Interview ☭ Svinkels

Le 6 décembre dernier, Svinkels a eu la bonne idée d’achever la tournée « Dirty Centre » en posant son matos dans ce chaleureux endroit qu’est l’Akwaba, près d’Avignon (Chateauneuf-de-Gadagne, ouais gros !). L’interview est programmée à 16H. 16H, à la salle : les mecs sont partis au bar. Leur manager m’assure qu’à 18H, ils seront là pour répondre à mes questions. 18H : leur manager m’assure qu’ils vont bientôt arriver. 18H45 : le gang arrive, et commence à dévaliser le bar de la salle. 19H : je commence à m’impatienter, et j’interpelle Xanax (l’un des trois MC’s), complètement défoncé à la codéine à cause d’une rage de dents :
« – Mec, ça te dit l’interview ?
– Ma préoccupation première, c’est manger.
« 
Finalement, Nikus Pokus et le charismatique Gérard Baste acceptent de se joindre à moi, accompagnés de bières. Enfin !

A noter que cette sympathique interview est légèrement -et malheureusement- obsolète (posthume ?), Gérard Baste ayant annoncé sur le forum officiel du groupe que Svinkels annulait toutes ses activités prévues en 2009 pour cause de divergences… Et il semblerait qu’un retour ne soit pas envisageable.

« Dirty Centre » est sorti en juin 2008 et a été synonyme de changement pour Svinkels, surtout au niveau de la prod’. Quels ont été les échos venus du public et des médias ?
Gérard Baste (MC) : C’est bizarre, parce que le grand truc de « Dirty Centre » c’est qu’on a fait croire aux gens qu’il y avait un changement. C’est plus arrangé, c’est sûr, mais c’est vachement dans la continuité de ce qu’on fait d’habitude, tu peux toujours comparer un morceau de cet album avec un autre qu’on a déjà fait, comme « La Youte« , « Ultra Festif« , ou même « La Fugue« , qui est vachement proche de « Série noire » dans le thème. L’art du truc c’est de faire croire aux gens qu’il y a un gros changement, et ce qui est marrant ce qu’on a tellement bien réussi notre coup que y’a des gens qui ne se sont pas reconnus dans « Dirty Centre« . « Vachement plus rap« , « pas assez rock« , « pas assez engagé« … C’est clair qu’on a des textes plus légers, mais c’est ce qu’on avait envie de faire à l’époque où on a composé l’album. Y’a des gens qu’adorent, d’autres qui aiment moins, mais c’est le cas à chaque fois qu’on sort un disque, en fait.

Nikus Pokus (MC) : Les gens font référence à l’album d’avant, et caetera, mais c’est vrai qu’avec des groupes comme Beastie Boys ou Cypress Hill, nous-même en tant que fans on suivait moins, on lâchait un peu le truc.

GB : Mais nous l’idée, si tu veux, c’est qu’on inscrit un disque dans la continuité. On a sorti un premier six titres intitulé « Juste fais là« , après on a sorti « Tapis Rouge » et on a passé un premier cap, on a sorti « Bons pour l’asile » et on a passé un autre cap, plus musical, plus structuré, et là aujourd’hui, c’est ce qu’on veut faire, de la musique qui sonne avec peut-être des paroles un peu plus simples, et efficaces. On cherche l’efficacité, au final. On a un ton plus léger, mais on a aussi prouvé par le passé qu’on pouvait être plus recherché dans les paroles et les jeux de mots.

Dans « Dirty Centre« , il y a une chanson intitulée « C’est des cons« , parlant de vos fans avec beaucoup de second degré. Pour l’inspiration, vous êtes allés sur le forum de votre site ?
NP : Ça non, l’inspiration c’est le public que t’as en face de toi, les mecs qui viennent te voir avant le concert et qui veulent te faire boire leurs mixtures bizarres, des trucs du genre (rires).

GB : Faut savoir que quasiment tous les exemples donnés dans le morceau sont vrais. On aurait peut-être même pu plus abuser ! Mais par exemple tu parles du forum de Svinkels.com, des fois on lit « Ouais, au concert, y’avait plein de punks qui pogotaient« , etc. On pense que y’a deux façons de suivre le groupe : la façon bourrine, et la façon plus fine, (prenant un accent rustre, ndlr) comme la moutarde fortement épicée !

NP : Mais bon tu sais, maintenant, la plupart des mecs du forum c’est des potes, donc on a réussi un truc un peu « fachisant », maintenant ces mecs-là parlent pour nous !

GB : Comme on dit au début du morceau, « On a le public qu’on mérite« . Donc qui sème le vent, récolte la tempête ! Bon, va falloir que j’arrête de parler avec des formules (rires). On fait un rap bourrin, un peu beauf et alcoolisé, donc c’est normal que notre public soit bourrin, un peu beauf et alcoolisé.

La production de l’album a été assurée par le mystérieux Dr. Crunkenstein. C’est qui ce mec ?
NP : C’est un gars avec qui on bosse depuis longtemps, il était dans un groupe avec notre actuel bassiste live, ça s’appelait 7

GB : T’étais pas né (rires) !

NP : Un groupe de fusion comme y’en a pas eu beaucoup, qui n’a fait que deux albums. Et donc, ce mec est à l’origine des tubes du Svink’ comme « Happy Hour« , « C-Real Killer« , « Dizy qu’il est fini« , « Le Svink c’est chic« … Pour « Dirty Centre« , on lui a d’abord fait écouter ce qu’on avait maquetté, ça l’a branché, il avait du temps et on a fait le disque ensemble. Il a tout ré-arrangé.

Et vous êtes satisfait de ce travail commun, vous allez procéder de la même manière pour le prochain album ?

NP : La formule d’un album, c’est bien qu’elle change à chaque fois, même si c’était super agréable de bosser avec un mec qui a du talent, qui a plus de bagou que toi dans la composition.

GB : Du coup, avec son travail sur le disque, ça fait presque un album concept, alors que c’était pas du tout voulu au départ. Y’a plein de synthés, plein d’orchestrations, un truc franco-américain quoi, comme on aime.

Les morceaux du disque ont une sonorité très crunk, avec les paroles et l’attitude qui vont avec…
GB : Je te coupe tout de suite, non pas parce que je suis pas d’accord, mais qu’est-ce que c’est que l’attitude crunk ? C’est une attitude de rockstar. Et nous, on est en France LE groupe de rap-rock depuis le début. « Crunk », ça veut dire « crazy-drunk », c’est des noirs qui, tout d’un coup, ont découvert qu’on pouvait être complètement ivre en club, prendre des ecstasys, et être complètement dingue, mais c’est ce qu’on fait depuis vingt ans ! (rires) Les mecs maintenant ils chantent « We party like a rockstar ! » (morceau de Shop Boyz, ndlr). Moi je « party pas like a rockstar« , je suis une rockstar, t’as vu ? (rires) Ca fait cinq ans qu’on joue sur des festivals, comme les Eurocks, avec KoRn et Slipknot, et on a cette attitude-là depuis le début, qu’on vomissait avant les concerts tellement on était ivre. Finalement non, donc, on a pas voulu faire un disque crunk. On est comme ça.

Et en France, qui suit le mouvement crunk ?

GB : En France maintenant t’en as plein qui sortent des morceaux un peu « bounce », un peu dirty south, t’as La Fouine, t’as des mecs comme TTC qui l’ont déjà fait…

NP : On est super influencé par les américains, et on a donc plus tendance a s’en approcher qu’à s’en éloigner.

GB : L’idée, c’est pas de décalquer. On n’invente rien, finalement, mais on le fait à notre façon, celle de mecs nés en France, qui ont plus de trente ans, élevés entre fromage et vin rouge… Et tu peux pas lutter contre ça ! On respecte cette musique, et on le fait sans tricher, on parle de notre vie, pas de celle de mecs qui ont vécu dans un ghetto. Et tout le monde suit un peu les modes, que ce soit dans le rap mais aussi dans l’electro, t’as par exemple des gars comme Justice et SebastiAn qui sont arrivés et tout le monde sonne désormais pareil, t’as la même chose dans le rock où après une grosse période de fusion-metal tu reviens à un rock plus traditionnel, les groupes en « The »… Ça se sent également en France avec des groupes comme Second Sex, Naast, les Shades… Même BB Brunes.

NP : Mais après, si la mode reviendrait au down-tempo dans le rap, je ne sais pas si on suivrait, parce que comme on est un groupe de live, ça serait pas trop approprié, ça ne nous correspondrait pas trop, contrairement au crunk qui bouge bien. Passé un moment, le rap français copiait du Mobb Deep, et nous on se reconnaissait pas là-dedans, ça nous faisait chier.

GB : Pourtant Mobb Deep c’est mortel ! Mais quand tu te retrouves continuellement dans du violon-piano, avec des sujets tels que « les larmes coulent sur les joues de nos mères« , bon… Le rap marseillais a fait fort dans ce domaine (rires).

Il y a déjà deux vidéos pour promouvoir « Dirty Centre » (« Du PQ pour mon trou-trou » et « Droit dans le mur« ), c’est quand que vous allez faire un clip pour « Tout nu yo !« , avec vos histoires de travelos là, histoire de faire fantasmer tout le monde ?
GB : Alors primo, « La Youte » sort au mois de décembre (il est donc déjà disponible, ndlr), réalisé par le même réalisateur que « Droit dans le mur« , et « Tout nu yo ! » sera clipé, évidemment, avec peut-être des guest-stars. On sait pas encore où on en est par rapport à ça, mais c’est vrai qu’il y a eu un gros déficit de clip dans Svinkels, et depuis « Réveille le punk » on en avait pas fait.

Il y avait quand même eu « Bricolage« , réalisé par un fan…

GB : Ouais, y’a eu ce clip réalisé par un fan, y’a aussi eu les clip avec Qhuit, « Prohibition » et aussi « Avec des glaçons » – qui a moins tourné. On s’est un peu fait niquer avant, mais on s’est rendu compte que ça pouvait être facile de faire des clips actuellement, alors pourquoi pas le faire ?

Vous vous rendez compte qu’en prenant Ton’s (ex-Freedom For King Kong) aux claviers dans le Dirty Centre Orchestra, vous attirez tous les fans de FFKK frustrés par la fin du groupe ?
GB : C’est marrant parce que putain t’es jeune, mais tu connais bien la musique toi (rires – merci quand même) ! Bah Freedom For King Kong c’est marrant parce que c’est l’un des groupes qu’on a rencontré sur la route, et qu’au-delà de l’aspect musical -surtout qu’on n’écoute pas trop de fusion- on a vraiment accroché humainement. Déjà ces mecs sont des super musiciens, mais en plus le courant est vraiment bien passé. Y’a deux groupes rencontrés sur la route qu’on a apprécié comme ça, c’est eux et High Tone. Autant High Tone sur scène ils sont super sérieux, on dirait des Giscard d’Estaing, bah ils sont super déconneurs en dehors, ils font vraiment n’importe quoi, c’est Jackass quoi ! D’ailleurs on s’est plusieurs fois blessé avec eux (rires). On avait un jeu, c’était un foot qui consistait à jouer allongé par terre, un truc ridicule (rires) ! Bref, Ton’s il joue bien et on s’est dit que ça pouvait le faire, en plus il connait tout Jean-Michel Jarre et toutes les pubs, il arrive à te rejouer Findus… C’est marrant que tu l’es reconnu ! Après, c’est un bon breton ! Il est costaud, il est poilu, et il parle fort (rires) !

Je vais sûrement parler poils avec lui après le concert… Maintenant, question un peu longue… Petit retour en arrière, en 2003, sur « Bons pour l’asile« , il y avait le morceau « Happy Hour » où Xanax (le troisième MC, ndlr) disait en guise de conclusion : « Faut que Sarkozy crache un décret contre l’happy hour« . En 2004, il y a eu « Prohibition » avec Qhuit. Et en mai 2008, quand il y a eu ce projet de loi contre l’happy hour, vous vous êtes pas dit « on est des putains de visionnaires » ?
GB : Fallait pas être devin non plus, hein. Devin… De vin ! Ha, ha. Mais pourquoi y’a eu ces mesures-là ? C’est parce qu’à un moment ça va trop loin, quand tu vas dans des free-partys et que t’as des mecs qui tombent dans des précipices, quand tu vois qu’il y a des comas chez des gamins de quinze ou seize balais… Quand tu vois ce qu’on te propose comme produits actuellement, c’est beaucoup plus important qu’à notre époque ! C’est pour ça qu’il faut un peu faire attention à ça. Après, je ne pense pas qu’augmenter les tarifs change quelque chose. Mais bon, après, si y’a plus d’happy hour, tu paieras un peu plus cher tes coups, et alors ? Ça t’empêchera pas de te démonter la gueule ! A partir du moment où tu peux acheter une bouteille de whisky dans un supermarché… Y’a une vraie hypocrisie là-dessus, parce que les mecs te vendent de l’alcool super fort. Si tu bois ta bouteille tout seul, tu peux faire des conneries…

NP : T’accrocher à un toit pour jouer les Père Noël…

GB : T’embrouiller avec ta nénette et faire une Bertrand Cantat…

NP : Prendre ta voiture et faire une Jean Alesi (rires) !

GB : Mais bon, à partir du moment où tu vends un truc super fort, faut assumer, c’est pas changer les lois sur une happy hour à la con qui va changer quelque chose.

NP : Après si les gens vont plus se défoncer la gueule sur un parking, ils vont moins faire vivre les proprios des bars, c’est ça qui peut surtout changer. Mais bon, d’un autre côté on a parlé avec des mecs qui disent « Wah, avec Svinkels en concert, on a commencé à boire dès 14H, et j’me rappelle plus du concert« … Bah c’est con (rires).

On va parler un peu de vos projets parallèles, votre manager m’a dit que cette date est la dernière de la tournée. Quelle est la suite de vos activités ?
GB : Pour Svinkels, y’a des dates qui arrivent en 2009 (visiblement non, au dernières nouvelles, donc, ndlr), mais on aimerait bien proposer rapidement un nouveau truc pour pas que les gens se lassent. On va essayer d’enregistrer un live aussi, maintenant qu’on a un groupe, on va essayer de garder une trace de ça.

Et en dehors du Svink, est-ce qu’il y aura un nouveau skeud du Qhuit Gran Bang ?

NP : Bah on a commencé, on devait s’y remettre mais on ne l’a pa fait… Faut s’y remettre quoi.

Gérard, y’aura-t-il un second volet du Klub des 7 ?

GB : Ouais, ça y est, il est fini le disque. On est en train de le mixer, et ça devrait sortir vers mars. L’album s’appelle « La Classe de Musique« , et c’est un vrai album du Klub des 7, avec tout le monde sur tous les morceaux, un vrai album de collectif, contrairement au premier album qui était fait un peu n’importe comment, mais après on a fait une tournée et on a commencé a structurer des trucs, on est devenu bien potes, et on a vraiment acquis un esprit collectif.

Et suite à la tragique disparition de Fredy K, y a-t-il un nouveau septième homme ?

GB : Non, on est resté à six. Bon, c’est triste hein, mais avant son décès, Fredy a enregistré pas mal de trucs, et il est presque plus présent que sur le disque d’avant ! Après, ça sera compliqué pour les concerts, mais on a vraiment eu envie de faire le disque comme ça, et on en est content.

Voilà, l’interview est finie, ça vous branche de dire le mot de la fin ?
GB : On sait jamais dire les mots de la fin.

NP : On a toujours été nuls pour ça, va falloir en préparer ! Mais là, s’il doit y avoir un mot de la fin, c’est que le repas va être froid !

Avant de se bourrer la pense, les deux bonshommes acceptent de prendre la pose sous l’objectif de ma charmante acolyte, histoire que le boss puisse me fournir une bannière de qualité supérieure. Quelques heures plus tard, Svinkels retourne l’Akwaba, enchainant les hits avec humour et énergie, même si une certaine fatigue est perceptible. Le groupe sort de scène sous les ovations du public, Gérard Baste montre son chibre, et la dernière page live du groupe est écrite.

Un grand merci à Nikus Pokus et Gérard Baste pour leurs réponses et leur bonne humeur, à leur manager Dan, à l’Akwaba pour l’accueil, à Ton’s pour sa sympathie et la power-cigarette après le concert, et enfin à mon camarade [team]Hilikkus[/team] pour l’opportunité. Special thanks to Sophie pour les photos, pour l’éthylisme exacerbée et pour le reste !

Et un grand coup de chapeau aux Svinkels pour l’ensemble de leur carrière, des mecs décalés et talentueux qui ont su rassembler au fil des années une foule nombreuse, fidèle, fêtarde et éclectique, en leur apportant énergie, bonheur et… ivresse ! Bonne continuation les mecs.