Last Train / Cold Fame Party ★ La Flèche d’Or

En mars dernier, je t’avais raconté que je m’étais pris une bonne claque au live de Last Train à la Maroquinerie. Alors quand le label m’a proposé de réitérer l’expérience, je n’ai pas hésité une seconde et ai tendu l’autre joue (c’est mon côté un peu SM).

Depuis ce concert, une foule d’événements a marqué l’histoire du quatuor : un live au Download Festival, la première partie de Muse, et puis surtout un nouvel EP, « Fragile« , qui reste dans la continuité de leur travail tout en asseyant leur énorme potentiel. Si le Patron a totalement adhéré à l’EP, je décide de laisser mes oreilles vierges de toute écoute pour ce live, histoire d’être (encore une fois) surprise.

Cette soirée est cependant spéciale : il s’agit de la Cold Fame Party, réunissant Last Train et les deux groupes signés sur leur label : Colt Silvers et Holy Two. Malheureusement, j’arrive trop tard pour le premier groupe, les festivités commencent donc pour moi avec Holy Two.

Dans un premier temps, l’association Holy Two/Last Train pourrait surprendre tant les deux univers sont éloignés… mais on sent bien vite ce qui relie ces deux groupes : au delà de leur label, c’est une passion sans borne pour la musique qu’ils offrent.

Holy Two, entre rêve et réalité

Holy Two arrive sur scène discrètement dans une ambiance tamisée, presque gênés de déranger les conversations de la foule. Mais lorsque les premières notes résonnent, le duo nous fait tout de suite entrer dans son électro-pop onirique. La complicité sur scène est palpable, Hadrien et Elodie sont totalement à l’unisson. Des titres aériens comme Rush ou Orchid nous embarquent d’emblée dans une autre dimension et la voix d’Elodie, douce mais déterminée, débordante de groove et de sensualité, enveloppe l’auditoire d’un voile chaleureux. J’ai parfois l’impression d’entendre du Air, du M83, des relents de Beach House, des notes de London Grammar, mais honnêtement je n’ai pas envie de m’aventurer sur le terrain casse-gueule des comparaisons. Holy Two a déjà, visiblement, une belle identité musicale qui brille sur scène.

La force d’Holy Two, c’est aussi cette capacité à montrer une belle palette de possibilités mélodiques comme sur Undercover Girls ou le flow d’Elodie, aux accents ragga, me fait penser à une Lauryn Hill en herbe (oui j’ose ici la comparaison). En bref, plusieurs couleurs enchantent le monde d’Holy Two et l’énergie déployée sur scène nous a presque fait oublier qu’ils n’étaient « que » la première partie.

Entracte. Je discute avec une dame d’une quarantaine d’années qui dit suivre Last Train quasiment depuis leurs débuts. Et c’est ça qui est étonnant avec ces rockeurs à peine entrés dans la vingtaine : ils fédèrent tout le monde. On trouve ainsi pêle-mêle dans les premiers rangs des jeunes filles en fleur, des quadra, des papas et des mamans, des pochetrons, des couples trentenaires… tous trépignant d’impatience.

« It takes you like a cold fever »

Lorsque les lumières s’éteignent, la foule se fait plus pressante mais cesse tout mouvement, comme prise de stupeur, quand Cold Fever transperce le silence. Basse ronflante, guitares rutilantes, frappe claquante, puis la voix de Jean-Noël éclate, plus rocailleuse que jamais. Le son est bien gras comme il faut et putain, ça vibre dans le ventre, comme un moteur de voiture qui n’avait plus démarré depuis longtemps. Les envolés de guitares arrivent vite, ça se tortille dans tous les sens, ça crie sa rage de vaincre, et ce smile, toujours. Les premières gouttes de sueur perlent rapidement sur mon front, il fait chaud ce soir, très chaud, et pourtant, la salle met du temps à se lâcher, j’ai du mal à comprendre comment fait l’assistance pour rester de marbre.

Les morceaux s’enchaînent, chacun éclatant comme de petites bombes, des pétarades dans l’estomac qui annihilent mon bon sens. Ça pète et ça claque dans tous les sens, ce qu’il se passe sur scène est authentique, brut, une sorte de feu sacré qui avait été perdu, « we see the fire, holy fire » comme ils le disent si bien.

Pas si fragile

Ont-ils conscience de ce pouvoir, de cette force qui brûle en eux ? Peut-être pas, et c’est certainement pour cela que la musique de Last Train est si puissante. Les nouveaux titres envoient du pâté, plus complexes, plus fouillés, mais plus précis, ça transpire le rock n’ roll plus que jamais. Les anciens quant à eux confirment leur grandeur : Leaving You Now me tue, Jane m’achève et Fire met tout le monde d’accord ; la voix rauque de Jean-Noël tonne et se perd dans la salle, puis la basse de Tim bourdonne avec fureur tandis que la guitare de Julien hurle. L’osmose est parfaite, Antoine et ses baguettes canalisent d’une main de maître ce déferlement de jouissance sourde qui menace à tout moment de se transformer en orgasme auditif. Alors que le break s’amorce, Julien se baisse vers nous, qui nous écartons naturellement (histoire de ne pas prendre un coup de guitare tu vois). Pourtant, le jeune homme agrippe nos T-Shirts et nous fait revenir au plus près de lui pour partager sa transe. Cette sincérité me bouleverse, je sens qu’il est temps pour moi de lâcher mon appareil photo et de profiter à 100% du concert. Une bonne idée car la seconde claque tant attendue me frappe sans crier gare (un peu comme Barney dans How I Met Your Mother).

Après une petite pause, Last Train revient sur scène en compagnie d’Holy Two pour interpréter une reprise endiablée de Cold Fame de Band of Skulls. A fleur de peau, c’est d’un seul homme que se tiennent sur scène les deux groupes pour un très joli moment qui sera une belle introduction au point d’orgue de cette soirée : Fragile. Le quatuor se réunit autour de la batterie d’Antoine, à peine éclairée, comme une soirée au coin du feu. L’intimité et l’intensité du moment sont difficiles à décrire, c’est viscéral, je frissonne de plaisir, je me laisse porter par cette vague de folie qui m’envahit et je me sens tout bonnement heureuse de pouvoir ressentir de telles choses grâce à la musique. La belle termine le show en apothéose et après 1h30, lessivés et repus, les quatre Alsaciens quittent le navire, nous laissant lentement dériver vers une monde réel moins terme.

Là lecteur, si tu m’as lu jusqu’au bout, tu te dis que j’ai perdu toute objectivité face à ce groupe et que ce live report est un putain de parti-pris. J’assume totalement. Parce que comme dirait Jean-Jacques «Quand la musique est bonne, quand la musique donne, quand la musique sonne sonne sonne, quand elle ne triche pas», elle vaut bien une longue éloge.