Hebronix – Unreal

Dans la longue série des noms de groupe foireux, Hebronix mérite au moins une mention. Et non, il ne s’agit pas d’un obscur duo de techno slovène. On parle bien du troisième projet solo de Daniel Blumberg, chanteur et guitariste de son état, 23 ans, qui délaisse ainsi ses alias Oupa et Daniel In The Lion’s Den. Le britannique s’est également autoexpulsé à deux reprises de groupes prometteurs, Cajun Dance Party en 2009 et plus récemment Yuck. ‘Unreal‘ est donc son cinquième disque en autant d’années, chacun étant sorti sous un patronyme différent. Voilà qui pose un peu le personnage, un dandy au talent précoce lancé dans une insatiable quête d’identité musicale.

À la lumière de titres comme ‘Viral‘, ‘Wild Whim‘ ou ‘The Plan‘, on se dit que Yuck a perdu une mine d’or avec le départ de Blumberg, et ce sans avoir entendu l’imminent second album du groupe. Avec six longs morceaux étalés sur 45 minutes, ‘Unreal‘ est un disque à la fois maladroit et captivant. Un joli bordel pas exempt de longueurs et de choix discutables, mais aussi émaillé de très beaux moments. Puisqu’il nous est arrivé de critiquer gentiment le rock indé très nineties de Yuck et son manque récurrent de personnalité, autant dire qu’Hebronix démontre tout le contraire.

Les influences sont grosso modo les mêmes avec encore et toujours du Pavement, un soupçon de Dinosaur Jr./Sonic Youth/vousvoyezlegenre, une bonne dose de Neil Young injectée pour l’occasion, mais le résultat est nettement plus original. C’est aussi plus posé et chaleureux, presque méditatif sur la durée, pas du tout adressé à un public rock avide de riffs endiablés. Les guitares lancinantes et l’humeur nonchalante de l’ensemble se rapprochent souvent de ce que faisaient d’illustres slackers comme les Red House Painters ou Swell il y a 15 ou 20 ans, et pourtant rien ne semble décalqué ou récité de mémoire. Il se dégage de la belle voix de Daniel Blumberg un mélange de vulnérabilité, de grâce et de zen assez rare, qualité déjà remarquée par le passé et qui continue de charmer (essayez ‘Suck‘ ou ‘Suicide Policeman‘ de Yuck à titre d’exemple). Le mec a tout simplement un petit plus de style et d’attitude qui pourrait en faire l’un des plus dignes descendants des attrape-coeurs alternatifs des années 90, quelque part entre Stephen Malkmus et Elliott Smith. Rien de moins. Et inutile de dire que la relève se fait attendre.

S’il y a plein de bonnes choses à dire d »Unreal‘ et de son auteur, l’album n’est en revanche pas très abouti et tient plus de la promesse (une de plus, diront les mauvaises langues) que de la consécration. Ceux qui aiment les groupes cités dans cette chronique se laisseront sans doute bercer, par automatisme. Les autres auront peut-être plus de mal à appréhender les 10 minutes d »Unliving‘ et la prod’ low-budget parfois excessivement brouilonne de Neil Hagerty. On n’en fera pas un drame. Chaque chose en son temps. Après tout, rien n’indique que l’ex-Yuck soit particulièrement chaud pour donner une continuité à cette nouvelle incursion en solitaire. Pas sûr que l’on retrouve Hebronix, ne serait-ce que pour un deuxième album. Mais on reparlera certainement de Daniel Blumberg.