Rancid ✖︎ The Warfield ✖︎ San Francisco

Ahhh, la Californie ! Voila, le petit parisien qui a grandi au son des bandes originales de Tony Hawk Pro Skater se retrouve sur la Bay Area, berceau du skateboard et du punk-rock. Mettons directement les choses dans leur contexte, je suis à San Jose State University pour étudier, mais en bon reporter (et plus mauvais élève), mon premier reflex lorsque ce voyage s’est confirmé a été de vérifier qui pouvait bien venir jouer par ici. Et comment mon escapade américaine aurait pu mieux débuter qu’avec Rancid qui joue à domicile, à San Francisco.

Après une journée à jouer au touriste je me retrouve devant le fameux Warfield. A voir l’excitation des locaux, nous sommes devant la salle la plus appréciée des alentours, dans laquelle un groupe qui n’a visiblement jamais déçu a prévu de venir montrer qu’ils étaient toujours les papas. On passe la sombre histoire du “vous n’êtes pas sur la liste, non on connait pas votre contact, non on ne connait pas le nom du label du groupe, non en fait allez vous faire voir monsieur”. J’avais heureusement prévu d’acheter un ticket à l’avance et je peux donc en profiter pour dire que ça a beau se la jouer punk, il est plus difficile d’entrer en contact avec le tour manager d’une date comme celle-ci qu’avec un chef de projet d’une major. Bref. Au final ça m’est bien égal, car je peux comprendre que H2O n’ait pas fait de forcing pour que quelqu’un ramène des souvenirs de leur ouverture ce soir.

Difficile d’imaginer qu’on se retrouve devant le groupe qui a marqué la dernière édition du Groezrock à voir le désintérêt total devant leur prestation par les punks arrivés à l’heure. Nous ne devions pas être loin d’une dizaine à chanter quelques paroles de Toby Morse, ce qui fait très maigre lorsqu’on se souvient de la bonne centaine de fans sur scène à chanter pour leur dernière chanson lors du festival Belge. Todd Morse, guitariste aussi connu pour avoir assuré au sein de Juliette and The Licks, n’est pas de la partie (se faisant quelques dollars en tournant pour The Offspring) et est remplacé par un gros monsieur de Madball. Le groupe propose un set de très bonne qualité, au discours toujours très positif (Toby Morse est Straight Edge, Vegan et le revendique très clairement dans bon nombre de chansons du combo). A y réfléchir, pourquoi un punk sous acide aimerait écouter que de ne pas boire et de ne pas fumer c’est bon pour la santé ? Peut être aussi qu’en Californie un groupe de la scène New-Yorkaise n’a pas son public. Toutes ces questions restent sans réponses après un set aux chansons intelligemment choisies. La bande conclue logiquement sur “What Happened”, toujours avec un certain manque de folie côté spectateurs.

Après ces trois quarts d’heures d’ouverture, présentation de la salle. Le Warfield, c’est chic, et cela se compare aisément à notre Olympia parisien. La fosse est décomposée en plusieurs parties, toutes séparées par 5-6 marches ce qui permet parfaitement à ceux qui veulent se défouler de le faire devant le groupe, et aux autres de se mettre plus en hauteur pour apprécier le spectacle. Le son est incroyablement bon, et les conditions sont optimales pour laisser place à la bande de Tim Armstrong.

Aucun de jeu de lumière, à part quelques spots type chantiers sur les côtés, c’est dans une atmosphère des plus épurées que les très imposants rideaux rouges s’ouvrent pour laisser Rancid entre en scène sous les acclamations folles du public. “Radio” commence, et inutile de chercher bien longtemps pour se rendre compte que nous sommes en face des légendes du punk californien.

Rancid est un super-groupe, où tous les membres sont absolument indispensables à son équilibre. Tim Armstrong a une classe folle sous sa veste en cuir et son chapeau et ne peine pas à tenir sa voix tout au long du set, tandis que Matt Freeman est très certainement le meilleur bassiste que j’ai eu l’occasion de voir sur scène jusqu’à présent. Lars assure tout autant le show derrière sa chemise remontée jusqu’au col et la surprise vient d’autant plus du côté de leur nouveau batteur volé à The Used qui est une réelle machine de guerre. Branden Steineckert est certainement la meilleure chose qui soit arrivée à Rancid ces dernières années. Le jeune assure comme une bête derrière ses futs, avec un jeu clairement emprunté à Travis Barker, et donc très (très) visuel. Il n’hésite pas à se lever sur ses caisses pour chanter lorsqu’il n’a rien à faire, un 20/20 totalement mérité (en essayant d’oublier son ancienne formation).

La machine à tube est en marche, pour un concert qui pioche dans absolument toutes les époques, du premier jusqu’au dernier album. Ce n’est heureusement pas une tournée promotionnelle pour présenter une nouvelle sortie mais bien un réel concert où on a le droit à ce qu’on veut écouter. De “I Wanna Riot” à “Red Hot Moon”, “Hooligan” ou “L.A River”, difficile de trouver l’erreur dans le choix des chansons composant cette soirée.

Lars explique que Rancid compose ses chansons sur des guitares acoustiques depuis les premières heures, que cela se déroule plutôt bien jusqu’à présent, et après une vingtaine de titres le groupe se met en configuration pour un petit aparté. Lorsque The Offspring fait une pause dans son set pour sortir le piano, cela ne frise pas le ridicule, c’est à un point où nous sommes quasiment gênés pour eux. Ce soir il est difficile d’expliquer comment mais ces quelques chansons derrières leurs bouts de bois, dont la géniale “Poison”, ont un côté rafraîchissant, et trouvent totalement leur place dans le set.

Tandis qu’un groupe normal s’arrêterait logiquement après une bonne heure de set, il n’en est rien pour Rancid, qui continue comme si de rien n’était. “East Bay Night”, “Rejected”, ou encore “Listed M.I.A” s’enchaînent. “Fall Back Down” continue la folie de cette soirée avant “Time Bomb”, après laquelle le groupe quitte la scène. Pour rapidement revenir enchaîner “The Wars End”, “Tenderloin” et un final explosif sur “Ruby Soho”.

Rancid a assuré pendant pas moins de deux heures ce soir, et quarante chansons. Pour un groupe aux sons rarement bien longs et misant plutôt sur l’efficacité, c’est un réel exploit. Ils confirment en toute humilité qu’ils sont bien là, et respectent totalement leurs fans en offrant un concert aussi complet et si parfaitement exécuté. Alors qu’un groupe comme Green Day a besoin de jouer sur la pyrotechnique pour assurer la longévité d’un set, il n’en est rien pour Rancid, qui fait simplement du punk-rock, et qui le fait de la meilleure façon qui soit.

C’est donc ça, la Californie.