Wilco – Sky Blue Sky

[url=]Wilco[url] a connu une évolution particulière depuis une dizaine d’années. En effet la dernière décennie voyait les hommes de Chicago pratiquer un rock’n’roll navigant entre les Rolling Stones et le mouvement « alternative country » (le nom ne rend pas justice à la qualité de la chose) que Jeff Tweedy avait contribué à créer via Uncle Tupelo. Avec leur troisième album, SummerTeeth, Wilco a atteint une sphère presque aussi haute que celle du The Bends de qui vous savez.
C’était écrit, le groupe allait cartonner.
Après bien des péripéties, lorsque Yankee Hotel Foxtrot est sorti, c’est la presse spécialisée et un public limite bobo qui se sont emballés, jugeant la nouvelle direction du groupe (toujours rock-pop mais plus désincarné) novatrice et le groupe indispensable, le pendant américain et alcolo de [url=]Radiohead[url]. Le disque suivant, le tout de même assez prétentieux A Ghost Is Born confirmait cette impression et les élitistes déliraient.
Trois ans après sort Sky Blue Sky.
Qui excite moins les intellos, il faut le reconnaître, la faute a une approche plus organique et plus dépouillée. Ici aucun titre n’atteint une durée déraisonnable, tout est mélodieux et il n’y a, fort heureusement, plus de longues plages de bruits blancs sur lesquels certains auditeurs aiment à imaginer la Vierge donnant l’absolution.
Le mot qui vient à l’esprit pour définir [url=]Sky Blue Sky[url] est classique. Il n’est d’ailleurs pas interdit d’entendre chaque titre comme un hommage, dans le sens non-Oasis du terme, aux glorieux aînés.
Les noms les plus évidents sont George Harrison, John Lennon, Bob Dylan, Neil Young mais aussi Al Green.
Rien de bien excitant donc pour le lecteur des Inrockuptibles, l’album sonne pépère, il faut l’avouer, et on a parfois le sentiment d’écouter les disques de son père (avant que ce dernier ne vire James Blunt/Obispo). Mais si [url=]Wilco[url] ne fait plus délirer, force est de constater qu’il est toujours aussi émouvant.
On pense à ces deux ou trois ballades en apesanteur, la chanson titre et « Leave me (like you found me) » en tête. Tweedy, détail mineur au premier abord, a arrêté de fumer et il chante mieux que jamais, en particulier sur les titres sonnant un peu plus soul (le raté « Side with Seeds » et le génial « Hate it here »). « What light », si l’on passe les paroles un brin démago, est du Dylan en bonne et due forme et « Walken » fait revivre la mélancolique euphorie de SummerTeeth.
Depuis deux disques, le problème de [url=]Wilco[url] s’appelle Nels Cline. Le guitariste pyromane a amené avec lui ses soli démonstratifs et ses prétentions prog-rock là où son prédécesseur, le délicat Jay Bennet, était un gros nounours au service de la mélodie. Ici sa contribution est à double tranchant: « Impossible Germany » vise clairement vers Neil Young, le titre est honnête jusqu’à cet interminable solo, prétentieux à faire passer Brian Molko pour le Dalaï Lama. Résultat, le titre est systématiquement zappé. Mais Cline sait aussi faire de menues miracles sur par exemple « You are my face ». Ce titre à tiroirs s’ouvre sur une partie parfaitement harmonisée et sereine avant le moment plus torturé que Cline introduit d’une attaque franche et méchante qui fait parfaitement mouche. Miracle aussi sur le titre d’ouverture « Either Way » comme une chute de studio de All Things Must Pass.
Si l’on déplore quelques titres moins bons et au moins une ballade en trop (« Please be patient with me », non plus de patience là !) [url=]Sky Blue Sky[url] reste tout de même un très beau disque dont le principal défaut est son image, il le dire justifiée, d’album pépère, pantoufle, joué au coin du feu voire mou du genou. Ce qui, paradoxalement, le rend intemporel à défaut d’être le passeport idéal pour brancher la petite Sophia en Terminale L qui arbore jean slim/pull gris sur un T-shirt Ramones.
Question (et problème) : si [url=]Wilco[url] n’est plus assez barré pour intéresser la frange intellectuelle et trop mellow pour les rockers, qui va écouter cet album à part quelques amateurs de musique triste ? Le paradoxe est là, [url=]Wilco[url] entame son déclin public (et non artistique).
Avec un disque meilleur que son prédécesseur.