Interview ☭ BRNS

A la suite d’un concert nerveux et prometteur, Antoine et Tim, les 2 créateurs de BRNS nous accueillent gracieusement pour une interview qui revient sur leurs origines, leurs claques et bien d’autres choses qu’on peut dire quand on a bu trop de boisson énergisante.

Vous êtes 4 dans le groupe mais 2 au départ du projet. Comment ça marche pour la composition ?
Ca marche en deux temps. Quand on a commencé, on a eu plusieurs groupes à 2 et on a voulu préserver certaines choses qui revenaient toujours dans des compos différentes pour garder une sorte de cohérence. On part toujours d’une base basse/batterie/synthé, à laquelle on ajoute quelques arrangements. Mais on reste toujours sur un format court pour ne pas avoir un morceau déjà tout fait afin de laisser place à une énergie de groupe et de nous permettre de jammer dessus tous ensemble une fois en studio. On a toujours fonctionné comme ça. Notre line-up définitif existe depuis janvier où César est arrivé. Là, ça a bien pris en studio et en live aussi. Après, on composait déjà depuis 2 ans dans notre coin à 2.

Dans nos anciens projets aussi, on se retrouvait et on enregistrait des duos basse/batterie, qui servaient pas toujours parce que les autres membres du groupe étaient pas intéressés. A force de laisser des trucs à la poubelle.

Et puis, on commencait à composer des morceaux pour la première fois. Au bout d’un moment, le chanteur qui était avec nous qui se ramenait avec ses chansons se retrouver dans un truc beaucoup plus « agressif » que ce qui était prévu à la base. Pour nous, ça a été les prémisces de BRNS parce que dès que ce projet était fini, on a commencé à faire des basse/batterie et on s’est entourés de nos potes pour les faire collaborer. On a beaucoup bossé avec César et Diégo et sur des choses qu’on n’avait jamais essayé avant : des synthés, le chant…

A ce propos, vous touchez à plusieurs instruments, ça complique pas le processus ?

C’est ça qui est marrant, c’est qu’on avait fait un peu de piano, on touchait un peu quoi. Les premières notes de Mexico, c’est super simple et ensuite, on la décortique et on la complexifie. Et c’est notre démarche pour l’ensemble des morceaux. Si tu peux prendre chaque partie, c’est pas du chinois. Mais c’est ce qui nous permet d’être accessible pour une partie du grand public et d’offrir aussi une alternative à la pop vraiment mainstream où tu sens toute la structure arrivée. On a toujours voulu privilégier la surprise, voire à être foireux. Il y a un groupe par exemple de math-rock And So I Watch You From Afar : c’est excellent mais de temps en temps, y’a une partie qui arrive et tu te dis : « Ca a rien à foutre là ! ». Et c’est ça qu’on recherche aussi, que les gens pigent pas et comprennent ensuite.

Morceaux de 5 minutes, des percus bien présentes avec un batteur-chanteur, fait assez rare à part dans Menomena et pour Phil Collins. Je vous aurais plus classer dans le math-rock. Pourtant vous vous estimez pop, c’est à cause de vos influences ?
Pour nous, c’est la base du groupe. On est clairement influencés par ça et perso, j’en écoute depuis que je suis né. (Tim)

Sachant que la pop d’hier n’est pas forcément la pop d’aujourd’hui…
Antoine : Ah mais clairement. Après, on a commencé à écouter des groupes comme Le Loup, Flaming Lips ou Animal Collective. Des gens qui ont commencé à déconstruire le genre en utilisant des sonorités pop pour en faire quelque chose d’original et de beaucoup plus éclaté.

En fait en 2008, je suis allé voir Menomena à la tournée du deuxième album. A cette époque, ils tournaient avec leur illustrateur qui faisait des dessins sur scène, c’était incroyable. J’ai été vachement interpellé, j’avais pas tout compris. C’était hyper intéressant musicalement et visuellement, t’en prenais plein la gueule. Donc j’ai ramené ça comme une espèce de grand flambeau et je me souviens que Tim a adhéré dans la seconde.

Tim renchérit : A la seconde même. Franchement, Menomena est pour moi la plus grande découverte musicale de ma vie. On les a vus à Rothonde et c’était juste hallucinant. J’ai pas forcément envie de mettre de dates mais j’ai l’impression que c’est là qu’il y a eu un déclic.

Antoine : C’est en voyant un groupe comme ça, et après on est rapidement tombés sur toute la clique de Portland, qu’on s’est dit déjà qu’avec notre groupe de pop de l’époque, il y avait moyen de faire quelque chose de différent. Pour nous, on faisait du rock et on s’est rendus compte qu’on pouvait faire de la pop tout en étant intéressant. Même si aujourd’hui quand on parle de pop, on pense tout de suite à un truc pourri.

Tim : C’est ce qui m’a fait comprendre que la pop, ça pouvait être géniale. Au début, Animal Collective j’écoutais ça de manière assez lointaine, je me demandais ce que c’était et je cherchais quel genre c’était en comprenant rien parfois. Et franchement en voyant Menomena, ça a été un déclic, un flash total. Après on fait pas du tout la même musique : ils ont des harmonies qui leur sont propres mais au niveau des visuels on a essayé de garder cette trajectoire.

Justement, j’allais évoquer la pochette. Ça m’a fait penser à du Charles Burns en termes de style et aussi à cause de l’ouverture ambiguë sur le crâne, c’est un de artiste que vous appréciez ? E toi Tim, en tant que graphiste t’avais pas envie de mettre la main à la patte aussi de ce côté-là ?
On a fait appel à un mec qui fait des trucs assez dingos. D’ailleurs, on continue de travailler avec lui sur d’autres visuels. On a toujours voulu travailler la partie visuelle à part et ne pas filer ça au premier hipster venu. On a une idée très claire de ce qu’on veut visuellement et on a laissé carte blanche.

Tim : Dans les anciens groupes, je voulais m’en occuper mais là pas du tout. On fait la musique et on a envie d’y confronter un univers visuel. Dans ce qu’on fait, il y a énormément de contrastes. Des morceaux à tiroirs où on passe d’une ambiance calme à quelque chose de violent. Dans les visuels, on voulait aussi travailler dans cette idée-là. Au début, on avait travaillé avec quelqu’un issu du street art qui a un style très léché et froid alors que notre musique est tantôt lumineuse ou agressive. C’était intéressant de voir la rencontre des 2 univers et c’est lui qui a signé la pochette de notre premier EP.

Antoine : On connaissait très bien C A R L (autre groupe bruxellois dont le chanteur est dessinateur: http://www.myspace.com/carlclebard ) et ça nous intéressait de bosser avec lui parce qu’on aimait bien sa musique et aussi pour ses illustrations où il y avait quelque chose d’intriguant et contrastant avec notre style. On ne le connaissait pas personnellement mais son atelier est pas loin de chez nous, on lui a envoyé un mail et il a été emballé rapidement. On s’est rencontrés et on était tous très timides, c’était authentique. Il connaissait pas notre musique alors il a filé nos paroles, il est venu à un concert et il est revenu avec 5 dessins. Sur la pochette, c’est notre préféré puis les 2 autres sont sur le vinyle. Pour la petite histoire, on n’avait pas de titres de disque alors quand on lui a donné les morceaux, on lui a dit de ne pas hésiter à nous dire à quoi ça lui fait penser. En proposant son travail, on a eu de grandes discussions sur le nom du disque et on l’a appelé « Wounded » (blessé) en rapport avec le dessin. Ca fait donc une sorte de boucle : la musique ayant évoqué le dessin et ce dernier a donné le titre de l’album.

Deuxième histoire à propos de nos visus. Sur le premier EP, on était partis du morceau Mexico et on voulait donc un Luis Mariano zombifié. Une idée décalée que personne n’a trop captée. Pour la blague, on voulait appeler notre « label » Luis Records donc on voulait garder cette tête pour le logo du label. Sauf que l’artiste a cru que c’était Louis et a pensé à Louis XIV. Quand il est revenu avec le visu fini, on a trouvé ça excellent et décalé donc on l’a gardé et c’est ce qu’on retrouve aujourd’hui sur nos vinyles.

J’avais lu dans une autre interview que quelqu’un a crée un label pour éditer votre premier EP? Pouvez-vous m’en dire plus ?
On a un ami, Xavier Daive, qui cherchait depuis longtemps à créer un label avec des sorties vinyles. C’est un passionné, il va te trouver des trucs venant d’Amérique Latine dans des foires aux vinyles, c’est un malade de ce support. Il avait envie d’investir et voulait donc en produire un local, du moins européen. Il est tombé sur notre groupe après avoir déjà fait quelques essais avant. On n’avait pas fait encore de concert qu’il nous a proposé de jouer dans sa salle à l’Atelier 210. On a donc joué notre 3ème concert là-bas, il a complètement flashé et a décidé d’éditer un vinyle avec les 3 premiers titres qu’on avait. Il en a pris 2 et a sorti un 45 tours deux faces pour lancer son label « Limit Records ». C’était super cool parce qu’on a sérigraphié la pochette, plié à la main.Tout ce qu’on sort est auto-produit et on s’occupe de nos arrangements.

Dour, Rock en Seine, une tournée qui vous mène en Belgique, en France et en Suisse, un clip pour Mexico… C’est quoi la suite ?
On tourne jusqu’à novembre et on prévoit d’enchaîner avec une tournée avec C A R L en décembre en Belgique. On s’arrêtera pour les fêtes pour se retrouver en famille et fêter le Nouvel-an chez nous où on annonce déjà une grosse fête et où une présence féminine est la bienvenue. On a prévu de se reposer un peu et de composer à nouveau dès janvier pour retourner ensuite toute l’Europe ! La France peut s’attendre à nous revoir beaucoup et Lille également bien sûr. Avec des compos peut-être plus fines, plus mûres. En tout cas, c’est fort excitant pour nous parce qu’au début on faisait tous sans réfléchir avec le plaisir de la découverte. Ici, on se marre toujours autant mais maintenant on a envie de faire pleurer les gens. (Blanc, puis rires)

Vous voulez faire une comédie musicale ?
On proposera un univers automnal, pluvieux, cafardant au possible. (sur le ton de la galéjade, ou pas. L’avenir nous le dira.)

Combien de temps vous mettez à faire un mini-album ?
Hum, bonne question… C’est changeant. Parfois on va être assez lent mais globalement, quand on compose, on va assez vite. Le problème, c’est qu’on n’a pas beaucoup le temps de composer. Par exemple, pendant une année entière on n’avait plus le temps de composer donc on fait un seul morceau. Depuis juillet dernier, on est totalement dans le groupe puisqu’on a arrêtés nos boulots respectifs pour tourner et composer à temps plein. Ce qui nous permet d’aller plus vite et aussi plus loin. Mais pour avoir une idée plus précise, on a mis environ 6 mois pour avoir ce qu’on joue pour l’instant. C’est l’emploi du temps qu’on a qui fait que ce délai varie plus ou moins. Après avoir enregistré l’album, on travaillait encore et on s’occupait à la fois des histoires d’illustrations, des répétitions la semaine, des concerts le week-end.

Dernière question, un peu chiante : Votre album de l’année ? Et même chose pour le concert.
L’album « Attack on Memory » de Cloud Nothings et Peter Kernel au magasin 4 à Bruxelles en avril dernier avec qui on a déjà eu la chance de jouer. (Et après écoute, on vous conseille ardemment l’écoute des trop méconnus Peter Kernel.)

On remercie pour leur bonne humeur, leur disponibilité et leurs calembours Antoine et Tim et leurs joyeux drilles plus ou moins présents lors de l’interview ainsi que leur manager Joseph et on leur dit à bientôt.