The White Stripes – Get Behind Me Satan

Alors bon oui bien sûr bien sûr… Les White Stripes ont redéfini le rock revival à l’époque ou ce dernier était en pleine crise d’identité et avait mal à son paradoxe vas-y que je-critique-la-societé-et-le-système-grâce-auquel-je-surivs-malgré-tout. Bien sûr bien sûr, la forumle ultra-minimaliste guitare-batterie a eu ses heures de gloire, et quelles heures de gloire ! Quatres albums et le tour était joué, le blues-rock électrique réinventé, le meilleur guitariste (sinon le plus créatif) de notre ère désigné et la majorité des journalistes mouchés, mouchés par une perfection musicale indéniable qui laissait loin derrière toutes les considération médiatico-pourries dont on n’avait plus rien à faire tant on prenait un pied géant à se ré-ré-réécouter ‘Elephant‘ ou ‘White Blood Cells‘.

Et puis voilà. Finalement toutes les bonnes choses ont une fin… Et l’expérience White Stripes pourrait bien s’arrêter ici, sur ce cinquième album qui sonne réellement comme une fausse note et qui casse d’une manière très douloureuse le lent crescendo d’une carrière musicale qui semblait pourtant parfaitement sous contrôle.

La sortie du premier single ‘Blue Orchid‘ avait déjà laissé perplexe plus d’un amateur éclairé du genre. On était prêt à pardonner, on attendait la suite. Pour ma part je me disais que c’était un peu quite ou double, surtout lorsque j’ai entendu les conditions d’enregistrement de ‘Get Behind Me Satan‘: En 10 jours chrono, dans le Detroit natal de monsieur Jack White et sans jamais avoir achevé ni joué un seul des treize titres prévus. C’est d’accord, on est reparti pour un tour de minimaliste poussé à l’extrême… Et on veut bien: La formule a fait mouche à maintes reprises et les exemples sur ‘Elephant‘ et antérieurs ne manquent pas.

Seulement voilà, c’est raté. A trop vouloir en faire peu, on n’en fait plus assez, et ça ne passe plus. Le sentiment général qui se dégage à l’écoute de ce nouvel album est un sale goût d’inachevé dans la bouche, de pas fini et de trop peu. Presque toutes les chansons se réduisent à une idée qui n’a pas été creusée suffisament, qui n’a pas été poussée assez loin. Ecoutez ‘Forever for her‘, ‘Little Ghost‘, ‘White Moon‘, ‘Red Rain‘… On ne fera aucun reproche au songwriting qui reste subtil et efficace dans sa réduction au nécessaire, mais on en attend vraiment plus. ‘Fade’ est le mot qui m’est venu le plus souvent à l’esprit. Mais si ça s’arrêtait là, ça passerait encore, au nom de l’épure musicale dans sa plus belle déclinaison, peut-être autant nécessaire en ces temps musicaux chaotiques qu’elle ne l’était au temps où sont sortis tous les albums précédents des White Stripes.

Mais ce n’est pas tout. Visiblement au bout du rouleau, Jack essaye autre chose, il essaye de changer pour ne pas tomber dans le répétitif dangereux. Alors il parsème son album d’instruments nouveaux: Un marimba sur ‘The Nurse‘, une basse sur ‘The Denial Twist‘… Et d’effets sonores cheap: Un effet stéréo sur la voix ‘Take, take, take‘, un autre indefinisable sur ‘Red Rain‘, un son de guitare torturé sur ‘Blue Orchid‘… Pourquoi faire ? Ce rehaussement subtil qui avait bien fonctionné sur Elephant est totalement superflu et ne fait qu’agasser ici. Ce double jeu entre garder un minimal efficace et essayer de faire du nouveau ne servira qu’à enlever toute identité à l’album. Les deux idées auraient pu réussir voir même se marier, mais aucune des deux n’a été faite correctement. Couak.

Où est passé le jeu de guitare légendaire de Jack White ? Ce son qui était pour beaucoup de fans le point central de la réussite du groupe a été relégué au simple stade d’ornement, laissant une place énorme à un son de piano qui avait également eu ses heures de gloires sur les albums précédents, mais qui finit (très vite) ici par lasser. Il ne restera aux amateurs de gratte guère que ‘Instinctive Blues‘ à se mettre sous la dent, bonne chanson qui les réconciliera peut-être avec le blues superbe et délicat dont on boit les mesures jouées du bout des doigts… Mais ici aussi, passé le premier refrain on commence à s’ennuyer assez sèchement, et on en attend plus, un solo par exemple… Qui ne vient que sous forme d’ébauches d’idées qui ne se concrétisent pas. Ce morceau qui pour moi est de loin le meilleur de l’album ne soutient aucune comparaison possible avec un ‘Ball and Biscuit‘, par exemple…

Est-il nécessaire de continuer ? Pour terminer (et achever) je dirai que vous trouverez peut-être dans cet album de quoi vous faire bien voir des filles de votre classe en poussant la chansonnette sur le piano pourri et désaccordé de la classe de musique de votre bahut. Mais sinon, passez votre chemin et attendez le prochain… Qu’on ne peut qu’espérer meilleur. Et une chose est sûre: Je ne veux faire aucun mauvais jeu de mot sur le titre de l’album (et dieu sait si j’en suis capable), mais si il est par hasard quelque part référence à un éventuel marché entre le Diable et le blues-rock, autant vous le dire tout de suite: c’est raté.