Jane’s Addiction – The Great Escape Artist

Quand est sorti le chromé Strays en 2003, les planètes étaient alignées et il semblait d’une évidence totale qu’après 10 ans de séparations, bouderies, reformations, et d’engueulades, Jane’s Addiction allait enfin régner sur la planète rock. Au final les planètes ne devaient pas être si bien alignées car l’album a vite été oublié et le groupe s’est relancé dans presque 10 ans de brouilles, de Panic Channel (Brrr…), de tournées au line-up originel, de redépart du bassiste remplacé par Duff McKagan et maintenant par Dave Sitek, de « je t’aime moi non plus » entre Navarro et Farrell, incapables de supporter autant qu’incapables de supporter la vie l’un sans l’autre.

The Great Escape Artist sort aujourd’hui dans un relatif je m’en foutisme, chose d’autant plus étonnante en plein revival 90s quand on sait l’influence qu’a eu ce groupe sur la scène alternative, désintérêt probablement dû à l’instabilité du groupe qui se séparera dans 6 mois mais aussi, plus prosaïquement, parce que le disque n’est pas totalement convaincant. La mini transformation entamée sur Strays vers un hard-rock plus dur que pur se poursuit ici. Dave Navarro n’a toujours pas découvert le sens profond du minimalisme et empile les couches de guitares comme Vlad empalait les impies et si le premier effet est fantastique (le premier riff de Underground balaie tout sur son passage comme le faisait celui de True Nature en 2003) souvent durant The Great Escape Artist on a ce sentiment de pose, cheveux au vent, pied sur le retour, de guitar hero en démonstration plus qu’au service de la chanson comme il l’était jusque là. Et tout le disque se joue sur ce sentiment. Farrell fascine puis fatigue. Jane’s Addiction arrive comme l’automne avec tambours et trombones (c’est une image, on vous rassure), créé un afflux de bonheur rare en musique tant ce groupe est l’un des seuls à dégager une force si positive, si life affirming comme disent les anglo-saxons mais sur la longueur, The Great Escape Artist s’épuise, tourne de plus en plus à vide et au final nous fatigue. La faute, on serait tenté de la mettre sur la production « bigger than life » (c’est la journée des anglicismes avec life dedans) qui ferait passer Strays pour du White Stripes. Tout brille, tout est passé au Mieur Propre si bien qu’on a le sentiment un peu bizarre de perdre l’humain dans tout ça. L’album entre vite dans un mode bulldozer, ne nous laisse pas respirer et on le craint manque de vraies bonnes chansons pour tenir la distance. Trop souvent, tout se suit et s’uniformise et même sur les moments plus ronds de fin de disque (Splash a little water on it, Broken people) ne cassent pas cette sensation de, pour le citer, d’avoir un groupe en forme de force irrésistible mais qui s’écrase sur un auditeur immobile. The Great Escape Artist, c’est une montagne russe qui s’éternise et dont l’effet s’estompe doucement. Et même si la vitesse et les loopings valent carrément le détour (Words right out my mouth, Irresistible force, Underground, End to the lies), le harnais de sécurité nous rappelle en permanence qu’au final, on ne risque rien, ce n’est pas pour de vrai. Et c’est bien dommage.