Ce deuxième jour du Hellfest 2025 devait être chaud, très chaud. Aussi on a décidé de battre le Soleil en se levant tôt, pour profiter de la fraicheur matinale et de la programmation exceptionnelle qui nous attendait déjà au tombé du lit.
Wormsand
Il est des groupes qui méritent bien qu’on se lève pour le concert de 10h30, et ce même si on s’apprête à les voir trois fois cet été. Leur deuxième album « You, The King » les a vus se doter d’un certain nombre de compositions assez infectieuses qui vont se loger au plus profond du cerveau pour le faire pourrir de l’intérieur. Et c’était tout ce qu’il leur manquait pour partir à la conquête du monde puisqu’ils avaient déjà un son bien à eux et une présence en live assez marquante.
Ce matin on a eu les trois. Les nouvelles chansons font leur effet et leurs refrains pénètrent les crânes de l’auditoire sans aucune résistance. Wormsand sonne comme personne d’autre et les ondes qui se déversent de la Valley sont à la fois propres et hyper denses. Mention spéciale pour la batterie dont chacune des frappes résonne comme un coup de feu. La scène étant bien grande, ils se trouvent plus éloignés et se taquinent moins qu’à leur habitude. Aucun chat-front ne sera observé ce jour-là. Non, ce jour-là, ils n’étaient pas là pour rire, mais pour tout défoncer, ce qu’ils ont indéniablement réussi, avec rage et détermination.
Castle Rat
Castle Rat était attendu. Avec son premier album « Into The Realm », le groupe a réussi l’an dernier l’exploit de remettre le trad doom sur le devant de la scène. Pourtant malgré ce succès fulgurant, ils n’avaient encore jamais posé le pied en Europe. On les trouve donc aujourd’hui à l’avant dernier concert d’une première tournée européenne de 29 dates, et un mois après leur premier concert parisien à la Boule Noire.
Alors oui, ils arrivent à peine mais tout semble déjà trop petit pour eux. Malgré un slot matinal fixé à 11h40 la Valley est déjà pleine à craquer. Il faut dire que si l’époque favorise le grand spectacle et la théâtralité, Castle Rat en a à revendre. Chaque membre incarne un personnage d’une histoire qui se tisse au fil des interludes entre les chansons. Le set étant limité à trente minutes, on n’en aura aujourd’hui qu’une version abrégée, mais on aura quand même droit à tous les accessoires et effets théâtraux : un combat à mort entre la Rat Queen incarnée par la chanteuse guitariste et la Rat Reaperess, soit la représentation de la mort jouée par la danseuse que les accompagne, un jeune paysan changé en vampire, un druide qui ouvre un portail spacio-temporel, une mort et une résurrection, des fioles de potion et du faux sang craché sur le public… Et si on entend déjà les esprits chagrins commencer à grommeler, on rappellera qu’il s’agit d’un projet tout à fait DIY, avec des costumes faits maison, des histoires provenant du seul cerveau malade de sa leader Riley Pinkerton, et déjà un deuxième album financé par kickstarter, pour ne dépendre de personne.
Certes, on goute d’habitude assez peu les groupes à concept et pour exemple, les nains de la rose des vents ont creusé leur trou sans nous ce vendredi. Si Castle Rat bénéficie d’un joker, c’est que leur proposition musicale est hyper réjouissante. Du doom trad oui, mais teinté de modernité avec par-ci par-là des bouts de riffs que ne renieraient pas Sleep et une chanteuse hyper versatile capable de communiquer des émotions tant dans ses balades que dans les titres plus bewitchisants. On appréciera également sa réhabilitation des hurlements en high falsetto à la King Diamond.
Allez, pas besoin de boule de cristal pour prédire qu’il s’agit la dernière fois qu’on les voit jouer trente minutes avant midi. Cette campagne européenne du mighty Castle Rat semble être un franc succès et au vu des réaction, il semblerait que nombre de citoyens aient rejoint leur royaume ce jour-là.
The Night Eternal
Vous avez dit doom trad moderne ? Certainement, si on en croit le t-shirt Candlemass de leur basiste. Mais pas seulement, si on en croit le « Holy Diver » joué au soundcheck. Et c’est un peu ça : hyper doom première génération dans le chant, l’esprit et le style, mais aussi un peu goth et très heavy dans la dynamique et les mélodies. Le résultat est irrésistible et tous les spectateurs qui ont osé pénétrer sous l’Altar sont immédiatement conquis. Impossible de ne pas les aimer, ils emportent tout le monde et ça s’époumone sur ces hymnes sombres et passionnés que sont « Elysion (Take Me Over)“, « In Tartarus » et « Prince of Darkness ». Mention spéciale au frontman Ricardo Baum qui par sa présence réussit à faire oublier la distance entre la barrière et la scène, et finit d’ailleurs dans le public.
Spiritbox
Il fait 36° et on pourrait faire cuire un œuf sur le crâne d’un chauve, mais Spiritbox reste comme toujours invariablement classe. Ils sont même adaptés aux conditions avec casquettes, lunettes de soleil et vêtements noirs et couvrants. Côté public, ça commence à sentir le cochon grillé et l’affluence pour ce qui aurait dû être un des plus gros concerts du festival s’en ressent pour le moins. On observe quand même un beau pit d’irréductibles, à qui Courtney conseille quand même de s’hydrater. Consciente que tout le monde s’économise, elle dispense même un précieux conseil stratégique en indiquant avant « Holy Roller » que c’est de préférence sur cette chanson qu’il faut aller à la bagarre.
Le groupe reste égal à lui-même et ne déçoit pas avec un show millimétré et un son massif. On regrettera juste ces pauses un peu longues entre les chansons, qui ont tendance à casser le rythme de la prestation.
Dopethrone
Six ans qu’on n’avait pas vu Dopethrone en France ! Fut un temps il étaient partout, puis sans prévenir, plus rien. Si bien qu’il s’agit de leur premier concert chez nous depuis la sortie de « Broke Sabbath » en mai 2024. Malgré les changements de line up, ils n’ont pas changé et nous offrent ce qui restera comme la fange la plus goutue du festival. Les classiques se marient parfaitement avec le récent « Life Kills You », preuve que Dopethrone rester toujours Dopethrone. Les empereurs du gras règnent en maitres sur la Valley.
Enfin, on retiendra cette revendication des québécois, qu’on n’oserait contester au vu de leur set de ce jour :
« Montréal original motherfucking Sin City ! Las Vegas le desert lô… »
Crippled Black Phoenix
J’attendais (Ross) ce groupe depuis un moment, ayant été subjugué par des titres très travaillés, sachant poser une ambiance et force était de constater que le groupe britannique se faisait franchement rare dans nos contrées. Heureusement, l’aura du Hellfest aura enfin permis la formation d’honorer les terres infernales de l’Ouest de sa présence. Les 7 musiciens se retrouvent donc sur la Valley pour nous présenter leurs hits et si le plaisir de les voir, ENFIN, est là. Le set ne va jamais vraiment décoller, pas tant la faute aux musiciens eux-mêmes, investis dans leur performance mais peut-être plutôt lié à une heure de passage ou une setlist un peu dedans. Au final, on quittera un peu la scène déçu d’une performance qu’on espérait bien plus viscérale à l’image de certains titres qui savent pourtant manier avec une adresse rare, des montées lentes et prenantes avant d’exploser sur des refrains libérateurs. À voir, peut-être, dans les conditions plus intimistes d’une salle.
Pentagram
Ce concert marquait la première venue de Pentagram au Hellfest depuis que Bobby Liebling est devenu un meme. On ne saurait dire s’il y avait plus de monde qu’en 2022, mais le set était bien différent sur plusieurs aspects. Tout d’abord, et c’est peut-être justement parce qu’il vient de découvrir l’existence d’internet, Bobby reste bien plus sage. On ne le verra pas vraiment danser sensuellement autour de ses musiciens ou taper les poses de pin ups auxquelles il nous avait habitués. Ensuite, là où le set de 2022 avait tout d’un best of, la setlist de ce vendredi se fait bien plus promotionnelle, avec cinq morceaux du dernier album « Lightning in a Bottle » sur les douze jouées. On évitera quand même de se plaindre, ledit album nous offrant un belle démonstration des performances du groupe, toujours impeccable dans tous les registres, que ce soit sur le rentre dedans « Thundercrest » ou sur le doomy gloomy « Walk the Sociopath ».
Muse
Bon, ça faisait des années que Matthew Bellamy répétait plus ou moins que son rêve c’était de faire de la musique violente qui soulève les foules mais qu’il se retrouvait bien malgré lui à jouer du prog devant des nerds qui bougent pas. Les deux derniers albums tendaient à indiquer un virage dans cette direction, ou une midlife crisis, voire certainement les deux. Le concert de ce soir, c’était ce rêve enfin atteint.
Ils s’étaient munis pour cette tournée des festivals 2025 d’une setlist toute spéciale qui faisait la part belle aux titres générateurs de bagarre, mais pour le Hellfest, celle-ci ressemblait à un concentré 100% viande sans matière grasse. Et ça fait des gros clins d’oeils appuyés aux métalleux pour leur signifier qu’ils sont des leurs avec quelques riffs placés par-ci par-là : du Rage Against The Machine, du Nirvana, du Slipknot, et pour achever de charmer les cœurs des français, du Gojira.
Au final, la violence propre qui ressort de cette prestation sonne très actuelle et pas si différente des groupes de metal moderne qui ont émergé ces dernières années. Toute les étoiles étaient alignées et Muse était donc tout à fait pertinent et à sa place sur la grande scène du Hellfest 2025.
Hermano
Depuis leur séparation en 2008, Hermano n’a donné que deux concerts : un sur la Valley du Hellfest en 2016, et l’autre sur la Valley du Hellfest en 2025. Dans les deux cas, les américains ont pris l’avion direction Clisson pour une seule et unique date. Et pour un groupe qui ne répète qu’une fois tous les huit ans et demi, ils sont sacrément en place. Tantôt muscle car, tantôt rouleau compresseur, la machine Hermano est bien huilée et elle nous roule dessus sans nous demander notre avis. Le tout est régulièrement relevé par la guitare psychotrope de David Angstrom, qui évite à l’ensemble de tomber dans le stoner routier. Tous les classiques sont joués et pour cause, ils n’ont depuis leur premier hiatus pas sorti de nouveaux titres… enfin si, « Breathe », publié l’an dernier sur leur compilation « When The Moon Was High », et ils l’on jouée !
Au centre John Garcia, les deux pieds fermement plantés dans le sol, patronne comme jamais. Certains se sont demandés à quoi correspondaient les inscriptions sur ses avant-bras : « BLACK » sur l’un et « PUMAS » sur l’autre. Il est visiblement tout simplement super fan des Black Pumas. Il parle peu mais parle bien :
« I’ve never been good at talking to crowds since I can remember, but I do know how to say thank you. »
Le concert se termine par beau group hug des vieux copains. C’était grand. Allez, on se dit à dans huit ou neuf ans, au même endroit ?
Sex Pistols & Frank Carter
Il n’est plus si rare de voir un groupe mythique se reformer avec un nouveau chanteur quand le premier est mort entre temps. Cette fois il n’est pas mort, il est juste devenu bien trop chiant. Et qui de mieux pour le remplacer que Frank Carter, actuellement le plus grand frontman que le punk ait pu produire. Il incarne à lui seul la façon dont le punk d’aujourd’hui a réussi à devenir ce que les pionniers faisaient semblant d’être. C’est l’anti-poser, toujours à vérifier que personne ne se blesse avant de continuer le show.
« We didn’t come all the way to Hellfest, at one in the fuckin’ morning, so that everybody in the back could stand still. »
Et de poursuivre avec son attitude de vieux prof de sport saoulé par ses élèves incompétents. « OK, j’descends », puis en tentant de passer la barrière « excusez-moi, si vous vous agglutinez tous sur moi je remonte sur la putain de scène ». Heureusement il ne passera pas tout le concert dans le public et ne volera pas la vedette aux Pistols. Cook, Jones et Matlock, les anciens de 1975, rayonnent comme jamais. La tristesse infinie du concert donné par Generation Sex deux ans plus tôt semble bien loin aujourd’hui. Alors qu’on pouvait penser que tout était fini, les trois retraités ont réussi à faire revivre leur groupe débarrassé des exs toxiques en adoptant un gamin qu’ils appellent Frankie Baby et ils ont l’air sincèrement heureux. Quand on enlève le drama et les conneries il ne reste plus que ça : la simple et pure joie de jouer ensemble. Ils auront bientôt soixante-dix ans mais personne ne mettra en doute leurs capacités et on imagine bien cette célébration se prolonger au-delà de cette tournée.
HELLFEST 2025 – JEUDI 19 JUIN
HELLFEST 2025 – SAMEDI 21 JUIN
HELLFEST 2025 – DIMANCHE 22 JUIN

