Eminem – Encore

En 2002, ‘The Eminem Show‘ a cartonné un peu partout dans le monde, mais cet album n’a pas pour autant convaincu tous les fans de Slim Shady, en raison d’un gros manque d’originalité et l’absence de Dr. Dre sur la quasi-intégralité de l’album. Fin 2003, tout le monde a repris espoir à l’écoute de l’EP ‘Straight From The Lab‘, un disque de 7 titres où l’on retrouvait le Marshall incisif de 2000. Cinq ans après son premier disque sur une major, revoilà donc Eminem avec ‘Encore‘, un quatrième album qui pourrait bien être le dernier du White Rabbit

Eminem, qui a bâti son succès sur des embrouilles avec tout le showbiz, continue à taper sur les vedettes à la mode, mais de manière bien moins agressive que par le passé. Ainsi, plusieurs allusions à Michael Jackson apparaissent sur ce disque, mais rien de bien méchant comparé à ce qu’il balançait sur Britney Spears, Limp Bizkit ou Moby par le passé. Jessica Simpson, les jumelles Olsen ou encore Hilary Duff sont les nouvelles victimes, mais pas de quoi fouetter un chat… En fait, seule l’évocation de Christopher Reeves (alias Superman) sur le titre ‘Rain Man‘ dérange par con côté morbide et irrespectueux (‘I killed Superman‘).

Voyez-vous, Eminem a pas mal mûri depuis son troisième album. Depuis un an, le rappeur blanc a en effet consacré une énergie folle à se battre contre Ja Rule, dans une succession de freestyles plus agressifs les uns que les autres. Fatigué par tout ce cirque, Marshall met les choses au point de manière très adulte dans la chanson ‘Like Toy Soldiers‘, histoire de calmer le jeu. Cependant, si Eminem semble s’être calmé avec les stars du showbiz, on ne peut pas en dire autant en ce qui concerne sa famille…

Kim, son ex-femme, est encore une fois au coeur des compos du rappeur peroxydé : sur l’écoeurante mais non moins excellente ‘Puke‘, Eminem s’en prend violemment à elle en affirmant que le simple fait d’être avec elle le fait vomir. Dans ‘Crazy In Love‘, Eminem est moins certes caricatural mais 100 fois plus énervé lorsqu’il s’agit de décrire l’étrangeté de sa relation avec Kim (mi haine/mi-amour). Après avoir tapé sur sa mère pendant 3 albums, Slim Shady parle ouvertement de son père pour la première fois, sur le titre d’ouverture (‘Evil Deeds‘) : regrettant de ne pas l’avoir connu, il s’excuse pour les diverses allusions qu’il a pu faire à son encontre dans ses précédents albums (souvenez-vous de ‘Kill You‘). Eminem en profite également pour critiquer cette célébrité qui lui pourrit la vie et l’empêche de sortir dans la rue incognito… Quant à sa fille Hailie et sa belle-fille Laney, elles font l’objet d’une superbe chanson, à nouveau très personnelle mais tout de même destinée à un belle carrière sur les radios (‘Mockingbird‘, la digne héritière de ‘Cleaning Out My Closet‘).

Cet album, s’il n’est pas le meilleur d’Eminem, s’apprécie de plus en plus à chaque écoute : Em’ possède en effet la capacité à faire des tubes, et ce coup-ci, on peut dire qu’il innove pas mal. Ne vous fiez pas à ‘Just Lose It‘ et ‘Mosh‘ pour juger cet album : ces 2 titres, qui ne sont que de vulgaires clones de ‘Without Me‘ et ‘The Way I Am‘, ne représentent en rien le reste du disque…

Les beats de Dr. Dre sont dans l’ensemble assez énormes : tantôt entraînants (‘Evil Deeds‘, ‘Never Enough‘) tantôt ultra-puissants (‘Big Weenie‘), ils n’oublient pas d’être originaux, comme le prouve ‘Ass Like That‘ et son ambiance hippie/hindoue. Niveau flow, Eminem varie comme jamais : sur ‘My First Single‘, on retrouve ainsi la rapidité légendaire et les gimmicks de 1999, alors que sur ‘Ass Like That‘, Marshall prend un accent reggae absolument irrésistible pour parler des plus beaux culs de la planète et de la réaction que cela engendre chez lui… Comme il y a 2 ans, Eminem a produit une bonne moitié de l’album, et la différence avec Dre se fait nettement entendre. Em’ expérimente au lieu de chercher le beat qui tue, et bien souvent, ça le fait tout autant. ‘Like Toy Soldiers‘, avec ses choeurs enfantins et son tambourin militaire, fait partie des meilleurs morceaux du disque. ‘Crazy In Love‘, ‘My First Single‘ ou ‘Mockingbird‘ possèdent ainsi une authenticité que l’on ne retrouve pas sur les titres produits par Dr. Dre. Quant à ‘Yellow Brick Road‘ (allusion faite à l’album d’Elton John…), elle permet à Eminem de se justifier sur les accusations de racisme qui lui ont été faites début 2004 : en replongeant sans sa jeunesse avec un style toujours ultra-réaliste et presque touchant, Marshall explique en long et en large pourquoi il a enregistré la fameuse cassette à caractère raciste, en n’oubliant pas de s’excuser à la fin de la chanson.

En ce qui concerne les invités, le niveau est largement plus élevé que sur ‘The Eminem Show‘. 50 Cent apparaît ainsi sur ‘Never Enough‘ et ‘Spend Some Time‘, mais la pauvreté de ses textes fait peine à voir à côté d’Eminem. D-12, le groupe de Marshall, partage quant à lui la vedette sur ‘One Shot 2 Shot‘, un titre correct dont le beat rappelle bizarrement celui de ‘Business‘… Mais s’il y a bien un invité qui vole la vedette à Eminem, c’est évidemment Dr. Dre. Alors qu’il était censé avoir pris sa retraite, le Doc (sans Difool) fait un retour tonitruant sur la dernière piste du CD. Un titre déjà culte qui se termine par un véritable massacre dans la salle de spectacle… Les habitués ne seront enfin pas étonnés de trouver 4 morceaux de transition, pour la plupart inintéressants et franchement dispensables (on retiendra juste l’hommage à Michael Jackson avant ‘Just Lose It‘).

Avec ‘Encore‘, Eminem a donc réussi à se renouveler tout en gardant son style si particulier. La qualité est toujours là, même si les morceaux sont moins évidents lors des premières écoutes. On ne retrouve pas le côté écorché de ‘The Marshall Matters LP‘ où l’espièglerie de ‘The Slim Shady LP‘, mais en tout cas, ce CD est au moins du niveau de ‘The Eminem Show‘. Avec sa production hors norme et des textes toujours aussi ciselés, ce quatrième opus prouve donc à ses détracteurs qu’Eminem est bien le roi de la West Coast et du rap en général. En espérant que ce CD ne soit pas le dernier, et qu’il y ait un dernier rappel…