Volcano Sessions Vol. 8 – Samedi 19 aout 2023

Retour au cœur du volcan pour la tant attendue seconde journée et la promesse d’un final en apothéose. Si thématiquement le vendredi nous avait proposé un voyage dans le temps, le samedi nous propose lui un voyage vers l’Orient.

 

Mansion’s Cellar

Il est 16h quand Mansion’s Cellar débarque sur la brûlante scène du volcan. Ils ont sorti les shorts de circonstance, mais la souffrance se lit parfois sur les visages : « Il fait chaud mais c’est stylé. » résume assez justement leur guitariste/saziste. Pas avares en communication, ils avouent être originaires de Douarnenez et quand un spectateur leur demande s’ils ont amené le kouign-amann, ça répond du tac au tac :

« Heureusement qu’on l’a pas ramené, il ressemblerait à un fromage de chez vous ! »

Un « ouuuuuuh » menaçant parcourt l’assistance avant que le breton ne se reprenne :

« J’ai pas dit que c’était mauvais ! »

On est passés à ça de l’incident diplomatique. Toujours est-il qu’on était bien loin du fest-noz avec deux guitaristes qui lâchent par moment leur instrument pour lui préférer un saxo pour l’un et un saz pour l’autre. Pour faire simple et au risque d’énerver les puristes, le saz est une sorte d’oud turque.

On aurait légitimement pu s’attendre à un sympathique petit groupe de garage réhaussé d’une teinte psyche, mais c’est bien plus que ça. Les éléments orientaux nous font pénétrer progressivement dans le genre de transe qu’on a l’habitude de ressentir chez des formations bien plus lourdes. On finit par plonger dans leur délire la tête la première, en ressortir, cracher du sable, replonger, et kiffer fort.

On ne sait pas encore quelle sera la suite pour Mansion’s Cellar, mais s’ils continuent sur cette voie on va suivre ça de près.

 

Shëzlong

Shëzlong devait ouvrir la journée, mais s’est trouvé retardé suite à un incident mécanique. Heureusement tout finit bien puisque les voilà enfin arrivés après un échange de slot avec d’aimables bretons. Shëzlong ça veut dire « fainéant » en albanais. Leurs influences se trouvent pourtant bien plus à l’Est alors on penchera plutôt pour le calembour mobilier. Géographiquement, on parle donc de morceaux traditionnels provenant d’Anatolie. Ils se permettent toutefois de remonter un peu plus au Nord avec leur turbo-hit « Rampi Rampi », un classique de Thrace.

Alors à lire ces lignes vous vous dites sûrement que ça doit être très intéressant et que Neşet Ertaş c’est sympa, mais que ça doit être à peu près aussi dansant qu’un cours d’Histoire. Détrompez-vous, parce que tous ces tubes millénaires sont réarrangés et bénéficient de la puissance de propulsion du funk.

Les têtes commencent à dodeliner gentiment et rapidement tout le monde est conquis. Le MVP de la séance étant clairement le claviériste dont les doigts filent à une vitesse incroyable. Une fumée sombre se dégage de son corps mais ses pas de danse et son regard de démon témoignent d’une passion incandescente. Les premières flammes apparaissent et le doute n’est plus possible : ce claviériste est en feu ! Pourtant rien n’y fait, le malheureux continue de marteler ses touches comme un joyeux damné, lâchant de temps à autre un petit sample bien senti. Quelques volontaires attrapent des seaux et forment une chaine depuis le lac pour tenter d’éteindre l’incendie synthétisé.

Alors que les planches du ponton fument encore, on se demande pourquoi on continue de s’enfermer dans des chapelles musicales quand un groupe aussi différent de ce qui était attendu nous a apporté une joie aussi forte qu’immédiate.

 

 

Monarch

Le groupe suivant s’appelle Monarch. On aurait pu s’attendre à voir débarquer le groupe de doom français, mais on parle ici du Monarch sans point d’exclamation, dont la musique n’a à peu près rien à voir.

Je l’avoue j’avais écouté un peu distraitement les deux albums des américains et leur avait reconnu une qualité certaine, sans pour autant avoir été transporté. Mais en live, c’est tout autre chose. La douceur de leur psyche se matérialise. Leur reverb se conjugue à l’écho du cratère tandis qu’un synthé rêveur vient ajouter ses nappes sur ce cocktail cotonneux. Le Soleil se reflète sur le lac et vient caresser leurs soyeuses crinières. Les trois chanteurs s’approchent de leurs micros et posent leurs voix sur une même onde pour former le chœur le plus dreamy du monde.

Vous pouvez écouter leurs enregistrements, ce sera pas la même chose. Vous pouvez même aller les voir en salle, ce sera pas la même chose. Non, c’est certain, la magie de Monarch ne se déploie pleinement que dans un volcan, au Soleil couchant.

 

Messa

Le Soleil continue de descendre, offrant ainsi à Messa son heure dorée. La voix de Sara s’envole entre les orgues lors de l’intro a capella de « If You Want Her To Be Taken » et tout le monde retrient son souffle.

Ceux qui ont déjà vu Messa en live ont pu constater la façon dont les italiens créent une ambiance, que ce soit dans une salle plongée dans le noir ou sous un chapiteau de festival. Vu le cadre de la cérémonie d’aujourd’hui, l’expérience était assez exceptionnelle. Là où les autres groupes du week end étaient tous résolument peace and love, Messa présente un ton un peu plus obscur. La setlist se concentre sur le dernier album « Close » et ses compositions d’inspiration orientale, la multitude d’instruments utilisés lors de l’enregistrement étant assurés ici par Alberto à la guitare. On a tout de même un petit détour obligatoire avec leur hit doom-jazziesque « Leah » et l’épique « Hour of the Wolf » en conclusion.

Tant de classe et de talent, Messa n’a aujourd’hui plus rien à prouver. Difficile de ne pas les imaginer headliner ces prochaines années.

 

Moura

Moura est arrivé un peu en retard. Pour tout dire, ils ont même échangé leur slot avec Messa comme l’ont fait leurs cogroupes en début d’après-midi. Sauf qu’eux n’ont pas eu de souci mécanique, ils avaient juste douze heures de route ! Douze heures pour un concert, rien que pour ça on les aime déjà.

Parce que Moura vient d’Espagne, et plus précisément de Galice. C’est important à noter parce que leur musique est un mélange de prog-space-kraut-folk galicien.

Un spectateur leur lance un :

« Viva la Galicia ! »

Tout sourires, ils répondent avec un :

« Viva la Francia ! »

Comme quoi la diplomatie internationale c’est plus simple que la diplomatie régionale. Bref, ils sont de Galice et ils le font savoir. La percussionniste frappe sur une vieille boite de piments espagnols « La Dama » et souffle dans une gaita galega, une cornemuse galicienne. Entre les chansons, leur leader Diego explique les points de folklore auxquels font référence les chansons, comme pour « Alalá do Abellón », un ancien rite funéraire galicien qui consistait à danser autour du défunt pour aider son âme à passer dans l’au-delà. Sur cette chanson l’un d’entre eux utilise d’ailleurs une tête de pelle comme instrument, assez approprié.

La nuit enveloppe le cratère et on entre dans leur univers étrange et trippant. L’histoire racontée par les instruments traditionnels bénéficie du gros moteur prog/psyche des guitares, pour un voyage assez unique.

 

Colour Haze

Colour Haze arrive avec une mauvaise nouvelle : leur bassiste s’est coupé le doigt. C’est son index gauche qui se trouve tout momifié. Mais ça pourrait être cool me direz-vous, avec cet espèce de mini-plâtre il doit pouvoir s’en servir comme un bottleneck et nous faire des trucs stylés ? Non, en pratique ça fait juste qu’il peut pas l’utiliser. Et c’est plutôt gênant. Pourtant, il assurera tout le show sans se plaindre tel le héros silencieux qu’il est.

D’entrée de jeu, Stefan tient à nous dire qu’ils étaient là toute la journée, et qu’ils en ont vu des festivals dans leur carrière, mais aucun avec une si bonne affiche. Inutile de dire que ça, c’est un peu la validation ultime pour un festival de psyche.

A l’image de la première partie dépouillée d’« Aquamaria », le concert commence tout en douceur. Et c’est comme ça qu’ils nous attrapent. On pense toujours que Colour Haze c’est du psyche tout doux et qu’on va se contenter de flotter tranquillement sur leurs bonnes ondes. Grossière erreur. Les « poulouloupoupou » lâchés innocemment par Stefan cachent des riffs propulsifs qui nous envoient très loin, pour mieux se faire claquer par les énormes coups envoyés par Manfred sur ses cymbales démesurées.

La baffe est monumentale et on ne trouvera personne sur un rayon de de dix kilomètres pour mettre en doute la suprématie du Colour Haze. Une fois le concert terminé, les spectateurs coulent du volcan l’air hagard, refusant le retour à la réalité.

Vous l’aurez compris, ce week end était assez incroyable. On salue donc le taf de l’orga, tant sur le plan technique avec un son irréprochable du premier au dernier concert de ces deux jours, que sur la programmation avec une sélection de groupes exceptionnels. C’est bien simple, même ceux dont on attendait le moins se sont trouvés être des révélations. 11/11. Et tant qu’on y est, saluons aussi les festivaliers, on n’aura assurément jamais vu un public aussi cool.