The Craftmen Club – Thirty Six Minutes

The Craftmen Club n’est pas un groupe de branleurs; c’est une formation basée sur l’energie, une pulsion chaude et dérangeante, sombrement menée par la voix fiévreuse et guitare fracassante de Steeve Lannuzel, breton énergique au sang bouillonnant; par la turbulente basse de Marc Corlett et la batterie speed et cinglée de Yann Ollivier.

Cet album soulève un concept intéressant tournant autour de l’histoire d’un gaillard affreusement atteint mentalement suite à l’assassinat de sa famille, répondant au doux nom sordide de Gary Blood. On saisit peu à peu l’histoire avec ‘ Gary Blood ‘, un des deux titres chantés en français, qui suit un trip curieusement morbide dans un style « post-Miossec », très loin du moindre soupçon de Deportivo ou autres copieurs sans synapses.

Thirty Six Minutes est un pur concentré de garage rock psychotique et fougueux, une grosse machine de guerre rock’n’roll esquintée, naviguant jusqu’à la country alternative maladive et acérée (‘ Desert Land ‘, ‘ Les Chiens ‘); en crachant royalement sur les clichés garage (‘ I Can’t Get Around ‘, ‘ Goodbye Mother ‘) et écrasant souverainement, par du bouillonnant punk sixties nappé de psychédélisme profond, les croutes pseudo-psychés à l’oignon (‘ Death Song ‘). Cette fameuse Death Song sent le cadavre de loin, l’humeur vagabonde, les bières secouées et le tabac qu’on partage, inspirant une fumeuse envie de s’engouffrer dans la mort; ayant en guise d’ultime couverture ce rythme sous assistance respiratoire en phase terminale, lent et congestionné, aussi émotionnel qu’un concentré de compote. C’est énorme, à s’en tirer une balle dans le pied droit en s’avouant qu’il n’y a que la musique qui compte réellement. Puis il y a aussi ce tournoyant ‘ Hold Out Your Hands (To The Lost Soul) ‘, puissant et mélodique; aux influences western spaghettis, poussé par un long grincement viril sur des guitares pressées coincées entre l’étrier et le flanc du cheval. Juste une petite déception, le premier titre, ‘ To the surface ‘, un peu trop coincé dans la molaire droite de Mick Jagger et l’orteil gauche de Cooper, un poil trop cliché. Le chant est plutôt cul-cul, très moyen par rapport aux autres titres, et l’ambiance tombe très vite, s’enfonçant dans les abysses travaillées de ces 4 minutes 21.

A part cette crotte de nez dans l’océan rougâtre du Craftmen Club, c’est un excellent album nerveux et pressé; un long voyage entre le garage, les spaghettis et de le road movie.