David Bowie ✖︎ The Last Five Years

Enfin. Dans un monde qui regorge d’informations sur David Bowie quelque soit le support, la BBC avait promis de se pencher avec un documentaire d’une heure et demie sur les 5 dernières années du monument national. Période synonyme de l’arrivée The Next Day et de Blackstar, loin d’être les moins bien placés d’une discographie riche de 29 albums.

Tout commence en…

Si une mise en contexte peut être nécessaire, il faut avouer que la chaîne se fout un peu de notre gueule en prenant déjà 20 minutes pour nous reparler de Ziggy Stardust, de Berlin et de ce que toute personne intéressée un minimum par le personnage connaît déjà. Bien sûr, il s’agit aussi d’une manière de coller les morceaux avec la logique qu’il a pu adopter pour ses dernières années mais le regard dans le rétro est trop appuyé. Reste quelques images sympathiques où l’on aperçoit des extraits du spectacle Diamond Dogs et sa mise en scène théâtrale ou encore les images du groupe éphémère Hype en concert costumé ouvrant les débuts de la période Glam.

30 millions d’amis

La force du doc réside dans l’accès à l’entourage de l’artiste et à l’exclusivité des images qu’il nous propose. Tony Visconti, Gale Anne Dorsey, Carlos Alomar, Earl Slick, le groupe de jazz ayant joué sur Blackstar nourrissent l’histoire en anecdotes intéressantes et regards amusés ou émus sur l’ordinaire homme extraordinaire. Comme Visconti était derrière tous les disques de Bowie depuis Heathen, ça nous permet d’avoir aussi accès aux prises de voix du monsieur. Cela nous apprend au passage que les paroles évoluaient jusqu’à la dernière minute avant l’enregistrement et que comme lors de toute sa carrière, l’anglais préférait les premières prises et s’évitait trop d’enregistrement pour laisser place à la spontanéité. Le fait de ne pas avoir de pression de la part d’un label et d’une date de sortie l’a poussé à perfectionner chaque composition et paroles pour aboutir à un résultat optimal.

Double sens

Le sens d’un morceau peut parfois être bien caché et « Valentine’s Day » nous le prouve bien. Avec sa mélodie old-school très légère, il aborde en réalité le point de vue de Bowie sur les tueries arrivées aux Etats-Unis en mettant en lumière le personnage de Valentin prêt à frapper le jour venu. La dernière image du clip prend toute sa force car on voit que si Bowie lève son bras en brandissant sa guitare, c’est en réalité pour singer Charlton Heston dans un discours devant l’assemblée US. Qui affirmait son soutien au port d’arme en tant que grand patron à l’époque de la NRA, association luttant pour le droit à l’armement individuel. « The Stars Are Out Tonight » est lui une lecture acerbe de la célébrité et du comportement de ses stars actuelles mais le clip réalisé par Floria Gismondi nous montrait déjà clairement cet aspect.

Dommage que le doc ne passe du temps que sur ces singles mais on a tout de même le temps de rendre visite au réalisateur de la pochette de The Next Day, nous montrant les autres approches visuelles d’un disque qui aurait pu s’appeler Where Are We Now ou Love Is Lost. En marge de toute communication envers les médias car lassé de laisser sa vie prête à toute observation, Bowie a travaillé son art seul avant d’en avertir une petite troupe pour ses deux albums. Avec signature de clause de confidentialité à l’appui. Cette loi de l’omerta explique sûrement le peu d’informations dont on dispose autour de cette période 2011/2015.

The Last Five Years est un bon condensé de la vie de son artiste mais si vous connaissez sa carrière, je vous invite à vous focaliser sur la dernière demie-heure bien mieux renseignée sur Lazarus et Blackstar. Spoilant allègrement la comédie musicale / pièce de théâtre dont je vous ai parlé récemment, on y voit le cast en répétition, des images sur scène et et même la scène finale. Autre info exclue, l’équipe a du convaincre Bowie de vouloir y intégrer une version remaniée de « Heroes », considérée par trop emblématique par son auteur.

Pour son dernier disque, on apprend pas mal de choses au contact de Maria Schneider qui conseille d’ailleurs au chanteur le groupe pour l’enregistrement, par manque de temps. Visiblement décidé à faire une autre comédie musicale et donner une suite à Blackstar avec notamment un duo non finalisé avec Lorde, David Bowie s’est fait rattrapé par la maladie. Il l’a d’ailleurs appris avant de tourner son dernier clip, ce qui rend l’interprétation du titre encore plus poignante, si il y en avait encore besoin. L’avenir nous donnera sûrement à entendre une version deluxe de ces deux disques avec maquettes, faces B et autres secrets à entendre mais il semblerait que ces confidences de studio restent limitées à un cercle d’initiés pour toujours.

Un doc pas indispensable n’allant pas aussi loin que sa promesse de départ mais méritant la vision pour sa deuxième moitié surtout. On vous dit à très vite pour un livre cette fois.