Dour ✖︎ A l’étranger

C’est par une belle journée ensoleillée que j’arrive à Dour bien décidé à savourer les quatre jours de programmation aussi pointue qu’éclectique du festival, mais aussi pour observer un peu les cousins belges et déterminer « si ils sont vraiment comme dans Dikkenek » (la réponse est oui).

Le beau temps nous permettra d’arriver tranquillement, pour attaquer avec un premier jour dont je n’attendais rien vu qu’aucun des artistes présents ce jour là ne m’avait spécialement motivé à venir, aussi je le considérais plutôt comme un jour bonus, faisant du festival un festival de trois jour plus un.
Une fois arrivés sur le site Steak Number Eight est déjà terminé et les autres groupes ne me disent rien. Direction le petit bar en face de la grande scène pour tester le breuvage local et écouter les « Douréééééééé ! » des festivaliers déjà bien imbibés. Grand professionnalisme de ce côté-là puisque les barmen ne sont pas de jeunes bénévoles qu’on a placé là comme sur les autres festivals mais des vrai de vrai qui en plus d’avoir passé la cinquantaine affichent fièrement leur authentique bedaine. On entend par moments les cris des vainqueurs du tournoi de foot que le festival organise sur le petit terrain situé derrière le bar. Rappelons qu’à ce moment là le soleil brillait encore et que Dour n’avait pas connu la pluie depuis une bonne semaine, les matchs des jours suivants ont dû être nettement plus intéressants.

Décollage vers 16h30 pour le set déjà entamé de CasioKids qui en dehors du jeu de mot sur les calculettes, ne sont plus des kids depuis longtemps. La bande de trentenaires nous sert une pop à synthés entrecoupée de chants suraigües à laquelle je resterai malheureusement hermétique.

Après un passage obligatoire aux urinoirs indiqués par un panneau représentant une rangée de Manneken Pis (Forza Belgique !), je me dirige vers la grande scène (The Last Arena en dialecte local) pour assister à ce qui sera le dernier concert belge de La Ruda puisque le groupe se séparera à l’issue de la tournée. Je n’ai jamais pu écouter un de leurs albums en entier sans me faire chier, et ce malgré les encouragements de mes potes à l’époque. C’était donc la dernière chance que je leur laissais. Évidemment j’avais eu tort, comme la plupart des groupes de ska inécoutables sur album ils se révèlent hyper énergiques en live. La gouaille et l’attitude du chanteur créent une ambiance mi-mélancolique mi-festive. Le public grossit peu à peu et on aura droit à plusieurs queues leu-leu. A gauche de la scène on fait la connaissance d’un curieux vieillard pourvu d’une ribambelle de pass de festival sur les deux bras qui danse en jouant avec des bandes de signalisation routière. Il s’agit en fait de Roger Van Loon aka Champion du Monde, la mascotte du festival que les quelques photographes présents s’empressent d’aller shooter.

J’aurais bien vu La Phaze, mais les impératifs du ventre et les frites belges me l’ont interdit. Retour à la grande scène après la pause repas pour voir Black Box Revelation, qui doivent leur succès à la vague de duos blues rock initiée par le succès des Black Keys. Si ces derniers ont droit à un jour en tête d’affiche de Rock en Seine eux ont bien droit à la grande scène de Dour non ? J’observe ça de loin et comme dirait la vieille génération le rock est bon, loin d’être original mais suffisamment bon pour faire remuer les têtes des mecs et danser les jeunes filles en fleur.

Le prochain concert sera Shaka Ponk sous la Dance Hall, ou plutôt le cas Shaka Ponk vu la controverse que le groupe suscite depuis leur explosion médiatique de ces dernières années. Pas particulièrement pro ni anti, j’y vais « pour me faire une idée » comme tous ces connards qui pensent pouvoir juger un groupe sur la base d’un seul concert. Seulement on ne juge pas ici un groupe mais un concept. Le show est carré et très pro, à chaque morceau correspond un éclairage, une animation sur l’écran central et une chorégraphie des deux chanteurs. Il n’est entrecoupé que par quelques interventions du chanteur (qui tente de nous faire croire qu’il est mexicain) et de la chanteuse (qui tente de nous faire croire qu’elle est américaine). Les morceaux sont entrainants (mention spéciale à « I’m Picky« ), le public réagit au quart de tour. La Dance Hall porte bien son nom et le groupe parvient au moins à faire bouger les têtes des plus réticents. On comptera quand même deux sérieuses bagares à grands coups de pains dans la gueule et coups de pieds dans le ventre. Le concert ne s’interrompt pas pour autant, difficile d’arrêter un show aussi programmé, à moins que le groupe ne soit trop concentré sur sa performance pour remarquer ce qui se passait dans la fosse.
Bref, je repart de ce concert des Shk Pnk avec une impression globalement positive, toutefois un petit malaise subsiste, une impression de « c’est pas rock » à la Thomas VDB. Alors de quoi cela venait il ? De l’abondance de l’auto tune et autres modificateurs de voix ? De certaines rythmiques électro ? Du faux play back que j’ai pu apercevoir ? Oui parce qu’il faut savoir qu’aux concerts de Shaka Ponk on peut parfois apercevoir le chanteur commencer à chanter un refrain puis baisser son micro sans que sa voix ne diminue. Ce sont en fait des samples. Shaka Ponk enregistre certains refrains à l’avance et les rediffuse en concert. C’est parfaitement assumé, mais alors dans ce cas pourquoi faire semblant de les chanter ? Pour le show. Voilà peut être ce qui dérange, leurs performances ne sont pas à prendre comme des concerts au sens que les intégristes que nous sommes parfois peuvent lui donner, c’est-à-dire avec sa spontanéité et ses imperfections, mais comme un beau spectacle parfaitement mis en scène et répété. Tout ça pour finalement en revenir au traditionnel débat de la vilaine grosse production contre le petit groupe punk indépendant, rien de très original. La contradiction qui a alimenté les débats venait probablement du fait qu’on se trouve face à un gros show bien clean livré par un petit groupe qui fait tout lui-même.

On se dirige alors vers la grande scène pour se placer avant la tête d’affiche du jour : Franz Ferdinand. Celle-ci arbore déjà un backdrop représentant le François-Ferdinand historique. Je les avais toujours ratés et c’était l’occasion de me rattraper. Avant même que le groupe ne monte sur scène et alors qu’on commençait à croire la propagande du festival qui nous annonçait quatre jours sans pluie les premières goutes commencent à tomber. Les k-ways sont sortis et la pluie se fait de plus en plus battante, l’impression augmentant pendant les réglages du light show. Déboule alors Pompon, présentateur attitré pour la Last Arena qui essaye de nous convaincre : « C’est une hallucination collective ! Il fait chaud, il fait sec !« . Enfin le groupe investi la scène pourvu d’un look plus « premiers de la classe » que jamais, Alexander Kapranos arborant même une petite moustache jusqu’alors inédite. Les tubes s’enchainent, repris en cœur par la foule alors qu’Alexander lance un encourageant « fuck the rain« . Mais ce sera seulement pour préciser quelques morceaux plus tard « ha, c’est marrant parce qu’on a joué à Londres le mois dernier ,et ici c’est encore pire qu’à Londres !« . La pluie de Dour bat même la pluie londonienne, c’est maintenant certifié par un groupe 100% anglais. Mais ce n’est pas ça qui effrayera le public, surtout quand comme pour certains on a pris ce qu’il faut pour ne plus rien sentir. Pas besoin d’être fan pour connaitre les paroles par cœur. Les singles des deux premiers albums ont suffisement été matraqués à la radio pour rester gravés au plus profond de nos cerveaux. Alors qu’on se demandait quel single manquait encore (et que la pluie avait officiellement traversé les k-ways) les quatre gentlemen clôturent leur set avec un « This Fire » au cours duquel ils iront tous taper sur la batterie de Paul Thomson. Trempés mais heureux, la décision est finalement prise d’aller se coucher tout de suite sans aller voir Squarepusher. Fin du premier jour.