C’est un argument qui revient souvent: on n’attend pas forcément monts et merveilles de chaque groupe. Certains sont plus sympathiques que réellement brillants. Dans le cas des gentils Yuck, un petit passage à vide aurait été excusé avec bienveillance si ce deuxième album n’était pas si décevant. Car avec ‘Glow & Behold‘, force est de constater que les anglais loupent la marche, se prennent un beau gadin et laissent de légitimes doutes quant à leur avenir. Privés du chanteur et co-songwriter Daniel Blumberg, récemment parti pour [url=https://www.visual-music.org/chronique-1629.htm]expérimenter en solo[url], ces amoureux transis du rock indé des années 90 ne parviennent plus à émuler leurs aînés de façon convaincante, ni même à préserver la fraicheur de débuts pourtant pas si lointains.
Il y a presque trois ans Yuck débarquait avec une poignée de singles jouissifs et une fuzz-pop échevelée rappelant les meilleures heures de toute la clique alternative post-grunge et lo-fi, de Dinosaur Jr. à Pavement en passant par presque toutes les références du genre. Parfois de façon peu personnelle, mais jamais sans une certaine réussite. Le plus américain des groupes anglais, en quelque sorte, si l’on met de côté les Arctic Monkeys (mais avec une collec’ de disques bien plus cool que celle d’Alex Turner & co). ‘Glow & Behold‘ ne renie pas d’un bloc toutes ces influences mais ramène la musique en territoire britannique avec plus d’une oeillade à My Bloody Valentine (voire du bon gros pastiche sur ‘Rebirth‘) et une évidente tendance à singer le mid-tempo mélodique à la Teenage Fanclub (le passable ‘Out Of Time‘ tout en leads et harmonies enchevêtrées, mais aussi les peu ragoûtants ‘How Does It Feel‘ et ‘Glow & Behold‘). Tant va la cruche à l’eau… vous connaissez le dicton: là où Kevin Shields et les écossais ont presque toujours lévité avec leurs formules respectives, Yuck se vautre. Trop d’exercices de style, pas assez de substance. Plus d’une moitié de l’album croule sous le poids de titres poussifs, d’instrumentaux peu inspirés et de ballades assez mal chantées par un Max Bloom pas du tout à son avantage dans le registre sensible que dominait et continue de dominer l’exilé Daniel Blumberg.
L’envie d’avancer est là et les tentatives d’enrichir le vocabulaire du groupe sont louables, mais en multipliant les maladresses (sequencing douteux, chansons bancales, cuivres intempestifs pas toujours du meilleur goût) ce disque à la fois attendu et redouté prend l’eau de toutes parts. Évidemment, difficile de rester totalement hermétique à de bonnes intentions et à un style musical qui n’a rien de prétentieux en soi. Yuck a bon fond, pourrait-on dire, et démontre avec ‘Lose My Breath‘ et ‘Middle Sea‘ que tout n’est peut-être pas perdu. Mais ces deux titres réminiscents du premier album, aussi excellents et instantanés soient-ils, ne font qu’amplifier la sensation de confusion et le manque de cohérence. À force d’embrasser ses influences de façon compulsive et sans ligne directrice, le groupe perd le peu d’identité propre qui lui restait suite au départ de son chanteur, ainsi que pas mal de charisme. Disque de transition ou ratage augurant du pire, wait and see. Mais dans un cas comme dans l’autre, on pouvait attendre beaucoup mieux.