Wilco – The Whole Love

Du monde mystérieux de la musique, partie 27.

Les groupes et les disques, ça va et ça vient. Les avis aussi. Plus que ça, les préjugés aussi. Beady Eye puait du cul avant que le groupe ait un nom mais l’album solo de Noel Gallagher est déjà un classique quand personne ne l’a entendu. Même chose pour Wilco, notre sujet du jour. Quand est sorti il y a deux ans Wilco (The Album), tout le monde avait semble-t-il décidé qu’il serait mauvais et ce chouette disque contenant tout de même trois ou quatre superbes choses s’est fait accueillir mollement. Ces derniers mois, avant même d’entendre The Whole Love, tout le monde ou presque avait décidé que celui-ci allait être bon. Le proverbial « meilleur disque depuis… ». Pourquoi ? On ne sait pas, réponse sur carte postale.
The Whole Love donc, disque aimé avant d’être écouté, il ressemble à quoi ? Il sonne comme du Wilco. Qualités et défauts inclus. La preuve par trois :

The Whole Love rappelle les expérimentations de Yankee Hotel Foxtrot et A Ghost is born.

Soit les ‘officiels’ meilleurs albums du groupe. Sur ses trois premières chansons, The Whole Love étonne. Art of almost est bâtie sur un style similaire à At least that’s what you said, à savoir un début piano-voix, une fin tout en digressions de guitares sauf qu’ici le piano a été remplacé par des loops electro et la guitare impressionniste de Tweedy a laissé place à celle expressionniste de Nels Cline. En 7 minutes, Wilco fait taire toutes les critiques parlant de dad-rock. Et enchaine avec I might, basse fuzz, guitare acoustique, mellotron sifflant et sample de TV Eye, ce qui fait beaucoup pour ne pas aimer ce single. Enfin, Sunloathe sonne comme du George Harrison (cette guitare, ces choeurs…) avec des arrangements soyeux mais désincarnés, sous entendus plus que soulignés, avec un crescendo final prenant, le tout en trois petites minutes. Jeff Tweedy reste un maitre incontesté du less is more qui n’utilisera qu’une fois un pont céleste ou une mélodie à se décrocher la mâchoire là où des songwriters au mieux médiocres comme Dave Grohl répéteront 62 fois la même ineptie sur 5 minutes. Mais étonner n’est pas forcément synonyme d’innover et Wilco se la joue Sergent Pepper old school sur le très beau Capitol City comme une chanson de Broadway peinte par Hopper. Sur ces quatre chansons, Wilco enfonce tout ce qu’a fait Radiohead dans le même style depuis 10ans.

The Whole Love rappelle le classicisme du beau Sky Blue Sky.

Soit l’album de balades du groupe. A quatre reprises, Wilco nous fait le coup de la balade acoustique tombée du ciel, à jouer au coin du feu. Black moon ressemble à une suite du joli Solitaire de l’album précédent, surtout dans ses arrangements et la minimaliste Red rising lung fait son boulot de balade folk angoisée et finger-pickée à la Neil Young. Ces deux jolies chansons n’ont qu’un défaut, elles paraissent un peu fadasses à côté du fantastique Open mind, rumination sentimentale du mec rejeté, chanson idéale pour emballer ou pour chialer dans sa bière. Enfin le quatrième moment folk de The Whole Love est One Sunday morning, tour de force d’une dizaine de minutes bâti sur un seul riff acoustique portant à bout de bras un très beau texte de Tweedy et encore une fois des idées d’arrangements qui fourmillent de partout mais qui sont toujours délicats, qui naturellement s’imposent plus qu’on ne nous les impose. Sur ces quatre chansons, Wilco enfonce tout ce que font tous ces groupes folkeux-pouilleux -trop nombreux pour être cités- dans le même style depuis 10ans.

The Whole Love rappelle Summerteeth.

Soit l’album pop du groupe. Les plus doués en math l’auront compris, 12 chansons, 8 ont déjà été évoquées plus haut, il en reste 4. Qui par une magie mathématique inespérée sont 4 chansons pop façon Wilco ce qui, comme dit Tweedy, exclut le concept de popularité. La chanson titre est un tranquille crescendo emmené par un mignon falsetto et des guitares claires comme du cristal là où Standing O s’annonce d’un riff en cascade, rythme rapide et chant volontairement outré. Born Alone sonne comme du Wilco générique, mélodie tarabiscotée, guitare rebelle de Nels Cline, final asphyxiant. Enfin Dawned on me qu’il semble impossible de ne pas écouter au moins quatre fois à la suite sans chanter le refrain avec un sourire jusqu’aux oreilles. Sur ces quatre chansons, Wilco enfonce tout ce qu’a fait Coldplay, tout ce qu’a fait les Shins, tout ce qu’a fait Radiohead, tout ce qu’a fait U2 dans le même style depuis 10ans.

Alors quoi ? The Whole Love ne changera probablement pas la carrière de Wilco qui décevra toujours les gens ayant bien lu leur petit guide de la discographie parfaite qui iront de leur par coeur « C’est moins bon que Yankee Hotel Foxtrot ». Qui décevra toujours les obsédés de la création et de la nouveauté qui iront de leur « C’est moins inventif que A ghost is born ». Qui ne cartonnera pas dans les charts parce que si You never know ne l’a pas fait, on ne voit plus trop comment cela pourrait arriver. Qui sera toujours ignoré en France parce que des américains « ça ne peut pas être aussi bien que Radiohead, Wilco c’est de l’americana ». Et tout ça… on s’en fout, parce que ceux qui aiment ont toujours raison, alors un groupe offrant tout l’amour… Wilco will love you baby !