We Love Green Festival ★ Parc de Vincennes

Le We Love Green, c’est le festival 100% parisien qui se veut écolo/bobo/hipster/insérermentionproutprout.
Pourtant, force est de constater qu’au fur et à mesure des années, le line-up s’est montré très qualitatif, gagnant encore des galons cette année avec les TRÈS attendus LCD Soundsystem et PJ Harvey. Mais c’était sans compter sur l’indésirable invité surprise : le mauvais temps.
L’intrus a considérablement gâcher la fête, noyant dans la boue cette première édition au Bois de Vincennes (le festival étant auparavant au Parc de Bagatelle) et du même coup, une organisation dont les fondations étaient visiblement très fragile.
Cela étant, ce n’est pas un peu de bouillasse qui nous fera peur ! Équipés de tout l’attirail adéquat, Lopocomar (samedi) et Lolu (dimanche) ont fait un petit bain de boue rien que pour toi lecteur. Il parait que c’est bon pour le teint alors…

Samedi : ouverture de la compet’ de boue

Si tu voulais voir James Murphy en France, il fallait être à Vincennes. Comme j’avais raté le gros barbu à Sydney et à Rock en Seine lors de sa tournée d’adieu en 2010, la question ne s’est pas posée et les billets ont été acheté dès l’annonce effectuée. A la fois fortement électro mais aussi doué pour choper des noms intéressants côté rock, l’affiche faisait bien envie. Le déluge s’abat sur Paris depuis quelques jours, la Seine déborde et la boue s’invite à la fête. Tant pis, rien ne m’arrêtera pour aller mon baptême avec LCD Soundsystem.
« En attendant », on découvre le monde amassé devant le DJ set de Joseph Mount, alias mister Metronomy. Hormis son dernier disque, j’aime ce qu’il fait mais si je veux écouter son groupe je peux le faire chez moi. Comme son set consiste à glisser ses propres morceaux avec une légère transition, on repassera quand le groupe jouera pour de vrai. En route pour Girl Band, vu l’an passé en plein air à la Villette Sonique. Leur côté bruitiste et entêté a tendance à me gonfler sur la longueur mais quand on trie un peu, il y a de quoi s’amuser. Le chanteur a de faux airs de Justin Bieber et une partie de sa foule est composé de 3 mecs en collants qui sautent et dansent dans la boue. Quitte à en balancer joyeusement sur les autres.

Il pleuvait pas pendant Girl Band mais c’était l’orage quand même. #WeLoveGreen #girlband

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Petit temps mort avant l’arrivée de Floating Points, formation électro jouant avec guitare, basse et batterie. Parfaite transition avec Hot Chip qui jouera juste après, le londonien donne une patte totalement différente à ses morceaux ressemblant parfois à du post-rock. La plus grande surprise de la journée.
Hot Chip sont abonnés à la capitale, avec 2 à 3 passages par an ces dernières années. Même la 4ème ou 5ème fois en 3 ans, les voir reste un plaisir relativement intact. Grâce à l’excellente Sarah Jones, aux armées de cordes, aux réarrangements lives des morceaux et à leur facilité à faire danser toute une foule. Quelque soit sa taille, son degré de connaissance de leur musique ou leur perplexité en début de set. Finissant par inviter quelques-uns de leurs gamins sur scène et nous présentant aussi un nouveau titre, c’est le set qui nous a mis le sourire.
5 minutes devant un set putassier mais solide d’Hudson Mohawke et on part vers LCD Soundsystem. « Us Vs Them » pour commencer, « Daft Punk is playing at my house » pour suivre et nous voilà scotchés. On n’avait pas de doute sur la qualité de la musique mais après 5 ans d’absence, peut-être sur la voix, sur l’envie ? Tout y est. Les putains de cloches, les backs robotiques de Nancy Whang, les percussions et les synthés de toute part et James Murphy. Crooner, blagueur, hurleur, parleur : il est à la hauteur de l’événement et des attentes. Je ne sais pas pour celles des autres mais les miennes étaient hautes et elles ont été largement comblées.

Pas un temps mort, ni un moment d’égarement. A part quand la pluie est arrivée, qu’on s’est rendus compte après 5 minutes qu’il pleuvait car le MC de la soirée nous prévient qu’il va falloir couvrir le matos pour éviter que tout explose. Tout ce que tu veux tant que tu ne t’arrêtes pas en pleine course comme tes potes d’Arcade Fire en 2010 à Rock en Seine. Coïncidence, là où il jouait la veille. 15 morceaux au total, avec un finish réunissant les plus mélancoliques comme « Home« , « Someone Great« , « All My Friends » et bien entendu « New York I Love You But You’re Bringing Me Down« . Les larmes de bonheur n’étaient pas loin. De toute façon, si elles coulaient sur nos joues, nous aurions invoqué la pluie.
Dernier mot pour l’organisation : jamais en 10 festivals faits en France, Belgique ou en Australie, je n’aurai vu un tel bordel. Une entrée prenant 10 plombes, pas de staff pour indiquer la sortie, pas de messages audio non plus, des files d’attente à n’en plus finir pour entrer/sortir/pisser/manger et j’en passe… Ce n’est pas la première fois que j’entends des problèmes liées à la logistique sur We Love Green mais les avoir vécus ne me donne pas envie d’y remettre les pieds. Seul point positif, les groupes ont quasiment tous joués plus longtemps que prévu.

Dimanche : Après la pluie, le beau temps… enfin vite fait.

Après l’afflux de commentaires tous plus négatifs les uns que les autres, accompagnés de photos peu reluisantes, c’est avec une certaine appréhension que je me dirige vers le Parc de Vincennes. Première mauvaise surprise en arrivant : il faut attendre environ 15 minutes pour avoir une navette qui ne pourra contenir que 170 personnes. Le temps de marche étant de 20 minutes, je me dis que je peux faire l’effort et espère secrètement que je n’aurai pas à effectuer la même expédition au retour. Espoir vain évidemment.
Ne connaissant pas vraiment le coin, je suis heureuse de faire le mouton et suis les yeux fermés mon amie et les innombrables festivaliers qui se dirigent vers l’entrée du festival… qui eux-mêmes doivent suivre d’autres personnes, etc., car il n’y a tout bonnement AUCUNE indication. Sympa pour les gens dont le sens d’orientation approche le zéro. Mais qui est encore étonné après les bévues d’hier ?
En arrivant sur place, force est de constatée que les « efforts » pour rendre le site acceptable sont imperceptibles : c’est un vrai marécage. Il y a certes un peu de paille ça et là, mais il faut être honnête : c’est de la rigolade. On en vient même à tourner en dérision cet effort : il y a le carré or VIP devant la grande scène (ou scène de « La Prairie ») et passé les dix premiers rangs, c’est un ring de combat de boue.
Bref, après mon quart d’heure français « je me plains c’est nul mais bon je suis là quand même », je me cale pour apprécier Savages. Celles-ci m’avaient soufflé lors de leur prestation à la Cigale en mars dernier et elles sont l’une des raisons principales de mon déplacement. Malgré un son totalement catastrophique, le quatuor a été à la hauteur de sa réputation, provoquant même l’arrivée (inespérée) du soleil. Aucune réelle surprise dans la setlist qui mélangeait savamment leurs deux opus, mais c’est toujours un réel plaisir d’entendre The Answer, I Need Something New ou Surrender. Comme d’habitude, beaucoup d’énergie et de passion sur scène ; ce sera par contre le public qui pêchera par son statisme typiquement parisien (phénomène que l’on retrouve souvent à Rock en Seine ces dernières années). Il faudra une remarque terriblement ironique de la part de Jehnny Beth sur « l’exigence » du public français pour qu’enfin, la foule se déride et se lâche un peu. Emportée par la foule, la chanteuse fera plusieurs fois corps avec celle-ci, un petit rituel qui fait toujours son effet et qui souligne à quel point Savages sont viscérales. Le final sur Fuckers sera magistral, prouvant à quel point ces jeunes femmes portent le rock en elles.

@savagesband en ce moment dans la Prairie du @welovegreen … et sous le soleil !!

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Changement total d’atmosphère pour le successeur des filles : James Blake. LA raison principale de ma présence. Autant le dire tout de suite, je manque d’objectivité, la voix de cet homme me subjugue. Je n’ai pu l’apprécier qu’une seule fois en live lors de la tournée d’Overgrown, et c’est avec un plaisir non dissimulé que j’acclame l’homme lors de son entrée sur scène. Accompagné d’un batteur et d’un guitariste/claviériste/homme orchestre, le trio se complète parfaitement depuis plusieurs années maintenant, donnant une dimension totalement inédites à ses morceaux. Étonnamment, celui-ci débutera par Live Round Here, extrait de son album précédent. Un choix qui aurait pu laisser perplexe, mais c’est sans connaître le monsieur qui, à ses heures perdues, officie également en tant que DJ et a une résidence chez la BBC Radio 1 pour y exprimer tout son talent. Aussi, l’enchaînement est tout trouvé avec Choose Me, nouveau titre extrait de son dernier opus disponible en physique le 13 juin.
Les chansons coulent et se déroulent dans une magnifique cohérence, les nouveaux titres tels que Love Me Whatever Ways ou Modern Soul confirment leur puissance et leur beauté tandis que les anciens titres tels que Retrograde ou Limit To Your Love, la reprise de Feist qui l’a fait connaître, se parent de nouveaux atouts.
Le set se terminera sur une note assez triste mais pas moins prenante, The Wilhelm Scream. Visiblement touché par l’accueil que lui aura réservé le festival, le discret James Blake quitte la scène le sourire aux lèvres, presque gêné de recevoir un tel accueil.

La voix de James Blake. That’s all.

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On reste dans l’électro-ambient car c’est bientôt Air qui investira La Prairie. Air, c’est un peu le groupe qui fait partie du paysage, dont on connaît toutes les chansons sans le savoir, mais qui est présent depuis maintenant une bonne quinzaine d’années (non, je n’ai pas oublié l’apparition traumatisante du clip de Sexy Boy dans ma TV).
Ce soir-là, beaucoup de gens étaient présents pour eux et j’étais plutôt curieuse de les voir en live. Grand mal m’en fût : une véritable déception. Un concert plan-plan sans aucune saveur, à la limite de la musique d’ascenseur, à tel point que j’ai eu l’impression qu’eux-mêmes se faisaient chier sur scène. Ah ça, les grands classiques étaient là, Sexy Boy, Cherry Blossom Girl, Playground Love (de la BO de The Virgin Suicides),  Kelly Watch The Stars ou Alpha Beta Gaga, seul moment un peu « remuant » (avec 10 guillemets) du show. Mais tout ce que l’on peut dire, c’est qu’ils ont fait le job et sont repartis sans se retourner. Alors je ne sais pas, il fallait peut-être être défoncé, ou bourré, ou les deux à la fois pour vraiment apprécier la puissance cosmique d’Air, mais moi, j’étais out. Surtout après le set plein de génie de James Blake. J’ai eu l’impression de voir des papas has been, et ça fait franchement mal au coeur. Dommage.
Après cette heure d’interlude, place à la reine de la soirée, PJ Harvey. Et ce n’est pas peu dire : majestueuse, elle posera sur la foule un regard plein d’une autorité naturelle, s’imposant comme l’évidence de cette journée, et même de ce festival. C’est elle la patronne, et elle compte bien le prouver. Accompagné de dix musiciens (deux batteurs, des saxophonistes, une violoniste et j’en passe) dont son mentor John Parish et Alain Johannes, la setlist se concentrera sur son dernier album, The Hope Six Demolition Project. Pas très rock ‘n roll donc cette soirée, on est loin de la première fois où j’avais vu la dame en live, en 2004, lors de la tournée Uh Huh Her (oui, un autre temps). Pourtant la minijupe est toujours là, la gestuelle excentrique et théâtrale également, mais surtout cette voix, ce charisme magnétique. 12 ans ont passé mais elle reste intemporelle, une déesse sans âge. Si l’ambiance aura été pesante, elle n’en aura pas été moins captivante grâce notamment à une orchestration hors pair.
Petite surprise dans le set, une When Under Ether envoutante extraite de White Chalk, l’album qui marquera un tournant majeur dans la carrière de PJ. Mais ce n’est rien comparé à l’hébétude à laquelle succombera la foule lorsque les premières notes de 50ft Queenie retentiront. Enchainée avec de fantastiques versions de Down By The Water et To Bring You My Love, ces trois titres auront suffit à me combler de joie, me rappelant pourquoi j’ai tant aimé cette artiste.

Évidemment, durant tout ce concert, je n’ai pas oublié qu’il faudra que je parte avant la fin, me gâchant quelque peu mon plaisir. Car oui, l’organisation étant ce qu’elle était, en restant jusqu’à la fin du concert, je ratais indéniablement le dernier métro, et toujours pas de navette à l’horizon. La mort dans l’âme, j’entends au loin River Anacostia qui, apparemment, aurait filé les larmes aux yeux à l’assemblée. We Love Green, même si tu m’as offert de belles émotions aujourd’hui, pour cela, je ne te remercierai pas, et c’est bien dommage.