UNKLE ✖︎ The Road, Part 1

Six années ! Voire sept si l’on exclut la réédition de l’album « Where Did The Night Fall » comprenant le disque « Another Night Out ». Oui, voilà le temps qu’il aura fallu attendre pour bénéficier d’une nouvelle sortie signée par James Lavelle et de son entité musicale UNKLE. Un temps infiniment long pour les fans habitués jusque-là à des sorties quasi frénétiques de 2007 à 2011 avec 4 disques en autant d’années. L’attente en valait-elle la peine ?

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Le truc, c’est qu’en 6-7 ans, il s’en passe des choses et encore plus ramené à l’échelle du groupe, James Lavelle remercie le duo qui l’épaulait, Pablo Clements et Richard File, plus triste, c’est surtout la disparition en 2015 du fidèle chanteur Gavin Clark qui marquera cette période de calme studio. Une perte énorme pour pour peu que l’on ait déjà eu l’occasion d’entendre les sublimes morceaux que Clark aura mis en voix. Cruel et ultime pied de nez pour Lavelle, son fidèle ami décédé brutalement (le musicien révéla de façon involontaire que l’artiste s’est en fait suicidé), aura collaboré une dernière fois avec Toydrum sur l’album « The Evangelist », un disque très proche du son d’UNKLE car porté… par Clements et File eux-mêmes !

Devant l’apparent mutisme de Lavelle et le trou béant laissé par Gavin, on était en droit de se demander si un album sortirait de si tôt. Puis la lumière, un premier single en mars et enfin une annonce, UNKLE existe toujours et Lavelle enregistre son disque de Los Angeles à Naples en passant par Londres et surtout, en solo ! Cette fois, plus de compromis, le frontman se dit fatigué des querelles créatrices et ne veut plus revivre cela. Ici, pas de noms ronflants pour les invités vocaux comme l’a souvent fait le groupe (citons Josh Homme, Ian Brown ou encore Thom Yorke par le passé) mais plutôt des fidèles, des gens de confiance tels que Mark Lanegan ou encore Liela Moss de The Duke Spirit qui seront appuyés par de petits « nouveaux » dans l’univers d’UNKLE, citons par exemple ESKA ou encore et surtout Keaton Henson, des personnalités plus jeunes, ce qui aura évité tout le « drama » de la création que voulait fuir Lavelle en remerciant Clements.

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Clairement, cet album est celui de l’introspection. Le disque met bien en exergue cette thématique qui va marquer au fer rouge l’album dès l’intro « have you looked at yourself ? And The mistakes you’ve made ?… »  Musicalement, c’est un disque porté par des arrangements symphoniques lorgnant du côté de l’électro mais sans revendication sonore. Lavelle le confesse, l’idée n’était pas de faire un album rock, trip hop ou encore électro mais laisser les morceaux et le disque évoluer en regard des échanges faits en studio mais toujours sous sa direction.

« Farewell » en est le parfait exemple, porté par ce mélange d’électro, de piano et les voix mêlées de Eska, Liela Moss, Henson, Mink et j’en passe, pour un titre chorale sublime dont on appréciera toutes les subtilités d’arrangements au casque. Cet aspect symphonique traverse littéralement l’album de part en part, preuve en est encore avec les cordes en introduction de « Looking For The Rain » mais encore une fois suppléées par l’électro (l’orgue en boucle prenant le dessus au fur et à mesure), et si cela se fait parfois moins présent au profit de sonorités plus franches comme le trip hop sur « Cowboys Or Indians », les amateurs du groupe retrouveront la plupart des caractéristiques du groupe, y compris l’aspect plus rock avec « No Where To Run / Bandits » (son duo basse/batterie faisant des ravages).

L’excellent titre « The Road » (tout en haut de cet article, les mecs) sonne bien comme du UNKLE avec sa progression électro et sa batterie dantesque (assurée par Jon Theodore ou le batteur de Beck – je n’ai pas encore reçu mon CD – Justin Stanley). Et que dire des splendides contributions de Keaton Henson ? Ce chanteur anglais tellement agoraphobe que le simple enregistrement de ses clips le fait pleurer devant les caméras. À croire que Lavelle aura su « remplacer » l’écorché vif Gavin Clark par un autre, qui nous régale de sa sublime voix sur « Sonata », un titre allant crescendo mais jamais dans l’excès, une retenue  hypnotisante qui éclabousse un peu plus encore de sa beauté le titre « Sick Lullaby ». Une voix apaisée et apaisante contrastant avec un titre plus froid dans son ton et conférant au tout un aspect assez éthéré pour une sublime fin d’album. Cœur avec les doigts et chiale dans la voix même si on mange des piments comme des bonhommes que même pas on verse une larme quand ils tuent le chien dans un film !

Merde, ça capte plus !

Mais alors ça valait le coup d’attendre ces sept ans vous allez me dire ? Oui et non. Car si l’album a ses points forts, il a aussi quelques points faibles certains qui font que l’on reste sur sa faim. le disque souffrant, selon moi, d’un ventre mou, sur la dizaine de titres restants (15 titres moins 5 interludes), j’ai du mal à m’exciter sur « Stole Enough », pourtant tout en subtilités de Mink, mais qui ne peut supporter la comparaison d’un Henson. « Arms Length » avec Elliot Power donne dans la trip hop trop basique et à mon sens, marqué par un arrangement électro un peu daté. Un peu comme le titre « Sunrise » qui sonne plus comme un remix/face B. Un peu déconcertant en regard de l’homogénéité sonore de l’album mais surtout pénalisant car on se rend compte la plupart du temps qu’aucun titre ne se dégage vraiment du disque une fois dans cette partie de la tracklist.

En ce sens, je suis déçu, Lavelle a beau clamer avoir fait l’album qui revient aux bases du groupe, on est très loin d’un « Psyence Fiction » (tant mieux) ou encore d’un « Never Never Land » (zut). Non, cet album c’est clairement l’album solo d’un artiste qui a vieilli, mûri et réfléchi sur lui-même et sa musique. C’est d’ailleurs peut-être un reproche à faire sur ce disque qui est si introspectif qu’il en a peut-être aussi oublié l’excitation de la jeunesse, celle-là même que semblait rechercher Lavelle dans ses nouvelles collaborations tel qu’il l’avoue dans cette très bonne interview (en anglais). Oui, parfois, j’aurais aimé que les compos s’emballent plus car si Gavin Clark était capable d’amener son incroyable sensibilité sur des titres introspectifs tels que « Heaven » , il savait aussi varier son répertoire (« Blade In The Back », « Keys To The Kingdom »,…) et c’est, à mon sens, ce qui manque le plus sur ce disque, car même si j’apprécie énormément la contribution de Henson, je pense qu’il lui sera difficile d’assurer cette partie plus enlevée qu’était capable d’assurer Clark.


Désormais seul sur le chemin de la création, Lavelle livre ici un album tout en subtilités mais aussi parfois en creux qui me font penser que cette première partie est probablement une manière d’exorciser les événements qui l’auront touché ces 7 dernières années, séparations (personnelles et professionnelles), décès,… N’oublions pas non plus que l’on chronique ici un parcours musical, puisqu’envisagé comme une possible trilogie voire plus, si l’on en croit les propos de Lavelle. Restera à voir comment UNKLE évoluera désormais dégagé des frictions internes et surtout en l’absence de son chanteur de toujours Gavin Clark. En tout cas, voici un premier essai encourageant mais qui ne peut encore tout à fait rivaliser avec certains opus de la discographie du groupe.