Opium du peuple – Best Off

Pour nous autres amateurs de rock à résonance anglo-saxonne, la variété française reste un grand mystère. La fadeur des mélodies, le lissage systématique, la niaiserie de l’immense majorité des plus grands succès populaires (dont votre serviteur a été copieusement abreuvé dans sa jeunesse grâce, entre autres, à l’émission ‘Stop ou encore’)… what the fuck ? Ce concept étrange et strictement franco-français a toujours rencontré un écho dans le mouvement punk hexagonal qui a toujours adoré caricaturer la variet’ franchouillarde. On ne refera pas ici un cours d’histoire du punk rock (Bon dieu, quelle connerie…) mais on évoquera seulement les facéties de Ludwig von 88 ou plus récemment le scandaleux album de reprise de Didier Super.

L’Opium du Peuple, formation sudiste avec notamment des affreux de Dirty Fonzy, s’est spécialisé dans les reprises sauce punk rock de classiques de la chanson française. ‘Best Off‘, second opus du gang, c’est la crème des invités – morts ou vivants – de Drucker: Céline Dion, Maxime Leforestier, Claude François, Joe Dassin… entrecoupées d’interludes rigolotes (dialogue surréaliste, scènettes surjouées). Le procédé est bien connu mais sait se montrer efficace – et surtout divertissant, ce qui est le but premier du groupe. A titre d’exemple, un ‘Que je t’aime‘ (Johnny Hallyday) tonitruant introduit par un pastiche de Thunderstruck. ‘J’ai besoin d’amour‘ (Lorie) est parfaitement repris en version pop punk mielleux et cliché. A croire que qu’il a été réellement écrit par Simple Plan – effet comique garanti. Certaines transgressions sont jubilatoires: ‘Je chante‘ (Charles Trenet) est particulièrement fougueuse, Motorhead style, avec notamment un mosh part hurlé bien fun; les couplets façon hip hop fonctionnent également très bien dans ‘Les corons‘ (Pierre Bachelet), qu’on mettra cette chanson en parallèle avec ‘Le sud‘ (Nino Ferrer) excellemment reprise dans le premier album du groupe. On s’attache aussi tardivement à la reprise de ‘Maigrir‘ (Sanseverino), même si ce choix de titre semble peu justifié.

Malheureusement, l’exercice de la reprise, surtout avec les contraintes que le groupes s’est imposé (textes respecté à la lettre, reprise globale des mélodies), ne va pas de soit, et pas mal de titres laissent totalement de marbre, comme ce duo avec Didier Wampas sur ‘Le téléphone pleure‘ (Claude François). Seule réelle faute de gout, la reprise de ‘L’aigle noire‘ (Barbara) est particulièrement pénible à entendre. Heureusement, l’album se termine sur l’excellente ‘Chanson pour l’Ethiopie‘, sorte de ‘We are the world‘ francophone aux multiples interprètes. Ce genre d’expérience est particulièrement casse gueule, mais le groupe s’en sort avec brio, invitant un nombre incalculable de potes plus ou moins connus (Uncommonmenfrommars, Ultra Vomit, Lofofora, La Phaze…). Changements de rythme, passages métal, morceaux de bravoure et même le faux fade sur la fin.

Bref, on sourit souvent en écoutant ‘Best Off‘, et même si l’album est très inconstant niveau qualité et n’a aucune chance de devenir un disque de chevet, il présage de bonnes marrades en live. L’opiu… merde, j’ai encore cette putain de chanson de Lorie qui tourne en boucle dans ma tête. Super.