Thurston Moore – Demolished Thoughts

L’écriture de Thurston Moore, c’est quelque chose d’unique. On connaît l’ado de cinquante ans qui sautille toujours sur des scènes avec Sonic Youth, chez qui depuis 1980 on cultive le bruit comme musique et les mélodies comme des bombes à fragmentation. L’héritage du groupe de New-York est indiscutable, et les dizaines d’albums affiliés au quartet noise portent la voix et la marque du blond Thurston, qui s’échappe donc pour la troisième fois sous forme d’album de compositions. Histoire de ne pas en plus compter les disques expérimentaux du bonhomme, qui confirment l’équation 1 homme + 1 guitare + 1 ampli = (x)Bombes H.

Bon, soyons sérieux deux secondes. Demolished Thoughts, c’est d’abord la déclaration d’indépendance complète du guitariste. Après le rugueux Psychic Hearts et le crasseux Trees Outside The Academy, la tendance est à l’indie acoustique sur ce disque, option inclassable. Dans la lignée de certaines chansons de Trees…, Thurston Moore continue de gratter des guitares sèches accordées dans des tunings invraisemblables qui font sa marque de fabrique. Mais en descendant encore d’un cran l’électricité des titres, au profit d’un voyage brumeux et psychédélique, où les riffs lancinants se succèdent sans perte d’identité d’un morceau à l’autre.

Aux batteries arides, Thurston Moore préfère cette fois un violon lyrique et une harpe, qui font grimper en flèche l’expérience doucement hallucinée de Demolished Thoughts (Orchard Street, Circulation). Et les neufs titres du disque vont tenir sur cette alchimie improbable que le guitariste arrive à créer. Beck est peut-être aux manettes de cette troisième saillie anti-sonique, mais toute la qualité de l’album tient dans ces accords riches, ces voix susurrées aux airs de road movie du Massachusetts, et ces décollages surréalistes sombres (Mina Loy).

Du Incinerate de Sonic Youth en 2006, Thurston Morre est passé à Illuminine, ballade gracieuse et toujours un peu punky dans l’âme. Preuve que tout est dit dans Demolished Thoughts de la liberté du compositeur, et de cette envie de toujours pousser les vibrations sonores jusqu’à une certaine pureté à la limite du miraculeux.