes sous un orage qui semble bien décidé à mettre le Greenfield festival à mal.
En ce qui me concerne, je courre d’abri de fortune en bar surbondé pour parvenir jusqu’à notre tente, qui a tenu la pluie mais pas la grêle. On répare le tout comme on peut, on se change un minimum. Ca se calme…
Les concerts ne reprendront que trois heures plus tard. Pour enchaîner directement sur Die Toten Hosen. Queens of the Stone Age et Nine Inch Nails sont annulés, probablement déjà repartis sur la route pour leur date suivante. J’apprendrai bien plus tard que si le pire a été évité chez les premiers, NIN devra compter avec des dégâts matériel importants en backstage. On a aussi vu passer quelques ambulances.

On trouve quand même la motivation nécessaire pour aller jeter un oeil de loin aux Toten Hosen. De loin parce que tout le monde y est, on arrive donc juste à profiter de l’écran géant installé derrière la régie. Toten Hosen… c’est pas la même culture. Si je devais trouver une comparaison, je dirais qu’ils représentent pour le monde germanophone ce que représenterait la Mano Negra pour le monde francophone si ils avaient continué à tourner: Tour le monde les connait, tout le monde les adore, tout le monde sait la moindre parole par coeur, tout le monde chante à tue-tête sur toutes les chansons. C’est pas la même culture. Personne les connait en France, personne les connait en Suisse francophone, et ils font malgré tout LA tête d’affiche du moindre festival germanique (sur les t-shirts du festival ils figurent juste après Green Day et juste avant System of a Down, c’est tout dire !).
Concert humide, je sautille mollement sur une reprise de « Song2 » de Blur avant de déclarer forfait pour essayer de dormir au sec. Juste avant de sombrer dans un demi-sommeil j’entendrai encore de loin un « Blitzkrieg Bop » entonné en choeur par une foule de 22’000 personnes…