Amenra ★ Le Confort Moderne

La salle

J’avais gardé de mon seul souvenir au Confort Moderne l’image d’une jolie salle, aussi petite que conviviale. Mais c’était il y a plus de dix ans. Je découvre ce soir là une large scène et une hauteur sous plafond impressionnante qui laissera à la tête d’affiche la possibilité de projeter sur un énorme écran fond de scène. Côté capacité, on serait sur du 800 places selon les syndicats et la police.

On sera bien évidemment en dessous de ce chiffre. Chose pourtant appréciable qui, si on considère en plus l’important volume de la salle, nous permettra de gérer tranquillement ce teaser de canicule proposé aimablement par un juin 2023 naissant.

 

Müterlein

À peine entrés, on est accueillis par treize faucilles dressées fièrement vers le ciel. Les lumières s’éteignent et un puissant orage se fait entendre. Quelques minutes seuls avec le tonnerre nous permettent d’entrer pleinement dans son monde avant que n’entre Marion Leclercq, aka Mütterlein.

Seule au milieu des lames, elle officie derrière un autel de machines sur lequel est apposé un autocollant « l’enfer c’est les autres ». Elle se retourne parfois pour saisir sa guitare, ou s’avance vers le micro pour faire entendre sa voix dans les moments d’intensité. Mütterlein peint son œuvre par couches, usant de boucles et effets, mais surtout d’une boite à rythme martiale qui nous fait vibrer les entrailles. On pense forcément à Godflesh, mais la comparaison s’arrête là. La musique de Mütterlein est loin d’être offensive et si l’expérience sera probablement dérangeante pour le non-initié, les autres percevront la mélancolie brute qui enveloppe la salle.

C’était la veille de la fête des mères, on saluera là la pertinence de la programmation.

 

Amenra

Il est déjà pas loin de 22h45 quand le tripode d’Amenra apparait sur l’immense écran du Confort Moderne. Les machines à fumer travaillent à plein régime… en vain. Vu la hauteur de la salle, le combat était perdu d’avance.

Colin entre s’agenouille dos au public, frappe ses claves et signifie ainsi une intro sur « Boden ». Le silence est religieux. Et ce sera comme ça pendant tout le concert, hormis un « Vive la Belgique ! », ma foi fort rigolo, lâché entre deux chansons. L’infestation de gros lourds semble ne pas avoir touché le territoire poitevin. On profite tant des silences que des passages les plus écrasants grâce à un son relativement impeccable, tous les instruments restants indépendamment audibles à tout moment.

 

 

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« De Doorn » a presque deux ans et ses chansons s’intègrent désormais naturellement à la setlist. « De Evenmens » sonne d’ailleurs comme un classique qu’on imagine bien rester un moment. La performance du soir est tellement propre qu’on en oublierait presque l’absence de « Razoreater », leur chanson la plus connue et aussi la plus jouée.

Heureusement pour moi, j’attendais l’autre staple de leurs listes. Vous voyez ce sentiment quand un riff vous revient toujours en tête jusqu’à ce que vous écoutiez le morceau ? Pour moi c’était celui d’« Am Kreuz ». Vu la déflagration que ça a été, je pense bien avoir exorcisé le truc.

 

 

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Et en parlant de déflagration, il faut bien saluer la qualité des lights, qui donnent aux vagues sonores une dimension physique.

Alors on parle de tubes, de classiques, de tout ce que vous voulez… jusqu’au moment où l’intro de « A Solitary Reign » se fait entendre. Et là ! Là le silence poitevin est brisé par quelques gémissements où se lisent tant la surprise que le plaisir. Parce qu’il est là le vrai tube qui a révélé Amenra au public non-dépressif. Cette petite mélodie imparable à l’accent médiéval qui contraste avec l’aspect rigoriste et sans compromis qu’on leur connaît… et qui parle forcément plus largement aux amateurs de sonorités irlando-pagano-pirate-viking. Amenra les prend gentiment par la main, pour quatre minutes plus tard leur asséner une lourde redescente servie par un riff pharaonique accompagné d’un cri guttural.

Très belle performance de ce côté-là ce soir pour le désormais par si nouveau Tim De Gieter. Le bassiste doodseskadien apporte vraiment quelque chose à la prestation tant par son attitude que ses cris déchirants.

Puis, comme pour nous dire que question setlist ils font absolument ce qu’ils veulent, Amenra décide de fermer avec une intro. « .Silver Needle. Golden Nail. » qui servait d’ouverture à « Mass IIII » nous offre son énorme montée en puissance… et c’est fini.

L’écran affiche la phrase qu’on retrouve à la fin des concerts français depuis « De Doorn » :

« Peu à peu ces fleurs tomberont. Il ne restera que les épines. »

Il est minuit pile. Devant le sans faute qu’on vient de vivre, les spectateurs repartent l’air hagard. On a forcément envie d’y retourner tout de suite. Heureusement l’Enfer n’est plus très loin.