Glassjaw – Coloring Book

Hey ! Hey mademoiselle ! Vous skiez depuis longtemps à Chamo’ ? Chamo’ ?! Chamonix, enfin ! Je vous vois pas souvent sur les pistes, faut dire que le mois de juin, c’est plutôt mort, mais c’est le moment où je prends mes congés pour prendre les pentes. Piste rouge, ouaaaais, minimum. Ah vous prenez des cours ? Quel mono, dites ? Philippe Glassjaw ? Ah ouais… j’avais eu des leçons pour passer mon flocon avec lui il y a dix ans. Et je peux vous dire que quand j’étais minot, sa méthode Worship And Tribute, elle dépotait grave pour emb… pour bien kiffer les pistes, héhé… Vous… vous prenez le télésiège, là ?

Hop-là, je m’installe avec vous, si je peux me permettre… Ben je vais pouvoir en profiter pour vous ressasser des vieux souvenirs…

Haaa, Philippe Glassjaw… Des bons souvenirs avec lui. Ca taillait méchamment les pistes bleues quand on le suivait, je peux vous dire ! Toujours un bon riff ou un gros son, ou même un petit coup de spatule dans le mélodique de côté. Jamais un couac, jamais une faute de goût dans la combinaison ou dans les gueulantes lancées du fond de la pente.

C’est dommage ce qu’il est devenu, maintenant. Enfin vous je sais pas, peut-être que vous le connaissez à peine. Disons qu’il est plutôt dans la méthode j’y vais, j’y vais pas depuis un petit bout de temps. Bon, déjà, la fois dernière il avait fait le coup à des élèves de disparaître pendant des années et de ne revenir qu’avec cinq petites leçons par personne. Je crois que son programme s’appellait Our Color Green, et c’était le cas de le dire : les pauvres gamins ne faisaient que de la piste verte avec lui. Boh c’était correct, un retour assez digne pour ce bon vieux mono, mais on s’impatientait de le voir mener des troupes entières de débutants sur les pistes noires. Avec des bosses en hors-piste et tout !

Et là, à l’ouverture de la saison, patatras dis donc ! Encore un série de six leçons en version numérique. Oui, parce qu’en plus, faut suivre ses cours sur internet ! Là il nous l’a joué carrément Première Etoile : son programme s’intitule Coloring Book et il a changé de méthode. Mais alors radicalement, si si ! Bon, ça reste les bons vieux claquement de caisse claire sur le verglas à six heures du mat’, les mêmes rugissements de basse façon avalanche sournoise. Mais disons que c’est moins violent comme technique. Il a la voix toute calme, toute maîtrisée, on regrette que ça bave pas plus dans la moustache.

Au niveau descente, c’est saccadé, genre beat electro de snowboarder blond un peu punk. Ca vibre toujours bien, mais c’est lisse. On va dire qu’il essaie des trucs avec ses élèves. Tenez, si vous prenez la piste Vanilla Poltergeist Snake, vous aurez des sensations de clavier qui vous claqueront au menton, mais qui finiront par vous gercer les lèvres. En amont, y’a la piste Black Nurse qui fait regretter les guitares couillues d’autant, passez-moi l’expression. Si vous regardez bien, à l’Est il y a un bout de la piste Daytona White, qui essaie même de se la refaire à la Convectuoso, un des parcours olympiques de Worship And Tribute. Comme quoi vous voyez, la belle époque, c’est derrière nous, hein, mademoiselle.

Enfin bon, je veux pas passer pour un vieux con hein. Mais il y a dix ans, Philippe Glassjaw il était à un autre niveau. Là je crois qu’il a peur de faire passer des Chamois à ses mômes. Genre avec des slaloms.

Vous… vous descendez là ? Ah ben oui, je suis con héhé, c’est le haut de la montagne…