Il est amusant de constater la manière dont par moments tout semble être mis en oeuvre pour qu’une chanson vous marque durablement.
Petite digression dans mylife.com : un mardi, début mars, fin d’après-midi. Le temps est bien étrange. Le ciel bleu clair fait très souvent place à une averse de grêle. Je profite d’une éclaircie pour rentrer à pieds chez moi quand mon baladeur commence à diffuser les premières notes de l’arpège consolant de la chanson « Real Emotional Trash », 11 minutes au compteur. Le titre monte en puissance à mesure que les nuages s’amoncèlent. Le ciel gronde et menace. Et, inévitablement, lorsque la tension de la chanson explose enfin, c’est une averse de grêle qui s’abat sur ma tête… Presque trop beau pour être vrai, c’est à croire que les cieux écoutaient le même album que moi.
La carrière solo de Stephen Malkmus est bien étrange. Elle se divise entre albums fait tout seul à la maison (Stephen Malkmus ; Face the Truth) et disques à l’aide des Jicks (Pig Lib).
Real Emotional Trash appartient à la seconde catégorie et, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il porte bien son nom. Ce quatrième album post Pavement navigue entre deux eaux : des titres longs d’un côté, et, de l’autre, des petits diamants pop.
Le lien entre tout ça ? Les mélodies. Malkmus est probablement l’un des meilleurs songwriters actuels, aussi convaincant sur le tarabiscoté « Hopscotch Willie » que sur le touchant « Out of Reaches », capable de rendre un titre de 11 minutes (la chanson titre) captivant grâce à un jeu de guitare incroyablement créatif et une mélodie belle à pleurer (ce « easy said but less often done »… ).
Parfois Malkmus combine ces deux directions du disque (« Drangonfly Pie », « Baltimore ») pour un résultat toujours enchanteur sur un disque finalement bien plus facile d’accès que le laisse entendre la première écoute. Difficile de résister à cet assemblage. Le résident de Portland s’amuse à brouiller les cartes en début d’album pour rebondir vers la fin sur des titres d’une beauté fantomatique, aidé en cela par des choeurs et harmonies vocales de la nouvelle recrue des Jicks, Janet Weiss ex Sleater-Kinney.
A cet égard « We can’t help you », sorte de Lou Reed hippie et « Wicked Wanda » sont probablement les plus beaux titres signés Malkmus depuis la fin de Pavement. L’homme peut tout se permettre, une longue amertume (« Elmo Delmo ») comme une courte sucrerie (« Gardinia »), un final à la Nirvana (« Baltimore ») ou un final pour emballer (« Out of Reaches »), un refrain instrumental (« Hopscotch Willie »), un riff violent (« Dragonfly Pie »), de naïves harmonies, on en passe… Stephen Malkmus et ses Jicks semblent prendre un plaisir manifeste à jouer, à profiter de tout ce qui leur passe sous la main et étalent les chansons (certains diront à l’excès…) là où auparavant Malkmus cherchait à les condenser.
Tout cela fait de Real Emotional Trash un album complet, captivant par ses paroles d’une beauté souvent abstraite, passionnant musicalement, intemporel…
Un grand disque.