Ryan Adams – Cardinology

Un petit chroniqueur futé a écrit à propos de Ryan Adams ce qui s’apparente à un commentaire pour le moment définitif sur l’américain et sa carrière: depuis qu’on s’intéresse à lui, il n’a fait que décevoir. A se demander ce qu’on lui trouve à ce gaillard à la physionomie élastique. En 2001, lorsqu’il a publié son second album solo, Ryan Adams était l’espoir, le Bob Dylan qui irait de pair avec les Beatles/Strokes. La hype a suivi, mais Adams a, volontairement ou pas, torpillé sa route vers la gloire en publiant trop de choses, parfois affreuses (Rock N’ Roll), souvent disparates (tout le reste). Retour de bâton, Ryan Adams n’intéresse plus grand monde aujourd’hui et son attitude hésitante entre rock star en puissance et artiste incompris ne joue pas pour lui et il est difficile de ne pas voir en lui un could have been courant après son semblant de moment de gloire. D’autant plus qu’un rapide coup d’oreille à n’importe quel de ses albums n’offre qu’une seule certitude : Ryan Adams est bon mais pas génial et on ne le dira jamais assez. On doute que Cardinology, enregistré avec son groupe les Cardinals, inverse la donne.

Les médias, avides de comparaisons faciles bien aidés en cela par Adams lui-même, ont vite intronisé l’ex Whiskeytown nouveau Bob Dylan. Si effectivement, le Zim est une ombre évidente, elle n’est pas la plus prononcée. Ryan Adams, bon mais pas génial, est un traumatisé de premier ordre de Paul Westerberg et Cardinology le prouve une fois de plus (y compris via la pochette hideuse). Annoncé très rock, l’album, bon mais pas génial, sonne plus proche de l’alternative country telle que la pratiquait Uncle Tupelo (eux aussi bien amochés par les Replacements) que d’un furieux brûlot qui vous donnera envie d’envoyer vos parents se faire foutre. Ryan Adams pratique un bon rock (mais pas génial) à la papa comme on dit, très 70’s, plutôt le style de disque que papa, fan des Who seconde période, écoutera avec vous. Agréable, un brin pompier par moments (‘Magick‘, ici et là des envolées vocales lyriques un peu grossières et vilaines), Ryan Adams tente tout au long de Cardinology de faire son Being There, le lumineux double album de Wilco. Seulement, si les intentions sont louables, le résultat souffre invariablement du fait que Ryan Adams est bon mais pas génial. Ce qui ne l’empêche pas de se montrer très convaincant par moments. L’ouverture ‘Born into the light‘ s’appuie sur une ligne de guitare acoustique qui fait son petit effet, ‘Go easy‘ fait partie de ses chansons qu’on entend à longueur de temps en fond sonore de films indé à la Garden State, ‘Let us down easy‘ est un mid-tempo efficace et si elle n’est pas géniale, la conclusion pianistique ‘Stop‘ est plutôt jolie, genre Coldplay en mode dépouillé. Tout cela est ok mais assez rapidement, ses compositions manquent d’idées, de mélodies identifiables, de personnalité (‘Crossed out name‘, ‘Evergreen‘) si bien qu’on s’ennuie poliment (‘Cobwebs‘, bof) tout au long de ce Cardinology, bon mais pas génial. Et ce surtout lorsque Ryan se lance en fin d’album dans une série de semi ballades acoustiques dont il nous abreuve à longueur de disques mais qui manquent d’émotions.

Ryan Adams peut plaire au plus grand nombre : les fans d’Oasis peuvent apprécier son rock par moments bas du front ; les fans de Wilco peuvent craquer sur sa simplicité que le groupe de Chicago n’offre plus vraiment ; les fans de U2 peuvent aimer son lyrisme etc etc. Le hic réside dans le fait qu’à chaque fois, on ne voit pas trop pourquoi écouter Adams lorsque ses influences manifestes manifestent une créativité plus développée que la sienne, que ce soit dans le bon ou mauvais goût. Ryan Adams n’est encore que la somme de ses héros et il paie l’addition depuis une dizaine d’années. On aimerait simplement qu’il se lance dans une équation plus personnelle. En attendant, on se contentera de ces albums indulgents, bons mais pas géniaux, dont il a le secret.