Dour ✖︎ Machine à Feu ✖︎ Dour

Dour, c’est un peu l’eldorado des passionnés de musiques au sens large, la terre sainte européenne où il fait bon poser ses pieds, que ce soit dans de la boue ou sur une terre sèche et arride comme ce fut le cas cette année. Adieu donc les botes, cirés, et autres équipements pour contrer la potentielle pluie qui était censée aller de (im)paire avec le festoche. Car cette année, le dieu Elios a décidé d’envoyer le paquet. Une bonne chose qui en amène une mauvaise : la gestion catastrophique des équipements par l’organisation. Habitués à nager dans de la boue, les gentils organisateurs n’avaient pas prévu les températures dignes de Mayorque, et donc les besoins conséquents en eau, la chaleur suffocante à l’intérieur des chapiteaux, le manque d’ombre…

Cuivres et cuite

Peu importe les circonstances, on commence le premier jour calmement avec un soupçon de Wild Boar & Bu Brass Band, qui propose un rap bourré de cuivres, pas dégueu mais loin d’être transcendant. Même constat sur la grande scène, avec La Chiva Cantiva qui fait sauter la foule de courageux bravant les 35° de l’après midi pour une funk afroaméricaine teintée de rock. Mouais. Lassé de ce début peu encourageant, on va jeter un oeil à Veence Hanao, le poète belge qui a plutôt fait bonne impression avec son « Loweina Laurae« . Pas servi par le son miteux résonnant dans la Boom Box, le set du diable rouge est un peu décevant, digne d’un gros concert de rap classique avec un boom boom électronique, loin de la richesse sonore de l’enregistrement. Passé la déconvenue, ce sont les très attendus White Denim qui déjà lancés sur la scène Jupiler bénéficient de notre attention. Le chanvre récréatif aidant, on rentre petit à petit dans leur rock expérimental absolument fou, entre free jazz, country et rock psyché. Chaque musicien est un génie dans son domaine, et joue dans un style différent de ses comparses. Une bonne grosse tambouille sonore qui, bien digérée, fait mouche.

Fauvoir

L’heure de la pause sonne, sauf que c’est le moment choisi par mes camarades de camping pour jouer au foot, en pleine chaleur, alors que je me remets tant bien que mal des concerts précédents. Après une vingtaine de minutes de souffrance, ponctuées par une défaite cinglante et une prestation digne d’un cancéreux en phase terminale de ma part, retour aux concerts avec The Skints. Le groupe anglais reggae-ska-rock n’emballe pas outre mesure, avec un set rempli de reprises sans trop de saveur. Avant de retourner au campement histoire de se reremplir le gosier, on fait un dernier saut à Fauve histoire de juger la bête sur scène. Les nouveaux chouchous de la jeunesse française – qui se grave leurs paroles au cutter sur les avant-bras, ne m’inspirent pas spécialement confiance dans une configuration live, mais c’est de bon coeur, un brin curieux, que l’on se retrouve dans la Petite Maison dans la Prairie, sûrement l’une des pires scènes du festival. Le groupe, timide, paumé, débarque alors, comme si des membres défoncés du public avaient forcé la sécurité pour se retrouver sur scène. Une belle bande de branleurs devant leurs instruments, pas mal renfermés sur eux-mêmes. L’instrumentation est agréable, comme à la maison on ressent le bon potentiel du groupe malgré la faiblesse évidente des compositions. Malheureusement c’est moins le cas pour le chanteur, qui tente tant bien que mal d’oublier le stress en balayant la scène aussi vite qu’il balance ses phrases. Ce n’est pas faux, mais assez rapidement ennuyant en festival. Passé les sommets de leur répertoire (“Nuits Fauve”, “Kané”, “Blizzard”…), on tombe sur les plus discutables “4000 Îles” (qui fait quand même bien son effet en live) et surtout “Haut les Coeurs”, bien trop ridicule. On ne finit pas le concert, relativement emballé par les bons moments du concert et la bonne volonté des membres.

Déception et déjà-vu

C’est sur The Horrors qu’on signe notre retour, bien motivé à l’idée de voir l’une des têtes de proue de la scène rock/new wave anglaise. Hélas leur prestation aura été plutôt plate et molassonne, voire complètement hypnotisante – dans le mauvais sens du terme. Le cadavre qui leur sert de chanteur traîne ses os sur scène comme une âme damnée, en soufflant dans le micro sans réelle conviction. Les chansons un tant soit peu connues passent à la trappe, gâchées par le peu d’entrain voire la léthargie complète du groupe et de la prestation en général. Une déception certaine, qui lance mal la soirée.
Du coup pour redécoller on fait un détour chez le bien en chair Action Bronson, dont j’avais apprécié l’excellent « Blue Chips » l’année dernière. Hélas même constat que pour Veence Hanao dans une moindre mesure, le son de la salle étant bien trop binaire : la voix du gros roux / un amas de basse et de kicks lourds. On passe une nouvelle fois notre chemin. Pour tomber sur le set de Bonobo, dans un Dancehall rempli à ras-bord, au point qu’on ne tient que quelques maigres minutes devant la musique très jolie mais un peu trop mouligasse du briton. Wax Tailor commence peu de temps après, dans la même configuration que son passage au Solidays, pour peu ou prou le même concert. Sympathique, dansant, bien qu’un peu coulé par la qualité du son dans cette fichue Boombox. Mais alors que dire de la Petite Maison dans la Prairie ? Le turbo-bulldozer berlinois Modeselektor programmé dans ce placard à balais, c’est l’une des plus grosses fautes d’organisation du festival, tant le chapiteau est blindé, au point qu’il est impossible de s’approcher à moins de 10 mètres de l’entrée. Tristesse. Retour à la case départ, pour un énième concert de Deluxe, qui de la même façon que Wax Tailor, ne se montre en aucun cas original. Même sentence qu’à Paris, au bout d’une demi-heure on disparaît pour tâter du Magician. Le belge au tube imparable qui est en fait un remix – un tour de passe-passe de haut vol – ne défraie pas les chroniques, même si son set nu-disco se défend plus ou moins bien.

Nuit électr(on)ique

On en vient enfin au premier très bon moment de la soirée, avec le très attendu Gramatik, qui touche le vieux continent que peu souvent, en bon américain qu’il est. Son set hip-hop électronique aux accents jazz fait parfois des écarts dans le dubstep, mais reste plus que convenable, avec des titres hyper efficaces comme “So Much for Love” ou “Hit That Jive”. Le son de la Boombox semble plus convenir à ses saillies électroniques, bien qu’il ne soit toujours pas vraiment satisfaisant. Du coup c’est Gesaffelstein qui fait les frais de ce bon concert, puisqu’à notre arrivé à la scène Jupiler le beau gosse ténébreux a déjà fini de bourriner avec sa techno d’église. On n’est pas à une déconvenue près ! Sur la fin, ce sont les excellents Erol Alkan et Boston Bun qui nous régalent sous le chapiteau du Dancehall, avec des sets très propres et hyper dansants, ponctués de leurs tubes persos (“Lemonade” avec Boys Noize pour le premier, et “Housecall” pour le petit nouveau d’Ed Banger). Entre temps, on a pu apprécier quelques minutes de Tha Trickaz, pas bien bandantes pour autant, la faute à un son stéréotypé dubstep alors que leur côté hip-hop-scratch-heavy-sa-race fonctionnait mieux. On conclue cette longue soirée devant le mur de son de la scène Red Bull qui crache du Black Sun Empire, pas trop ma tasse de thé.

Première journée chargée, parfois décevante, parfois réjouissante, mais en tout cas assez éreintante. Vivement demain !