Maczde Carpate – Bâtard

Maczde Carpate (prononcer Max des Carpates) ou tout simplement Maczde est de ces groupes français dont on vous parle régulièrement et qui selon nous gagnerait à être connu. L’objet que je vous présente aujourd’hui Maryse est une double galette de ces chers Grenoblois constituée d’un album studio, ‘Bâtard‘(sur lequel je me concentrerai essentiellement), et d’un live, ‘Combats de Coqs‘, capté pendant les sessions d’enregistrement de ‘Bâtard‘, aux Abattoirs de Bourguoin-Jailleux et couvrant leur 3 albums précédents. Voilà à peu près pour une description succincte et objective de la chose, reste à parler musique et c’est là où les choses vont se corser.

Maczde est un groupe assez insaisissable à l’instar de ses paroles très imagées : c’est à l’auditeur à aller chercher ses réponses, ici on évoque, on suscite, on suggère. Pour vous aiguiller un minimum, Bertrand Cantat (aussi bien dans l’écriture que l’interprétation) est une influence indéniable pour les paroles et le chant sans pour autant se limiter à un sous-Noir Désir ou du Eiffel. Car même sur cet album, certains titres très ambiants me font replonger dans ‘Des Visages Des Figures‘ (rha cette clarinette sur ‘Dans des jardins suspendus‘), le groupe sait nous faire voyager et contraste différentes atmosphères. Du nerveux et fiévreux ‘Tue Tête‘, leur désormais avant dernier album, il ne reste que quelques bribes d’excitations. D’une manière générale, on se rapproche de ce qu’ils nous avaient servi avec ‘A l’intérieur‘, le ton est globalement plus posé, voire même aérien (grâce entre autre à une production très léchée qui mérite son écoute au casque soit dit en passant) sans non plus être soporifique. La majorité des titres sont construits avec une tension qui va crescendo, certains relativement courts (‘Bâtard‘), certains prenant leur temps (‘Sursauts de cerveaux‘) mais pour arriver à coup sûr à une apothéose finale, parfois certes relative pour les morceaux les plus calmes mais apothéose quand même.
L’album débute avec le titre éponyme ‘Bâtard‘, titre court d’1min30 et dont il m’aura fallu quelques écoutes avant de le dissocier de la seconde plage de l’album avec qui elle s’enchaine parfaitement. Comme bien souvent tout au long de l’opus, la basse met le titre sous tension sur lequel viennent se poser ces ‘Bâtaaard’ susurrés, les vocalises suppliantes et l’arrivée de la batterie amorcent le bon groove qui déboule en prenant son temps sans chichis. Bien que le terme ‘Bâtard’ soit une insulte très courante en ch’ti (et oui, vous ne saurez pas tout de l’identité ch’ti avec un pauvre film d’un pote à Arthur), on a vite envie de s’en affubler et de se rallier au message : ‘je suis de tout le monde, je suis de personne, bâtard, la race de ceux qui n’en ont pas’.
Ammo‘ qui lui embraie parfaitement le pas continue de nous mettre à la fête de son rock fiévreux qui sait se faire par instants plus trippant où Benjamin (chant) se dévoile limite comme un prédicateur pour nous emmener dans un univers que je ressens comme alcoolisé. Ici, encore une fois, n’oubliez pas que c’est à l’auditeur à faire ses propres interprétations, et connaissant votre serviteur, vous ne vous étonnerez pas que j’en sois arrivé à ces conclusions éthyliques (rappelez-vous ceci dit qu’il faut consommer avec modération et que même si boire un petit coup est agréable ou encore doux, ce n’est pas une raison pour rouler sous la table ivre mort et s’étouffer dans son vomi).
Le seul autre passage vraiment rock énervé de l’album se trouve dans ‘La cognée‘ qui viendra vous tirer de vos songes en fin d’album.
Car à l’opposé de ces derniers titres, se trouvent d’autres à l’ambiance à fleur de peau comme ‘La joute‘, love song tendre à la guitare sèche sans trop de mièvrerie (encore une fois, l’aspect mystérieux (et intelligent) des textes vient nous sauver d’un ‘oh baby, ça me fait tellement souffrir tellement je te kiffe de trop’) ou ‘Le rêve du requin‘, pop song doucereuse mais totalement assumée et efficace (l’imparable ‘lalala’) qui elle se rapproche plus du propos de ‘Précoces calculateurs‘ présent sur ‘Tue-Tête‘.
Je ne peux m’empêcher de revenir sur les textes car ils arrivent à plonger l’auditeur dans des univers surréalistes et oniriques où il fait bon s’abandonner, se perdre ‘Dans des jardins suspendus‘ au fil de cette clarinette délivrant une atmosphère feutrée pour doucement se faire susurrer au creux de l’oreille cette vision de rêve tendrement renforcée par son interlude à la harpe qui vient se joindre au reste du groupe pour finir le morceau. ‘La manière‘, avec son petit riff d’intro à la Red Hot, nous plonge au plus profond de notre nature humaine tantôt les nerfs presqu’à vif, tantôt trippante à souhait sur le refrain notamment. L’arrivée de la trompette à la fin du morceau laisse encore une fois transparaître la honteuse vérité qu’utiliser cet engin à pistons n’est pas toujours ringard, bien au contraire.
En fait, Maczde c’est ça : un bouillonnement d’émotions et de sensations. ‘Sursauts de cerveaux‘ nous tient sous pression pendant la moitié du titre sur fond de contre-basse et de paroles nonchalantes mais lucides sur la boite à lobotomie qu’on appelle télé. On ronge son frein et serre les dents jusqu’à la délivrance qui vient sous forme d’un rythme dub, joué à la batterie et qui donne un côté très organique au tout.
Et c’est bien cet aspect qui me plait le plus dans ce groupe, avec ‘Dans des endroits épars‘ (beaucoup de ‘Dans…’ dans cet album) et bien que ce titre traite d’un sujet glauque dissimulé par la poésie des paroles la fluidité du chant, la musique me transporte littéralement suivant en empathie les changements de rythmes. Ce titre m’a particulièrement hanté (pour dire le moins, c’est obsédant d’avoir quelque chose continuellement en tête même quand tu parles aux gens…). Dans un tout autre registre de sentiments, ‘C’est un leurre‘, comme j’aime à le remarquer, point d’orgue de l’album, aurait plus tendance à me réconforter et me booster avec ses sonorités à la Tool (désolé, on se refait pas), c’est le genre de musique qui me fait tripper quasi de la même manière (‘ici s’arrête le doute’). ‘Dans des humeurs spéciales‘ vient radoucir la fin d’écoute de son folk irlando-grenoblois.
Autre intérêt de l’objet, c’est que quand y en n’a pu, y en n’a encore ! Combat de coqs est donc le live qui repasse à parts quasi égales entre les 3 albums du groupe : ‘Discomouche‘, ‘A l’intérieur‘ et ‘Tue-Tête‘ ainsi que ‘9‘, titre enregistré après ‘Tue-Tête‘ et écoutable depuis moult temps sur leur [url=http://profile.myspace.com/index.cfm?fuseaction=user.viewprofile&friendid=77712832&MyToken=b1b97e2f-26c3-4ea9-a30c-fd91a78e3900]espace moutarde[url]. On sent la salle et le public confidentiels mais l’atmosphère est bien perceptible à entendre le dit public monter en intensité en même temps que le groupe, particulièrement sur des titres comme ‘Le marais‘ et sa bande son de marécages créées sur le moment par Benjamin et un sampleur pour ensuite qu’on sente transpirer les affres de cette ‘Malaria’, Eau et poussière et son riff un peu à la RATM, ‘Choukrane‘ instrumentale à la trompette trippante, ‘Le passage‘ mise en abîme de leur art, ‘Tortue‘ où on sent encore toute la fougue de leurs débuts, ce live est définitivement un bon moyen de découvrir leur(s) univers.

Personnellement avec cet album, Maczde Carpate est plus qu’en train de devenir indispensable à la scène rock française, ils exploitent un terrain peu utilisé à mon sens et développent une identité propre, authentique et belle. Pas certain qu’ils obtiennent la reconnaissance qui leur ait due, en tout cas ils ont toute la mienne.