INTERVIEW ☭ SARAH NEUFELD

Aujourd’hui sur VisualMusic, on va parler violon ! Et oui, vous avez bien entendu mais pas avec n’importe quelle violoniste puisqu’il s’agit de Sarah Neufeld, membre d’Arcade Fire. De passage à Paris en mai pour promouvoir son nouvel album solo « The Ridge », nous avons eu l’occasion de parler de sa musique, de ses groupes de rock et même de yoga autour d’une coupe de champagne, so parisian

En France, les gens te connaissent surtout au travers d’Arcade Fire, pourrais-tu décrire ta musique en quelques mots ?

Sarah : J’ai pris part à différents projets comme Arcade Fire ou Bell Orchestre depuis le début de ma carrière. A titre individuel, je passe une partie de mon temps dans le rock mais j’évolue majoritairement dans un monde plus expérimental. Depuis 2003, je suis très investie dans Arcade Fire mais Bell Orchestre a certainement eu plus d’impact sur moi. J’ai réellement développé mon propre style, ma façon d’utiliser le violon comme un outil de composition à travers ce groupe. En 2012, j’ai commencé à me sentir à l’aise en tant que compositrice solo et je me suis dit qu’il était temps de me lancer par moi-même entre deux collaborations. J’ai puisé dans mes racines avec ses groupes pour me concentrer sur moi-même et sortir Hero Brother en 2013. J’ai ensuite continué de composer et on a sorti un album avec Colin Stetson qui met en commun nos 2 expressions solos. On peut presque en écouter une seule partie en oubliant l’autre. Enfin, j’ai commencé à travailler sur The ridge qui marque une nouvelle étape, plus sauvage.

Tu as dit que ton album évoque l’énergie, la tension, le relâchement, la joie et l’imprudence. Peux-tu nous expliquer cela ?

Sarah : Il est dur de définir une musique telle que celle-ci car elle existe dans un monde qui est hors définition, sans identité. Son pouvoir réside dans la liberté de ce qu’elle peut transmettre à l’auditeur. Pour moi, cette musique se situe entre la tension et le relâchement, l’imprudence, le genre d’émotions que nous ressentons lorsqu’on est adolescents. Ce sont les éléments que j’y trouve mais j’ai toujours voulu que les auditeurs aient leur propre expérience avec ma musique, il se peut qu’ils n’y trouvent aucun de ces éléments.

« The ridge marque une nouvelle étape, plus sauvage. »

Tu as sorti Hero Brother en 2013, tu es partie en tournée avec Arcade Fire en 2014, puis tu as sorti l’album avec Colin et enfin The Ridge il y a quelques semaines. Les dernières années ont été bien chargées !

Sarah : Je suis musicienne mais aussi entrepreneur, j’ai l’habitude de diviser mon cerveau sur différents sujets au même moment et j’ai toujours été dans plusieurs groupes en même temps. C’est toujours un challenge mais ces dernières années, j’ai eu tellement d’énergie et d’idées que je n’ai pas eu de problème à gérer cela. Le monde va si vite, il faut réussir à passer d’une chose à une autre parfois dans la même heure mais cela vaut le coup.

Keep calm & breath

Tu gères un studio de yoga à New York en parallèle de ta carrière. Comment arrives-tu à gérer ton temps entre le yoga, les enregistrements, les tournées, ta vie personnelle ?

Sarah : Je n’aurais pas le temps d’être la compositrice principale d’Arcade Fire ! Je travaille avec eux depuis si longtemps mais pas en continu, j’interviens souvent à la fin des enregistrements par exemple. Du coup, j’ai plus de temps pour le reste et je suis une personne hyper-active, je travaille tout le temps. Avec Colin (Stetson), mon mari, notre vie est tournée vers la créativité, on adore jouer ensemble. Je suis très chanceuse car ma vie personnelle est aussi ma vie d’artiste. Cela ne fonctionne pas toujours comme ça, d’ailleurs nous sommes ensemble depuis 10 ans mais il nous a fallu 8 ans pour commencer à réellement mener un projet ensemble.

Concernant le yoga, est-ce que cela t’inspire ou t’influence dans ta musique ? 

Sarah : Le yoga m’a appris l’importance de la présence. Ce n’est pas juste un enchaînement d’exercices pour améliorer votre corps, c’est aussi un moyen de se détacher de tout ce qui peut vous distraire en vous reconcentrant sur votre souffle. Ce process peut être utilisé à tout moment dans votre vie, beaucoup de problèmes rencontrés viennent du fait que nous ne sommes plus présents. Cela m’aide à être une meilleure compositrice, une meilleure personne aussi. J’essaye de faire du yoga tous les jours mais c’est plus dur lorsque je suis en tournée. J’essaye alors de continuer des exercices de respiration et un peu de méditation.

Tu as enregistré Hero Brother dans des lieux insolites à Berlin, qui ont donné un son particulier à l’album. As-tu choisi un enregistrement plus classique pour The Ridge ?

Sarah : Pour Hero brother, cela venait vraiment du fait de travailler avec mon producteur, Nils Frahm, je voulais m’immerger dans son monde à Berlin. On est partis dans des endroits fous, parfois effrayants et souvent illégaux. Cette fois, je n’avais pas vraiment de producteur, je savais exactement comment cela devait sonner. J’ai surtout choisi une manière de travailler qui me permettait de conserver un contrôle total, donc c’était plus classique.

sarah-neufeld

Who the fuck is Arcade Fire?

Tu as l’air de souvent travailler avec Jérémy Gara. Comment cela se passe entre vous en dehors d’Arcade Fire ?  

Sarah : On a effectivement travaillé ensemble précédemment sur des albums pour d’autres personnes. Là, c’était la première fois qu’on travaillait ensemble sur un de mes projet. On s’entend vraiment bien, on écoute souvent de la musique et on va à des concerts ensemble, on en parle et on est souvent excités par les mêmes choses. C’était la bonne personne pour apporter les éléments que je voulais dans The Ridge. Notre collaboration était parfaite, c’était à la fois très nouveau et en même temps on avait l’impression d’être en famille. On a réussi à amener les chansons dans un endroit où je ne serai pas allée avec quelqu’un d’autre.

Nous avons fait une interview avec Will Butler il y a quelques mois. Il nous disait qu’il appréciait le côté avant-gardiste mais chaleureux de ta musique. Est-ce important pour toi d’être créative mais aussi chaleureuse ?

Sarah : Je sais que je fais une musique un peu difficile, un peu « out of the box » mais pas tant que ça. C’est juste ce que je suis, une petite « weirdo« . C’est très important pour moi que la musique soit chaleureuse, si un son est trop froid, je n’arrive pas à m’y connecter. J’ai besoin que cela soit humanisé.

En parlant d’Arcade Fire, tu as joué avec eux dans endroits vraiment immenses, comme les festivals prévus en Espagne et au Portugal cet été. On t’a aussi vu dans endroits beaucoup plus intimistes comme la Maroquinerie en novembre dernier. Dans quel endroit te sens-tu plus à l’aise ?

Sarah : Je n’ai pas de préférences pour être honnête. Un show est bon lorsqu’on est connecté à sa propre expérience et en même temps au public. Si on est pleinement présent, on peut avoir cette connexion dans un mouchoir de poche ou dans un stade.

Tu es la plupart du temps dans des environnements rock assez éloignés de ton passif classique. Comment le vis-tu ?

Sarah: J’ai pris des cours de classique mais j’ai vite arrêté, on ne peut pas dire que j’ai un passif de ce côté-là. Dès le lycée, je jouais dans des groupes de rock. J’y étais plus à l’aise, c’était plus naturel mais  je ne me doutais pas que je ferai ensuite partie d’un grand groupe de rock ! 

« J’ai toujours été plus à l’aise dans le rock que dans le classique. »

Est-ce que la scène rock actuelle a une influence sur ton travail solo ?

Sarah : Je suis très influencée par la scène rock, j’écoute pas mal de vieux groupes shoegaze ou des groupes comme Cocteau twins dont je suis ultra fan. Je ne sais pas si ça s’entend sur The Ridge,  mais c’est le cas dans ma tête ! J’écoute aussi des groupes de rock indé plus récents, je n’ai pas de noms qui me viennent en tête en tant qu’influences. J’adore le groupe français Phoenix en tout cas ! 

As-tu de bonnes nouvelles concernant Bell Orchestre ?

Sarah : On travaille sur un album en ce moment mais je n’ai aucune idée du moment où cela sera écoutable ! On est tous sur plusieurs de projets en même temps mais on se réunit régulièrement depuis quelques mois pour y travailler. A suivre !

Merci pour cette interview Sarah !
Merci aussi à Sébastien pour cette rencontre, rendez-vous avec Sarah et Colin Stetson le 3 juillet à la cité de la musique, ou bien avec Arcade Fire à Bilbao le 7 juillet ou à Lisbonne le 8 juillet.