INTERVIEW ☭ LOCAL NATIVES

Deuxième interview en trois ans avec les Local Natives avec la sortie de Violet Street, leur quatrième album sorti 6 jours plus tôt. C’est le même duo sympathique qui s’y colle avec Kelcey Ayer au chant/claviers/percussion et Nick Ewing à la basse.

On s’est déjà rencontrés pour Sunlit Youth. Je suis ravi de vous reparler et Violet Street est incroyable. Comment ça se passe pour vous juste après sa sortie ? 

Ça vient de sortir donc on est là à regarder sur les réseaux sociaux les réactions des gens, en train de nous confronter à nos egos. Difficile de ne pas être en permanence sur nos téléphones mais c’est toujours une période excitante la sortie d’un nouveau disque. Je l’adore tellement que ça ne me fait pas grand chose si on lit des retours négatifs. 

Nick et moi sommes ceux qui sont le plus présents sur les réseaux sociaux. Apparemment, nos fans l’adorent et on retrouve des remarques sur les paroles et les détails du disque donc c’est génial. 

Quel état l’état d’esprit avant de commencer le travail sur cet album ? 

On voulait vraiment être dans l’improvisation ou avoir une certaine liberté dans l’exploration des sons. De ne pas avoir d’agenda, être un groupe dans une pièce à nouveau et se concentrer sur nos forces : être un groupe de 5 musiciens prêt à jouer et on verra ce qui se passe. 

 

La dernière fois vous aviez composé la moitié du disque en Malaisie. Quel a été le process pour celui ci ? 

On s’est installés dans le centre de Los Angeles. C’est la première fois où on n’avait pas de demos donc l’idée ici, c’était d’en avoir une et de la jeter à travers la pièce afin d’avoir les retours du groupe ou de Shawn. Afin ensuite de tourner autour en changeant d’instrument ou de notes, car nous n’avions de vision claire pour la chanson comme lorsque nous avons une demo à reproduire. Ça nous a amené à des moments assez magiques, où l’un de nous joue un morceau aléatoirement sans attente particulière et on ne s’attendait pas à pouvoir produire cela. Shawn a été très talentueux dans la capacité à capter tout ça et il y a des sections de ce disque où je ne pensais pas qu’on puisse jouer cela et d’autres où je ne sais pas qui l’a joué.

Il y a des moments où on a joué toute la nuit en improvisant et le lendemain, on ne sait plus qui a joué le piano entre Kelcey et moi. (rires) 

La production est incroyablement chaleureuse et aérée à la fois, vraiment soul music dans l’esprit. Tout en étant très cohérent avec le reste de votre discographie. Comment s’est passé la collaboration avec Shawn Everett ? 

Il était là depuis le début : pendant un mois, on a enregistré des bouts de musique sur nos téléphones et il collectait tout ça. Cet album est plus expérimental et comporte des choses inattendues parce que c’est son mode de fonctionnement en tant que producteur et ingénieur. Nous avons également utilisé les cartes de Brian Eno mais aussi fonctionné encore sous forme de loops avec des samples comme on a l’habitude de faire.

Il y a une espèce de fresque sonore qui finit par se composer sur ce disque et nous n’avions jamais été à même de le faire par le passé car nous écrivions nos parties à l’avance. C’est ce qui nous a permis d’apporter du nouveau. Je suis fier des autres albums et de la manière dont on les a fait mais je pense que ce disque-là apparaît comme le plus vivant que nous avons. Nous voulions faire un album cohérent d’un bout à l’autre, quitte à se séparer de sections ou de morceaux qui nous plaisaient beaucoup. C’était important d’avoir des chansons qui soient comme frères et soeurs.

Et il n’y a quasiment pas de pause au long de la track list ?

Nous le voulions vraiment, ce disque fluide, sans coupures. C’est cool qu’on ait eu le temps de le faire comparativement aux albums précédents où c’était toujours un peu la course. Ici, la partie mix avec Shawn a pris pas mal de temps également pour être sûr que nous arrivions à un bon équilibre final.

Il y a aussi des collaborations, non ?

On a joué des festivals en Floride et à un moment, un mec voulait une musique pour accompagner une énorme séance de méditation collective. Taylor et moi (Kelcey) avons été amené à performer avec Sarah Neufeld d’Arcade Fire et d’autres musiciens. On est tellement aimés cette partie de violon qu’on lui a demandé si on pouvait l’utiliser pour notre futur disque. Et « Vogue » est entièrement basé autour de cette partie. Voilà la manière très aléatoire dont ça a pu se produire.

Ensuite il y a deux supers chanteuses, Anjolee Williams et Olivia Walker, sur « Cafe Amarillo ». Ce sont des amies de notre ingénieur sur ce disque et nous n’avions jamais eu de backing sur le disque et elles ont pu s’intégrer à la chanson très naturellement. 

Est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur « Shy« , qui arrive en plein milieu de la track list et qui semble assez différente du reste…

C’était une idée de l’un de nos managers. 😂

En fait, nous avions différentes versions de celle-ci et nous essayions de trouver une solution pour la cracker. A un moment, la version choisie était très proche de ce qu’on fait d’habitude alors nous avons intégré ce que l’on avait fait sur notre cover de « Tusk » de Fletwood Mac et on s’est inspirés des Marching Band pour avoir des percussions différentes.

Plus j’écoute votre discographie, plus j’apprécie rétrospectivement chacun de vos disques et je doute être le seul. C’est difficile d’anticiper ça mais est-ce que c’est quelque chose que vous appréciez vous même en tant qu’auditeur lorsque vous écoutez un disque ? 

On joue très souvent live donc les chansons vivent pour toujours comme si elles étaient pourvues de jambes, elles suivent leur propre chemin. Ce qui fait que la version album bouge. Pour le moment, je pense en écoutant ce disque que j’aurais peu de problème dans le futur avec le résultat final. Shawn a vraiment capturé des trucs incroyables. Avant, on faisait des démos non-stop et on se retrouvait régulièrement envieux de ce qu’on avait réussi à produire dans la démo par rapport à la version studio. Ici, on a tout fait en studio ensemble et tout n’est que synonyme de joie et découverte. Il n’y avait pas ce défi d’être meilleur que la fois précédente car la pousse prenait en studio et c’est la surprise et l’excitation qui a mené tout ça.

C’est dangereux de courir après les tendances : ce disque est un mélange de ce que l’on joue et de choses que l’on écoute. Et pas forcément des sons récents, comme « Tusk », What’s Going On de Marvin Gaye, etc… C’est aussi satisfaisant de trouver quelque chose que tu ne cherchais pas au début.

Comment vous avez rencontré Shawn Everett ?

Il a travaillé sur Sunlit Youth, on a travaillé ensemble 2 semaines. Il a été très créatif et nous a donné des idées qui ont rendu le disque meilleur. Comme on s’est vraiment bien entendu, on l’a invité dès le début de Violet Street sans vraiment savoir que c’était pour produire l’album entier. Il a donc commencé par 10 jours en novembre 2017 et au bout de 3 jours, nous voulions qu’il fasse tout : mix, production, mastering. Tous ensemble dans le studio, c’est la décision la plus rapide et facile que l’on a prise. Et il voulait vraiment tout faire de A à Z car il n’a pas confiance dans le mix d’autres personnes. (rires)

C’est une personne adorable, très créative et très égoïstement, j’ai vraiment beaucoup de plaisir sur ce disque à jouer et à faire partie de l’enregistrement. Ce n’était pas seulement l’idée de faire un bon album avec mes meilleurs potes mais aussi un excellent moment dans l’absolu.

Ce qui est frappant en vous regardant ou en vous suivant sur les réseaux sociaux (sans stalker), c’est à quel point vous êtes vraiment les meilleurs amis du monde. Vous partez en vacances ensemble, vous êtes témoins de vos mariages : comment vous voyez de l’intérieur le fait de vivre une telle aventure ensemble depuis 10 ans ? 

Nous avions tous ce rêve d’être dans un groupe, ensemble et d’en vivre. Mais pour que ça se passe bien, il faut comme condition que nous entendions toujours et que nous soyons tous ensemble. On travaille dur pour que chacun soit dans une position agréable et que ça puisse durer dans le temps. Si nous n’étions plus amis, cela ne pourrait durer et ce serait une vie de merde ! (rires) 

On passe tant de temps ensemble, cela prend beaucoup de temps comme dans toute relation. Ça nécessite un effort mais en même temps, ce n’est pas si dur pour y arriver en termes de ressenti. Je me sens très chanceux et je crois que nous le sommes. On se voit grandir, on se marie, on achète des maisons, on vieillit et on est là pour assister à tout ça. 

On s’aime vraiment beaucoup, on est juste amis. Il y a tant de groupes qui arrivent à être très connus et à en vivre qui finissent par devenir presque associés d’une boîte en étant membre. C’est leur boulot en quelque sorte. 

C’est peut-être aussi pour ça que votre groupe est aussi démocratique dans sa répartition des rôles ? 

Oui, ça doit jouer en effet. Nous n’avons aucune hiérarchie : il n’y a pas de leader, de chanteur lead, de position arrêté. Tout le monde peut participer au songwriting, on essaie de faire en sorte qu’il y ait toujours plus de gens qui connaissent le groupe tout en restant une bande unie. 

Quelle est la dernière chose qui vous ait fait marrer en tant que groupe ? 

Hier, on se marrait à Londres avec Kelcey qui chantait une chanson sur un gars isolé sur une île déserte qui se servait de son crochet de pirate comme outil pour tout faire. Il fallait être là pour se marrer. (rires) 

La dernière fois, vous me parliez de l’imitation que Kelcey faisait de votre tour manager. 

Ha oui, Vanessa. Je la tenais bien, oui. Je faisais un sale accent anglais et elle a sûrement une Google alerte Google de configuré pour traquer ce que je dis encore aujourd’hui au cas où. 

Quels sont vos derniers coups de coeurs musicaux ?

Nick : On adore tous le dernier Sharon Van Etten, il est tellement beau. 

Kelcey : J’écoute beaucoup le deuxième disque Weval, un duo d’Amsterdam qui fait de l’électro.

Dans un article que vous avez fait avec October, j’ai lu Kelcey que tu étais assez solitaire comme amateur de bières dans le groupe. T’as réussi à faire un stop dans Paris cet après-midi j’ai vu ?

Oui, je suis assez solitaire là-dessus. Et merde, j’allais dire que nous avions plein de points communs dans le groupe qui font que nous sommes toujours amis… Mais Nick m’accompagne de temps à autre pour boire des IPA et moi, je le soutiens dans sa passion du sport. Donc Brewdog a ouvert un spot ici et McKeller ouvre aussi un truc ici à Paris.

Quelle est ta bière préférée ?

Brewdog est très cool car t’as énormément de choix de bières provenant de brasseries assez différentes. Il y a quelques années, je suis allé dans une vieille brasserie à Gent où j’ai pu goûter des bières qui avaient presque 50 ans. Je me souviens avoir bu une bière super chère qui était juste… OK. (rires)

Toujours aussi gentils et amicaux, les deux lurons ont rejoint ensuite leurs troupes pour un concert rythmé par la moitié de Violet Street joué en live accompagné de quelques oldies de chacun de leur disque dont les très acclamées Sun Hands et Who Knows Who Care.