Beck n’est plus très excitant depuis Sea Change sorti il y a 6 ans. Sur cet album de rupture, le blondinet abandonnait, pour l’instant de manière définitive, toute notion de fun. Beck devenait sérieux, adulte. Et même s’il ne se baigne sûrement pas dans les dollars, on a ce sentiment qu’il a perdu le sens de l’humour depuis qu’il a le sens des affaires. La musique n’a jamais réellement semblé être son centre d’intérêt sur ses derniers disques. Il y a deux ans, The Information relevait un peu la tête après la catastrophe Guero mais, encore une fois, l’ex de Winona Ryder développait plus sur ses marionnettes en concert et sur sa pochette interactive à deux balles que sur le pont de Think I’m in love qui compte parmi les meilleures trente secondes de musique de la décennie.
Ces jours-ci Beck fait la promo de Modern Guilt sans grande conviction. Lire ses interviews se révèle aussi passionnant qu’un documentaire sur la broderie en service gériatrie. L’homme semble se foutre de tout. De vivre dans un monde hermétique à toutes formes d’émotions. Lobotomisé. Atrophié. Il serait facile de blâmer la scientologie si ce n’était ce menu détail : scientologue, Beck ne l’est pas devenu, il l’a toujours été. Beck s’emmerde sévère. La vie est un fardeau. Et c’est l’impression qui émane de Modern Guilt. Le blond chanteur se pose des questions, déprime, se sent enfermé -on ne compte pas les métaphores des murs l’entourant dans ce disque- se cherche. Il ne cache pas avoir honte de certaines de ses vieilles chansons… Et si finalement Beck n’avait jamais existé ? Trop de ré-inventions, de changements de style ont-ils tué l’homme ? La réponse n’est pas dans Modern Guilt qui ne fait pas avancer le débat. Album dépouillé produit par Danger Mouse sur lequel Beck signe encore deux ou trois merveilles et une multitude de titres bateaux. Le son est épuré, vaguement seventies. Quelques loops, une ligne de basse, éventuellement un piano ou une guitare, quelques cordes et on stoppe tout au bout des fatidiques trois minutes trente. Soniquement, cet album plein d’air est l’opposé d’un Be Here Now. Deux participations de la jolie Chan Marshall, fort bien mais on le sait car on a lu les notes de pochettes. Il faut l’entendre… Et puis il y a cette voix, pourtant si belle. Mais Beck ne transmet plus rien à travers son organe (on plaint madame), il chante froidement, sans effet, très mixé en arrière… Modern Guilt est plutôt long à se révéler, les titres défilent de manière très uniforme et il faut quelques écoutes avant de trouver un début de salut : ‘Orphans’, ‘Gamma Ray’, ‘Modern Guilt’, ‘Walls’ confirment que Beck sait toujours écrire d’énormes chansons. Cependant, le sentiment reste que l’homme n’a pas desserré le frein à main. L’album reste très uniforme et ne décolle jamais réellement voire tourne en rond (‘Profanity prayers’). Il ne parait pas spécialement interdit de trouver Modern Guilt profondément soporifique, dépourvu d’énergie, en pilotage automatique comme semble l’indiquer sa récente prestation à l’Olympia.
Même si Modern Guilt offre de beaux passages, il laisse une drôle d’impression d’amer, ce qui n’étaient pas le cas des bons Beck, d’album réalisé sans grande conviction avec autant d’enthousiasme qu’une visite chez le proctologue. A croire que le vrai bug de l’an 2000 s’est produit dans le cerveau de monsieur Hansen.
