N.E.R.D. – Nothing

Flashback, 2003. 43% des morceaux diffusés à la radio US étaient produits par The Neptunes, alias Pharrell Williams, le roi du monde, et Chad Hugo, l’homme de l’ombre. Leurs beats minimalistes et synthés vintage leur ont ouvert la porte de l’immense succès et de la Playboy Mansion. Sept ans après? Il ne reste plus grand chose. Les productions des Neptunes ne font plus trop parler d’eux, et prétendre que le quatrième album de N.E.R.D. est très attendu serait une légère exagération. Mais bon, les trois précédents avaient leurs bons moments, surtout quand Pharrell & Chad s’en servaient comme cour de récré et pas comme usine à hits.

Cette fois, l’idée est simple et toujours aussi modeste : Pharrell veut faire de Nothing un album qui marquera son époque, au point de s’en souvenir dans dix ans. Moins ambitieux que Beady Eye, mais quand même. Plus intéressant, il a aussi dit que l’album sonnait 1968-1972 America/Crosby, Stills, Nash/Moody Blues. Inattendu de sa part? Peut-être, mais ce n’est pas parce qu’on a produit No Doubt qu’on n’a nécessairement aucune culture musicale, non plus.

En règle générale, on doit lui donner raison : Nothing sonne plutôt organique, classique, plutôt seventies que noughties, et ce n’est sans doute pas une mauvaise chose. Parfois, on se retrouve dans un speakeasy de la prohibition (‘Help Me‘) ou au music hall (‘Victory‘), en écoutant le thème d’un James Bond avec Sean Connery resté inédit (‘Perfect Defect‘). La basse est très présente, probablement grâce à la présence augmentée de Chad Hugo, fort peu impliqué dans Seeing Sounds, et on se met parfois à penser à ce qui est probablement le meilleur backing band de l’histoire du hip-hop, The Roots. Quand on vous disait que ce n’était pas une mauvaise chose.

Bon, évidemment, c’est un album de N.E.R.D., donc la constance n’est pas le point fort. On se surprend souvent à voir le chat noir de Matrix, des trucs déjà entendu, quelque part, un jour. ‘Party People‘, au demeurant bien sympathique ressemble un peu trop à ‘Wanna Be Startin’ Somethin’‘ pour être honnête et ‘I’ve Seen The Light‘ fait penser à Jethro Tull (demandez à votre grand-père). Pharrell ne peut non plus s’empêcher de raconter des conneries. Il ne veut peut-être plus te filmer toute la nuit, mais raconte (‘Life as a Fish‘) comment Dieu a créé l’univers, du point du vue d’un poisson qui râle parce que les humains ont pollué les océans au lieu d’écouter Jacques Cousteau pendant que des immeubles fédéraux explosent. Authentique. Quant au condescendant ‘God Bless Us All,‘ on n’en dira pas plus.

La principale caractéristique de l’album est sa variété : outre le funk-blues-hop déjà mentionné, ‘I Wanna Jam‘ amène carrément un peu de rock (même si c’est plutôt Lenny Kravitz que Led Zeppelin), ‘Sacred Temple‘ une touche de ce minimalisme qui a rendu Williams multimillonaire en bitches, et ‘Hot n Fun ‘un refrain un poil moins vulgaire que les Black Eyed Peas. Enfin, on se doit de mentionner le morceau produit par Daft Punk, ‘Hypnotise U‘. Dommage qu’il soit un peu à chier.

Bref, une fois de plus, Pharrell Williams, Chad Hugo et Shay Haley pondent un album sans grande cohérence, mais avec quelques bonnes idées pas toujours retranscrites en bonnes chansons. Mais qu’importe, N.E.R.D. a toujours été leur récréation, et finalement, on continuera à préférer ceci à l’auto-évaluation pénienne de Kanye West, qui a pris la place de Pharrell en tant que producteur zeitgeist, en le faisant plus fort, plus rapide, plus fort, mais pas nécessairement mieux.