Interview ☭ Guerilla Poubelle

C’est dans un petit café décentré de St Saulve, près de Valenciennes que Guerilla Poubelle nous a enivré avec son (ska) punk biodégradable, aux côtés de Bloom, durant la soirée du 2 au 3 avril. Du coup, on les a chopé dans un coin sombre et mal famé pour les harceler de questions sur ce nouveau groupe, fondé sur les restes de Les Betteraves.

C’était pas évident de trouver des questions à vous poser sur votre musique tellement on a l’impression que vous-même ne vous posez pas vraiment de questions, que vous réfléchissez pas 40 ans avant de faire vos morceaux.
Till : Si alors on réfléchit aux paroles quand même ! Merde quand même ! Et si, la musique on l’a travaille un petit peu mais c’est clair qu’on préfère la jouer à l’arrache, on va pas jouer de la musique d’intellectuel. C’est très feeling, on joue beaucoup au feeling, a l’énergie, on essaie de faire les choses naturellement. On a un logiciel, on rentre tous les riffs dessus et ça fait de la musique tout seul en fait, ça s’appelle « tube maker » (rires), vous pouvez l’acheter chez votre marchand de journaux pour 15 euros seulement avec photo dédicacée !

Parlez-nous de votre album qui sortira l’année prochaine.
Till : Peut-être même cette année. Alors justement on a des news !! C’est une exclusivité… pour VisualMusic ! La semaine prochaine on enregistre des maquettes, enfin on enregistre un live pour voir ce que ça donne pour pouvoir éventuellement modifier des trucs tout ça, pour avoir du recul ; et cette été donc on enregistrera l’album avec des morceau dessus ça sortira sur un CD avec peut être un livret, une boite en plastique tout ça et ce sera disponible partout puisque normalement, (enfin c’est bien parti pour), sur Crash Disques qui est donc un label que vous connaissez très bien. Et ça sortira on sait pas trop quand, ce sera finit d’enregistrer normalement en septembre donc à partir de septembre ça peut sortir.

Mais vous avez monté une asso aussi non ? Rien qui puisse faire sortir quelque chose ?
Till : Ouais, j’ai monté une asso avec d’autres gens extérieurs au groupe après les gens du groupe y participent plus ou moins (à Chamoul) par exemple on veut bien de toi pour faire des crêpes sur le festival. Mais cette asso ne s’occupe pas du groupe et on n’a pas de moyens financier assez gros pour pouvoir en faire un label mais on va quand même sortir des disques, déjà on a une compil’ en préparation qui sort on ne sait pas quand mais en tout cas elle est finie y’a plus qu’a l’envoyer à l’usine et après un split vinyle qui sortira des Butterbeans et Guerilla Poubelle dans quelque temps aussi mais l’asso n’a pas de distributeur en fait, on les distribuera nous même par Internet, par les boutiques, dans les concerts on en diffuse à tous les groupes qu’on croise s’ils en veulent s’ils veulent en revendre on demande ils nous en achètent et donc ça fonctionnera comme ça. Quant à l’album de Guerilla Poubelle, on veut que ce soit diffusé à plus grande échelle, pas pour en vendre plus mais pour que les gens trouvent plus facilement et que le label aussi se rentabilise, histoire qu’ils ne jettent pas leur argent par la fenêtre.

Et au niveau des Betteraves ?
Till : Qui ?! Jamais entendu parler… (rires)

Ca vous fait pas un peu chier qu’on vous y associe encore tout le temps ? En même temps vous continuez de distribuer ce genre de choses (tendant un sous boc à l’effigie des Betteraves).
Till : C’est-à-dire que c’est notre ancien groupe donc ça nous fait pas spécialement chier qu’on nous y assimile c’est un peu normal d’un certain côté mais ça fait un peu plus chier qu’on assimilent la musique de Guerilla Poubelle aux Betteraves parce que c’est pas la même chose, ça pourrait d’ailleurs être la même chose, mais on a décidé de faire un autre groupe même si ça ressemblait et que c’était quasiment la même chose c’est pas la même chose. Bon après que les gens fassent des comparaisons c’est normal, on va pas leur chier dessus parce qu’ils disent « oui je trouve y’a une évolution dans les médiums de la basse, y’a un peu plus de gain par rapport aux Betteraves et ça me plait beaucoup« , ou « je trouve ça nul« .
Bon après c’est assez proche de toute façon parce qu’il reste l’influence de nous deux, c’est la même personne qui écrit la bases des chansons donc… C’est plus la même démarche, après nous on continue a vendre les disques aux concert de GxP , on file des autocollants tout ça parce que c’est notre ancien groupe et parce que les gens même s’ils ne viennent pas vraiment tous « que » pour les Betteraves… Enfin c’était plus le cas au début, aux concerts on vendait plus de cds des Betteraves que de GxP et aussi plus de t-shirts. Maintenant c’est l’inverse on vend beaucoup moins de trucs des Betteraves par rapport à GxP. La transition se fait et tant mieux. Après y’a des gens qui nous disent : « Ouais vous jouez plus mais vous continuez à vendre des t-shirts, des Cds tout ça » oui mais bon on écoute des groupes qui sont finis, on écoute des trucs d’Operation ivy, je suis bien content aujourd’hui de pouvoir acheter leur t-shirt.
Kojak : Ah non moi j’ai arrêté d’écouter Operation ivy du jour ou ils ont arrêté !
Till : Oui c’est vrai je n’achète plus de t-shirt et les disques je les ai jetés ! Enfin nous on le fait de toute façon pas pour les thunes, si les gens savaient ce qu’on touche sur les ventes des Betteraves ils rigoleraient. On le fait pour diffuser les trucs, parce qu’il y a des gens qui en veulent, le jour où plus personne en voudra on les mettra dans nos slips et puis voilà.

Le succès des Betteraves a quand même été assez énorme d’un coup…
Till : Oh énorme pas vraiment, c’est arrivé d’un coup c’est vrai. A l’échelle d’un groupe comme nous qui en avons rien à branler oui alors c’est vrai c’est énorme.

…vous avez été quand même assez mal interprété dans votre truc, on vous a pris pour un simple groupe festif…
Till : Ah oui mais ça les gens n’ont rien compris, alors qu’on n’aime pas la fête ! C’est vrai qu’on fait pas la fête, moi dès qu’on me propose d’allez dans une soirée, de faire la fête, je refuse.
Kojak : Moi j’y vais mais je m’emmerde !
Avec GxP on se sent mieux dans notre peau. Un jour une copine m’a dit que les textes de GxP me ressemblaient plus que ceux des betteraves et ça m’a fait grand plaisir et j’ai l’impression peut être que c’est vrai aussi, après ça doit toucher moins de gens du coup (sourire).

Et au niveau des études comment on gère un groupe comme GxP.
Till : Bon en fait y’a pas d’études pour jouer dans Guerilla poubelle, oui bon un minimum quand même, au moins le brevet, le truc de sécurité routière, la JAPD… Non mais pour ce qui est de faire des études et de faire de la musique en même temps, on va te rassurer tout de suite on fait pas d’études, Kojak peut être va reprendre l’année prochaine.
Kojak : Ouais peut être mais c’est mal barré.
Till : Moi personnellement j’ai terminé mes études, c’est-à-dire que j’ai eu le bac. Chamoul a fait exactement la même chose, il a eu le bac, mais lui veut être batteur professionnel, moi je ne veux pas être musicien professionnel, je ne veux pas gagner ma vie en faisant de la musique ça m’intéresse pas, je veux garder les pieds dans les trucs vrais, le travail, payer les impôts…
Kojak : La famille et la Patrie tout ça (rires)
Till : Donc après comment on fait, on se débrouille comme on peut en gagnant un peu d’argent pour manger et en squattant plus ou moins chez nos parents suivant les personnes dans le groupe et en travaillant plus ou moins aussi selon les personnes dans le groupes et essayer de se débrouiller comme on peut.

Donc le plan signer sur une major à la Minimum Serious c’est pas pour vous ?
Till : De toute façon ils en vivront pas de leur musique Minimum Serious.

C’est la grosse polémique du moment dans le punk français !
Till : Ah ouais ? On n’est pas très polémique, et on n’est pas très punk rock français (rires). Non…euh…pas notre genre euh de toute façon… après faut vendre, peut être minimum serious ne vendront rien et voilà c’est tout. En même temps tu vends plus de disques quand il y a des filles a poil sur la pochette donc ils sont dans la bonne démarche.

Le débat c’est aussi le choix de chanter en français. Vous, vous l’avez toujours fait.
Till : Oui parce que c’est naturel, j’ai commencé à écouter du punk avec des groupes français et je parle mieux français qu’anglais. Je sais pas, c’est plus honnête je trouve, par rapport aux gens parce qu’on comprend pas forcément mieux ça c’est pas vrai, c’est surtout par rapport à moi en fait, peut être que si Kojak écrivait les textes, c’est une question d’écrire les textes.
Kojak : Y’en a qui sont plus à l’aise à chanter en anglais, en français en allemand ou en suédois…
Till : Oui voilà moi je suis beaucoup plus à l’aise à chanter en suédois, mais je n’aime pas les trucs trop faciles (rires). Mais si on avait chanté en anglais depuis le début, on serait venu nous voir en disant : « Ouais on veut bien vous signer mais faut chanter en français » on leur aurait foutu un coup de pied au cul! On leur aurait vomi sur la gueule et puis voilà. Maintenant on connaît des groupes qui chantaient en anglais qui sont venus au français mais c’est pas pour que ça marche mieux, c’est pas pour vendre plus de disques, c’est pas pour se faire signer, c’est qu’ils se sont rendus compte que ça leur correspondait plus, que c’était ce qu’ils avaient envie de faire. Bon moi je suis pas particulièrement partisan du fait qu’il faille chanter en français quand on est français, je crois juste que beaucoup de groupes français qui chantent en anglais ont l’air vraiment très cons. C’est aussi plus facile de tomber dans les clichés du punk français style « La révolution ! On est tous ensemble !« . Et tout les groupes qui chantent en anglais c’est parce qu’il ne veulent pas tomber dans ces clichés et que c’est difficile d’écrire des trucs en français qui ne sonnent pas clichés. Mais moi les trucs qui sonnent pas clichés, que j’aime bien et que j’écris, c’est parce que ça sonne pas bien justement, que ça dérange, et du coup on se dit que ah tiens ça sonne pas mal mais pas parce que ça sonne bien (rires). Et après je pense que c’est plus facile de chanter en anglais, c’est déjà une langue qui s’y prête sûrement plus, mais regarde un groupe allemand quoi chante en anglais c’est nul, alors qu’un groupe en allemand qui chante en allemand ça sonne dix fois plus vrai, tu sens que les mecs ils le vivent leur truc, tu regarderas les chansons de Wizo en anglais et en allemand t’as pas de comparaisons. Terrorgruppe c’est pareil. ZSK tu prends leurs chansons en anglais on dirai du Blink-182 alors que leur chansons en allemand… c’est du putain de bon punk.
Kojak : Quand t’écris dans ta langue maternelle, t’es vachement plus à poil que si tu te caches derrière une langue qui n’est pas la tienne.
Till : En même temps moi j’ai mis longtemps à y arriver aussi. Tu prends les textes des Betteraves, on voit bien que je ne suis pas à poil et que le vrai truc il est vraiment caché derrière les Betteraves… c’est un peu une façon de chanter en anglais. Enfin c’est une façon de se planquer, c’est une facilité. On a décidé de ne plus le faire comme ça mais ça reste souvent encore caché c’est vrai.

Vous êtes content de jouer dans des petits bars comme ici à Saint Saulve ?
Till : Ben nous on est content de jouer, point.
Kojak : On peut jouer n’importe où…
Till : Non dans « n’importe où » y’a un côté péjoratif, c’est « partout » ! On est content de jouer, où que ce soit. Personnellement, je préfère jouer dans des petits trucs, des petits bars, des petits trucs comme ça, plutôt que des grosses salles. On s’entend mieux, on est plus ensemble. Je pense qu’on est plus à l’aise dans des salles comme ici, même si c’est vrai que c’est très petit, mais on a fait pire et c’est pas forcément pire puisque les trucs petit comme ça souvent l’ambiance est cool et même si y’a 20 personnes qui viennent à ton concert, ce qui est normalement un bide, hé bien c’est plein ! (rires) C’est quand même cool. Après dans les gros trucs, souvent y’a des problèmes techniques, on n’est pas très pros, on n’a pas encore notre ingénieur son perso, donc les grosses salles souvent on est un peu perdu parce que le son est pourri, là comme tout est à fond on entend bien.

Et le fait aussi de vouloir varier à chaque concert, d’étoffer par exemple avec les dessins de Jokoko, de vouloir faire des petits trucs en parallèle, c’est pas aussi une façon de montrer que vous n’avez pas la prétention de dire que votre musique se suffit à elle-même ?
Till : Ca tu le prends comme tu veux mais c’est surtout que nous quand on vient à un concert, c’est pour autre chose que ce qu’il y a sur un disque. C’est plus intéressant, déjà on essaie d’être là avec les gens d’abord en tant qu’êtres humains et pas en tant que musiciens. Mais, déjà il faudrait qu’on soit musiciens avant (rires).
Kojak : En fait c’est juste qu’il a une guitare, moi j’ai une basse et il a une batterie voilà.

Vous êtes de ceux qui pensent que le punk est indissociable de sa culture ?
Till : Non alors nous la culture punk souvent ça nous as…
Kojak : C’est-à-dire que moi je ne m’assimile pas du tout à une culture quoi.
Till : Moi c’est ma culture mais c’est assez pauvre et pleins de clichés. Et justement, dans un concert punk le cliché c’est tu te bourres la gueule et c’est la fête, tu joues n’importe comment, on comprend rien, tu fous le bordel tout le monde s’en fout parce que c’est punk. Nous on a envie que les gens comprennent un peu ce qui se passe, on a pas envie que le son soit trop pourri. On n’a pas envie d’être bourrés et si en plus on peut apporter avec nous des dessins, des trucs que les gens peuvent garder comme souvenirs plus que seulement des mecs torchés sur scène, on trouve ça plus cool. On ramène aussi plein de trucs à vendre, alors bien entendu dès qu’on dit « vendre » ça fait chialer beaucoup de gens mais ce n’est pas particulièrement pour vendre, c’est plus pour diffuser. Après évidemment c’est des disques donc on est obligé de les vendre sinon ça fait surtout perdre des thunes et nous on les achète les disques qu’on vend, à des groupes de potes, à des labels de gens qu’on connaît, des trucs qu’en général on ne trouve pas trop dans la grande distribution donc c’est bien de les diffuser là, c’est aussi beaucoup moins cher comme les albums des Ludwig, nous on les vends 10-11 euros tandis qu’à la Fnac tu le paiera beaucoup plus cher et en plus le groupe ne se fera pas de thunes dessus.

Sur ces derniers mots qui font réflechir, les Guerilla Poubelle nous laissent. Et nous, on n’a plus qu’à attendre patiemment leur prochain opus qui arrivera donc plus rapidement que prévu. On croise les doigts.