Greenfield Festival ✖︎ Flugplatz ✖︎ Interlaken (CH)

Samedi

Soleil. C’est le soleil qu’on voit en premier quand on ouvre notre tente, c’est le soleil que tout le monde regarde, que tout le monde adore. Le Greenfield sent le chien mouillé, le vieux punk qui se néglige et les t-shirts déchirés qui essayent de sécher sur des tentes encore détrempées. Samedi matin la tronche dans le cul pour la grande majorité des festivaliers qui avaient déjà décidé de se finir à la bière locale pour oublier la catastrophe orageuse avant de s’en remettre une couche pendant le concert des Toten Hosen miraculeusement maintenu.

Un samedi musical qui démarrera tout en douceur pour notre équipe puisqu’on profitera de Snitch pour tester les barbecues mis à disposition par le festival, sous un ciel qui s’est de nouveau chargé plus rapidement qu’il ne s’était éclairci. Il faudra compter avec une météo maussade mais néanmoins assez calme en comparaison avec les évenements de la veille pour la totalité de cette seconde journée !

Le deuxième concert a avoir lieu sur la grande scène est Burrell, de sombres inconnus totalement quelconques qui nous livreront un rock FM allemand complétement mou et sans intérêt.

Suivent Simple Plan pour leur première en Helvétie, visiblement très heureux et décidés à en profiter. Du punk MTV qui ne m’accroche pas le moins du monde, mais un show qui vaut le coup: C’est pêchu, c’est rapide et ca motive le public très nombreux. La sauce prend bien, le set est clairsemé de « Holy Scheisse » (!), de fuck et de fucking partout, ça joue fort, vite et bien et ça gueule sec. Que demander de plus ?

Donots ! Ces chers Donots qui me suivent partout, ça va être la troisième fois que je les vois dans le cadre d’un festival, presque par hasard. Alors, en comparaison, le début me déçoit. Je les avais vus commencer à jouer en backstage pour courir sur scène leur première chanson entammée, cette fois c’est plus standard, ils entrent sur scène et saluent le public avant d’attaquer ferme. Las, ça part de manière assez molle et le public ne répond pas beaucoup: La réserve d’amateurs de skate-punk a visiblement été tuée par Simple Plan et doit être en train de vider des litres de bière pour faire passer ça. Quelques bons tubes plus loin, ça va beaucoup mieux. L’effet Donots se fait, et le concert prend toute son ampleur, aidé par un guitariste on ne peut plus défoncé qui, après avoir réussi à s’ouvrir la main doite est maintenant en train de tartiner de sang sa guitare et sa figure avant de se lancer dans un solo d’harmonica endiablé. Le chanteur survolté et encravaté comme un écho à Green Day qui doivent couronner la journée fait son show, descend dans la foule.

Et voilà que le premier groupe qu’on attendait vraiment s’installe tranquillement. Fantômas apparaît, ou plutôt la batterie de Fantômas apparaît, acclamée par le peu de monde déjà agglutiné dans la fosse. Je sais même pas si on peut encore parler d’une batterie, il s’agit plutôt d’une sorte de demi-cage dans laquelle un homme se glisse et disparait derrière des tonnes de percussions, de feraille et de peaux. Le montage du plateau est déjà un spectacle en soi, la disposition sur scène se fait « à la jazz »: Batterie qui regarde vers le centre de la scène, amplis disposés juste devant et sieur Mike Patton avec sa table d’effets pour fermer le cercle très rapproché des 4 musiciens. Après tous ces concerts de punk on a vraiment le sentiment de ne pas jouer dans la même catégorie. Le staff du festival ne sait pas comment s’y prendre pour le soundcheck des percussions qui durera longtemps (forcément), et c’est Patton himself qui viendra tester ses quatre micros voix (!) sous les acclamations des fans impatients.
Qui ne connait pas Fantômas ne peut pas comprendre ce qui s’est passé durant ces 45 minutes sur la grande scène du festival. J’avais trouvé une explication forcément boiteuse pour décrire ce groupe à ceux qui n’en avaient jamais entendu parler: Imaginez que vous êtes devant la TV et qu’une personne à côté de vous zappe toutes les 10 secondes. C’est ça. On ne comprend rien, et on adore. Mike Patton s’impose en véritable chef d’orchestre qui dirigie d’une main de maître ses 3 musiciens et surtout son batteur, qui n’est pas le Dave Lombardo habituel et qui donc forcément a plus que besoin des indications du leader pour ne pas se perdre au milieu de ce déluge sonore. Le public est interloqué comme il se doit mais j’apercois quand même certains fans suivre à la mesure prêt ce patchwork fantastique de hardcore, opéra surréaliste, bruitages de cartoons et gros metal qui tache. Il y a juste le visuel qui est assez décevant puisque les guitaristes restent très statiques (mis à part la coupe de cheveux extraordinaire du gratteux), seul le chanteur complétement disjoncté assure un minimum de présence scénique.
J’en profiterai pour placer ici un gros reproche au Greenfield qui s’est fait sponsorisé par une chaîne de télévision suisse-allemande qui apparemment rediffuse le tout en direct. Tant mieux, mais le seul problème est qu’ils ont cru bon de disposer leur caméras sur le devant de la scène, bloquant ainsi la vue à toute la fosse. J’ai passé la quasi-totalité du concert de Fantômas sans voir le bassiste, caché par un caméraman sur rail qui ne bougait pas. Dommage.

Et on enchaîne directement en cette fin d’après-midi avec Clawfinger qui eux aussi font dans l’original au niveau visuel: Il n’y a rien sur scène, absolument rien à part la batterie au fond et un synthé. Les amplis sont planqués sur le côté de la scène, ce qui donne une impression de froid et on est en mesure de se demander si on va avoir droit à un concert de techno… Le soundcheck et le début du show m’inquiètent un peu, l’ambiance est assez tendue, certaines personnes dans le public ont un look qui me revient qu’à moitié, et ça sent la haine assez méchamment sur scène. Les sécus ont l’air tout contents, ils headbangent de manière bovine en surveillant le public qui saute au rythme (lourd) du son (énorme) du groupe. Ca commence donc de manière un peu ambigüe, on dirait presque que ces gars sont là pour faire leur boulot et basta… Mais peu à peu le vent tourne: Les guitaristes commencent à avoir le sourire, le chanteur demande gentiment au public de lui faire « ce truc là » (il veut parler de la Ola), il descend dans le public, fait le tour de la fosse entre les deux rangées de crash-barrières… Le son est vraiment gigantesque, on bouffe notre ration de basses pour les 3 mois à venir, mais finalement ça fait du bien. Ca tape vraiment sec, ça fait mal au bide mais ça me plait. Le public est conquis, n’en finit pas de sauter toujours plus haut, alors que les slammers n’arrêtent pas d’être évacués sur les côtés dans une ambiance finalement assez bon enfant avec les sécus. Cerise sur le gâteau, ils finissent avec leur tube « Do what I say« , seule chanson que je connaissais du groupe. Une très bonne surprise !

Et décidément la programmation se fait de plus en plus panachée: Du metal mâtiné d’électro on passe presque sans transition à du rock’n’roll jeans serrés et cheveux longs, les Hellacopters envahissent la scène toutes guitares dehors. Bandanas et chapeaux de rigeur, solos de blues et vieux son bien crade, c’est avec une déco pour le moins provocatrice que le set le plus oldschool du festival va se dérouler: Un nuage qui provoque un éclair… Ca en fait rire certains jaune, moi je suis trop occupé par ce qui se passe devant. Une pêche énorme, on se laisse aller à un boogie woogie endiablé sur le devant, ça bouge dans tous les sens et les santiags sont reines. Un concert qui va aller crescendo en intensité, jusqu’à aboutir à un mythique « Kick out the James » sous une pluie battante. Des guitaristes hors-pair alliés à un clavier pas forcément toujours nécessaire, et des remarques bien rock’n’roll entre les chansons: « I know it’s raining and it kinda sux… But for us it’s okay, we got a roof. » Un grand grand moment avec un groupe dont les albums laissaient présumer du meilleur, je ne m’étais pas trompé !

Je m’autorise une sortie de la fosse pour aller me ravitailler au burger qui me semble le moins gras et le plus rentable, une portion de frite et un passage au point d’eau pour remplir une bonne bouteille plus tard, me revoilà tout devant pour me garder une place pour Green Day

Pas pour tout de suite: On doit d’abord subir la session emo du week-end, dont Jimmy Eat World se charge on ne peut mieux. Alors que cette formation se charge de pleurer les yeux dans le vide leur amour éternel pour leur petite copine certainement sucidée depuis longtemps, les gamines de quinze ans prennent la superbe mèche du bassiste en photo avec leur télephone portable. Tout va bien, moi je m’occupe autrement: Je regarde travailler les sécus qui ont trouvé leur jeu favori: « Catch the Slammer ». La règle est très simple, il s’agit d’intercepter la personne portée par la foule avec un maximum de douceur afin d’éviter qu’elle mange (trop) la crash-barrière, et de l’évacuer sur le côté sans qu’elle s’arrête pour essayer de prendre une photo ou de passer dans la fosse afin de transformer l’essai. Un jeu d’équipe très complet, où l’endurance et le fair-play sont de rigeur !
Blague à part, cette « première partie » de Green Day fonctionne plutôt bien. Malgré une musique désespérément molle et des entre-chansons interminables, le public se chauffe et bouge bien. A se demander si c’est vraiment dû à la musique ou plutôt à l’impatience de voir Green Day. Tout le monde regarde sa montre toutes les trente secondes.

Et les voici, les voilà. 22h piles, 25’000 personnes acclament l’arrivé sur scène de l’un des trios punk les plus influent de notre génération. Sur le programme ils ont deux heures de set… Deux heures de show pour un groupe de punkrock ? Ca m’inquiétait un petit peu, je vais comprendre très vite: Green Day nous la joue remplissage. En dehors des chansons exécutées de manière ultra (trop ?) professionnelle, c’est à une animation digne d’un Club Med à laquelle on a droit: Rythme batterie-basse tenu, Billy Joe Amstrong se laisse tout le loisir de scander des « hééhoo » insupportables que la foule répète en hurlant. Et c’est interminable. Et c’est que le début, le voilà qui revient sur scène avec un Super Soaker et se met à nous arroser. Il fait monter un gamin et lui demande de faire la même chose, alors qu’en arrière-scène, posés sur les amplis, des feux d’artifices agrémentent ce show grotesque en ponctuant les rares mesures un peu pêchues auxquelles on a le droit. Il y a beaucoup trop de monde sur cette scène: Le trio qui joue depuis 16 ans et qui a donné ses lettres de noblesse au punkrock californien se voit maintenant obligé de s’augmenter de musiciens, jusqu’à deux guitaristes supplémentaires, un clavier, des cuivres. Ca rime à quoi ? Tout ce backline nécessaire pour du punk ? Finalement je me retrouve avec le même mauvais goût dans la bouche que devant Offspring: On est face à une affaire qui roule, qui fait des ronds. Ce ne sont plus des musiciens devant nous, ce sont des entertainers, et ça passe mal. Mon dégoût ne vient pas seulement de la scène, mais aussi du public: je dois faire monter la moyenne d’âge en flèche, et lorsque je me risque à courir un peu partout sur une bonne vieille chanson de « [album]Dookie[/album] » ou de « [album]Nimrod[/album] », on me dévisage et on me prend pour un fou furieux. Détestable.
Bière-dodo.