« Oh God what a fucking day ! » a répété Tom maintes fois. Euphémisme pour une journée assez folle qui aura vu The Electric Soft Parade donner deux concerts en moins 5 heures dans Paris.
Il est quinze heures lorsqu’on retrouve Electric Soft Parade au Showcase sous le pont Alexandre III. Livide, des cernes énormes sous ses grands yeux bleus, Tom White, chant et guitare, semble épuisé pour cette dernière date de la tournée. Cependant, il nous accueille chaleureusement, discute de la pluie et du beau temps et de concerts de Eels le tout entre deux changements de cordes et installation du matériel du groupe pour le soundcheck à venir. A la pause clope, on demande à Tom où est passé son frère Alex, guitariste, chanteur et pianiste du groupe. La réponse étonne : « Alex est à un mariage en Angleterre. Il a pris l’Eurostar ce matin et revient tout à l’heure pour le concert du Showcase. Par contre, il ne sera pas là au Bataclan, on va devoir se démerder à trois… C’est plutôt flippant ». Il y a de quoi flipper. Non seulement Alex et Tom se partagent habituellement le chant, mais de plus Alex joue toutes les parties de piano-synthé et fait les harmonies vocales. Le groupe va tout simplement devoir jouer sans l’un de ses deux éléments clés. Véritable défi, Tom semblera légitimement obsédé par ce concert en trio toute la journée…
Le groupe commence la balance. Doucement, Tom fait les cent pas sur la scène du Showcase pendant que Damo (batterie) se prépare. Quelques réglages et c’est au son du riff « Marquee moon » de Television que le groupe se lance. La nouveauté « Things snowball » et « Empty at the end » résonnent dans la salle tout en longueur quand arrive le moment de régler les instruments d’Alex. C’est Matt (basse) qui s’occupe du synthé, Tom entonne la fin de « Cold World » et l’affaire est dans le sac. Direction le Bataclan. Dans le van, l’ambiance est au repos. Tom semble à peine être éveillé, Matt est pareil à un sphinx absorbé par les rues qui défilent alors que Damo nous confie connaître quelques génériques de dessins animés français. A peine le temps de chantonner avec lui « Chapi Chapo » et l’improbable « Bibifoc » que le trajet est fini. Il est 17 heures. On aide à décharger le matériel et Tom nous confie ses souvenirs de cette salle avec Brakes en première partie des Killers. Le groupe gagne sa loge afin de se reposer alors qu’on décide d’assister à la balance de Ian Brown qui a pris pas mal de retard. On le voit passer devant nous avec un appétissant poulet… N’est-il pas censé faire sa balance ? Une bonne heure s’écoule avant de le voir monter sur scène. Le simiesque chanteur pète un plomb après trente secondes de chant et décide de laisser ses zicos se débrouiller. La classe anglaise.
Après quelques coups de fil passés dehors histoire de se la péter devant les quelques spectateurs faisant déjà la queue, on regagne la salle. Il est presque 18 heures 45 et Electric Soft Parade aimerait débuter son soundcheck. Un ampli Marshall semble en avoir décidé autrement. Impossible de l’alimenter (et le poulet de Brown ? Il ne fait pas l’affaire ?). Le temps passe et grâce à une probable intervention du Saint Esprit, soudainement l’ampli fonctionne à nouveau. Il reste peu de temps, le groupe doit monter sur scène à 20 heures. Tom joue « Woken by a kiss« , l’un des titres les plus orchestré du dernier album qui, surprise, sonne étonnement bien sans l’apport d’Alex, la chanson y gagne une énergie brute convaincante. Tom et Damo retravaillent une dernière fois l’outro explosive et c’est backstage qu’on les retrouve.
Dans la petite loge du Bataclan, l’ambiance est lourde. Epuisé, pétrifié par le concert à trois qui approche à grands pas, on n’ose même pas rappeler à Tom qu’il nous avait promis une interview à cette heure là. C’est lui qui nous le rappelle. Une petite demi-heure plus tard, Joe, le tour manager, nous interrompt. Le groupe va devoir monter sur scène. La délégation Visual sort des loges, jette un œil sur la set list et s’étonne d’y voir figurer la très arrangée « Everybody wants » et « Cold World« . Si cette dernière est probablement la plus belle du groupe, elle est surtout une chanson mené par un piano sautilleur. Question : comment vont-ils faire sans Alex ?
On se retrouve dans la fosse du Bataclan remplie par quinze personnes. Electric Soft Parade prend possession des lieux et démarre par « Woken by a kiss » , couplets shoegaze et refrain rêveur. La fin du morceau est plus violente, Damo frappe comme un forcené et Tom donne tout ce qu’il a. Ovation méritée. Rassuré, le groupe entame « Cold World » , Tom joue à la guitare la partie du piano pour un résultat au delà des espérances. Ces chansons sont tellement bonnes et les mélodies tellement fortes qu’une version au triangle suffirait au bonheur de la salle qui se remplit et qui semble de plus en plus conquise à la cause du groupe de Brighton. Tom joue le Mi mineur qui débute l’excellent « Have you ever felt like it’s too late ? » dont le refrain semble de plus en plus imparable. Viennent ensuite le single « Silent to the dark » et un génial « Empty at the end » ou Tom chante le solo autant qu’il le joue et où Damo fait de la traduction de texte : les « yeah yeah » deviennent ainsi « ouais ouais ». Une petite blague sur la ressemblance de Matt avec le batteur d’un groupe de stades co(s)mique fort apprécié en France, le single « Appropriate Ending » et enfin l’énorme « Everybody wants » . Ce titre d’ordinaire très orchestré est ici épuré au maximum dans ses couplets et ESP compense les parties orchestrales manquantes par une énergie communicative, presque heavy par moments. Le public ne s’y trompe pas et ovationne le groupe, certains en réclament même plus. Mission accomplie, le concert en trio est plus qu’un succès.
Retour dans les loges où l’ambiance n’est plus exactement la même. Tom nous tombe presque dans les bras et semble totalement revigoré par ce concert qui tenait de l’exercice de voltige hautement casse-gueule. A peine le temps de piquer quelques bières et d’assister à quelques titres de Ian Brown depuis l’arrière de la scène qu’on est déjà de retour dans le van. La conversation part sur Of Montreal et son dernier album, l’excellent « Hissing Fauna are you the destroyer ?« . Bien décidé à percer les secrets de fabrication de l’album, Matt fait hurler les enceintes du van au son de « Suffer for fashion » et c’est en chantant (comme des Dieux pour les anglais, moins dans le ton pour les représentants de la patrie de Didier Barbelivien), Heineken à la main que la moitié de la ville est traversée.
22 heures. De retour au Showcase et mauvaise surprise. L’accès aux berges de la Seine est impossible en voiture, il va falloir transporter le matériel sur 500 mètres. Il est à peine 22h30 dans la loge du Showcase quand enfin tout est installé et il n’y a plus qu’à attendre Alex… et le concert prévu à 0h30. Boisson, repas, blagues potaches, l’ambiance est infiniment plus détendue qu’au Bataclan. Tom propose de reprendre l’interview qui sera régulièrement interrompue par des blagues en tout genre, par le patron du Showcase qui tenait à préciser que les plus belles (NDLR : surtout les plus riches…) filles de Paris sont là ce soir.
Pendant qu’on termine d’interroger Tom, Alex arrive enfin, endimanché dans son costume. Il se met vite dans l’ambiance, participe à la fin de l’interview. Matt fait le service de boissons quand l’heure d’établir la set-list arrive. Plusieurs chansons sont évoquées, « Life in the backseat« , « Sleep alone« , la nouveauté « We don’t need to fight anymore« … On n’ose pas les supplier de jouer « Life in the backseat » et « A Beating Heart » mais on n’en pense pas moins… Finalement, le groupe opte pour une set-list identique à celle d’un précédent concert. Sans « Life in the Backseat« , ni « A beating heart« . Qu’à cela ne tienne, une autre bière nous consolera. Et puis, « Come back inside » est prévue et cette chanson sèche toutes les larmes…
0H50 : Electric Soft Parade monte sur scène et, comme au Bataclan, balance une grosse baffe dès « Woken by a kiss« . « Cold World » a retrouvé son piano et reste le diamant fou du répertoire des anglais. Alex empoigne sa guitare et lance le riff de « Things Snowball« , agressive nouveauté à paraître sur un prochain EP prévu pour la fin d’année. « Misunderstanding« , la rencontre de Weezer et de Grandaddy, fonctionne à merveille, le pont atmosphérique transporte un public de beautiful people qui semble aux anges. Tom et Alex harmonisent avant de lancer l’énorme « Lose Yr Frown« , chanson qui donne le sentiment que McCartney a jammé avec Black Francis. Un « Have you ever felt like it’s too late ? » et son stop-start plus tard et Tom lance « Come Back Inside« , Alex chante ce titre incroyablement poignant, sorte de long crescendo vers une émotion puissante à la Wordsworth. Le single « If that’s the case, then I don’t know » possède ce petit motif de guitare obsédant qu’on chantonnera toute la nuit. Electric Soft Parade conclut sur l’habituel « Everybody wants » qui a retrouvé les arrangements d’Alex et qui prend une autre dimension en concert. Un titre à la fois intime et énorme fonctionnant aussi bien au casque au cours d’une nuit d’insomnie que dans une salle de concert impersonnelle.
Le public applaudit à tout rompre et on regagne les loges. Pas de rappel, l’horaire est dépassé.
Ambiance de fête, la tournée est finie et s’est conclue sur une journée assez folle. Le retour à Brighton est prévu pour le lendemain. Une petite heure de discussion et de boissons et le groupe se prépare à quitter la salle. Remerciements, promesses de retour en France bientôt, photos et les anglais disparaissent dans la nuit parisienne. Une autre soirée débute alors pour Visual mais qui ne mérite guère un live report…
