Blood Red Shoes – In Time To Voices

Troisième album pour les Blood Red Shoes et nouvelle approche de la part du duo qui a décidé de faire de cet album, le troisième, un album phare de sa disco. Un album de la maturité complètement assumé pour ce groupe décidé à franchir un cap.

Disons-le, le titre éponyme qui sert d’intro se fait lancinant, grave même. Steven jusqu’alors en soutien avec sa batterie se révèle au chant, prenant le relais de Laura-Mary sur le refrain, cette fois, c’est clair, les Blood Red Shoes sont de retour. Grosse guitares, batterie nerveuse et engagée, chants alternés, la marque de fabrique du groupe est là. Le son est cependant moins immédiat, je me souviens qu’aux toutes premières écoutes, l’album m’avait semblé moins direct que les deux précédents. Le groupe semble avoir néanmoins mûri ses sonorités, plus que jamais, n’hésitant pas à peaufiner les détails de ses compos.
La teenage angst qui habite le groupe n’est néanmoins pas feinte et finalement, le duo renvoie à sa propre jeunesse avec des textes sur le ressenti adolescent, du jeune adulte (ou vieil ado, au choix) perdu dans un monde grave et renvoyant par exemple aux émeutes de Londres (Lost Kids). Il faut croire que Brighton en Angleterre, ville dont ils sont originaires, n’est pas une ville très stimulante. La surprise vient plutôt d’un titre comme Cold qui aura servi de premier single, plutôt culotté, clairement moins rentre-dedans, Laura-Mary est bien plus présente, le tout est plus posé et sonne plus tempéré (sans pour autant tomber dans les travers de la ballade comme le font trop souvent The Subways). Un tempo que l’on retrouve finalement bien plus qu’on ne l’aurait pensé sur un disque du duo briton (Two Dead Minutes, The Silence And The Drones et sa guitare claire ou encore Slip Into Blue qui n’en restent pas moins très bons !)
Et si on ne change pas une formule qui gagne, le duo semble avoir fait le pari d’un album moins facile, pour preuve l’ajout plus net de nouveaux instrument, trahissant là l’envie du groupe d’explorer de nouvelles sonorités (notamment de violon et de violoncelle en toute fin de titre sur Silence And The Drones). On appréciera cette capacité à tenter de nouvelles choses sans forcément chercher à se corrompre comme l’a fait KoRn ces dix dernières années, au point qu’on ne sait plus quel est le son du groupe . ici, les instruments se fondent naturellement à la sonorité d’un titre loin de dépareiller avec la disco du groupe. Le duo qui citait souvent Mellon Collie des Smashing Pumpkins comme référence pour cette alliance entre grosses sonorités et titres plus calmes, le morceau semble en être finalement une juste synthèse.
J’avoue néanmoins qu’à trop lever le pied, le seul titre du disque qui me laisse un peu sur le carreau est Night Light, clairement le plus calme, les percussions y sont réduites à leur stricte minimum, le tout reposant sur la voix de Laura-Mary et une guitare finalement tout en retenue.
Il faut dire que le contraste est d’autant plus saisissant avec le titre suivant, Je Me Perds. Le groupe s’est toujours revendiqué comme punk (ha bon ? Enfin ça ils le disent quand on leur parle de ce titre) mais pour moi, ç’a toujours été du bon gros rock plus que du punk, force est de constater que là, ils s’en rapprochent énormément. 1mn28 de rage concentrée balançant entre gratte toute en saturation, gros riffs bien gras, batterie nerveuse à souhait et un chant qui tient plus du cri. Pour l’anecdote, le titre relate la mésaventure de Steven agressé dans les rues de Prague par deux prostituées alors qu’il cherchait la salle de concert où il devait s produire (what the fuck am i doing hère, lying face down on the floor). Sachez en tout cas, qu’en live, le titre fait son effet et permettait sur les dernières dates de conclure des concerts de façon brutale mais tellement jouissive.

Finalement cet album des Blood Red Shoes surprend, loin des rafales auxquelles le groupe nous avait habitués et même s’il n’en est pas dénué, celui-ci se veut plus posé, plus grave. Au prix de cette recherche de sonorités plus travaillées, le groupe perd de cette spontanéité rageuse qui le caractérisait. Mais cela prouve aussi que le groupe n’hésite pas à se remettre en question, reflet de deux personnalités qui se cherchent sûrement encore (les deux artistes étant finalement encore assez jeunes). Reste à voir si l’album restera aussi sympa à écouter dans le temps que ses prédécesseurs qui se veulent plus immédiats, à n’en pas douter l’étape du prochain album risque d’être primordiale pour le duo anglais qui fait néanmoins partie de mes petits chouchous.

Pour vous faire une idée, le clip de Lost Kids.