Lourd. Très lourd. C’est la première chose qui vient à l’esprit de n’importe quelle personne dotée d’un système auditif en bon état à l’écoute de ce ‘We Will Be Dead Tomorrow, premier album ravageur du jeune quintet anglais. Cet album est en quelque sorte le revival d’un style qu’on pourrait qualifier d’old school: le bon vieux heavy à la Motorhead. Mais attention, pour ceux qui se disent déjà ‘Ok, moi j’suis pas un rocker cinquantenaire tout de cuir vêtu, ça je peux laisser tomber, c’est pas pour moi.‘ (NDR: Bon en même temps, c’est pas notre coeur de cible ça…).
Il faut quand même préciser que la musique de Raging Speedhorn ressemble à ce style sur le fond uniquement, c’est-à-dire par rapport à ce qu’elle dégage, car sur la forme c’est tout autre chose. Oui, malgré l’origine anglo-saxonne de cette formation, chaque titre dégage indéniablement une ambiance de road-movie pur U.S.A. et ça sent le cuir chaud, la gomme brûlée et les grosses cylindrées. C’est peut-être un peu exagéré mais c’est un peu ça, et cette impression est confirmée ne serait-ce que par le nom du groupe mais aussi par tout l’artwork et le packaging qui affirment bien l’amour du groupe pour le belles mécaniques. Tout cela peut sembler bien péjoratif, mais au contraire car sur la forme, il s’opère un contraste surprenant et le style un peu éculé a subi un véritable lifting. Bon OK, parfois, le côté ‘vrai mec‘ fait un peu trop cliché, limite parodique (‘You and Me, Man‘ ), mais la sensibilité d’habitude trop effacée dans ce style n’est pas, ici, complètement absente. Mais tout de même la violence des titres fait plaisir à entendre, une violence qui ne vient pas ici de la vitesse mais bien de la puissance du jeu de chaque instrument. Pas besoin de lignes de basse et grosse caisse à 100 à l’heure ou d’effets vocaux pour exprimer toute la haine que projettent les voix des 2 chanteurs. Celles-ci passent des graves inaudibles à des aigus perçants (‘Iron Cobra‘). Et pas beaucoup de place pour la douceur : pas une seule note réellement chantée n’est présente sur cet album. A chaque instant on a l’impression que quelqu’un essaie désespérément de couper les cordes vocales de ces 2 pauvres gars avec un couteau très très mal aiguisé… Les refrains sont souvent gueulés en coeur (‘Chronic Youth‘) et même lorsque la musique tombe dans une vraie mélancolie dépressive style alcoolique solitaire (‘Heartbreaker‘), la voix reste enragée comme jamais. Du côté de la guitare et de la basse, on aura rarement entendu un son aussi gras et fracassant : pas de riffs révolutionnaires ni de solos, la guitare reste la plupart du temps rythmique et basique avec en quelque sorte un repompage phénoménal des plus grands titres du genre. De toute manière, dans le domaine presque tout a été déjà fait, alors à moins d’être un vrai génie, pourquoi pas en tirer le meilleur.
A l’époque où les néo-courants musicaux abondent, Raging Speedhorn nous rappelle tout simplement que quelque soit le style, il suffit de gueuler assez fort et d’avoir un minimum de personnalité et d’honnêteté pour faire passer quelque chose. On pourrait sûrement critiquer leur manque d’originalité, mais lorsque l’anti-conformisme devient un critère de sélection dans la musique, il est bon de se demander ce qui est le plus important : d’être pas pareil que les autres ou juste meilleur ? Certains titres resteront sûrement dans les mémoires de certains en tant que vraies hymnes à tendances anarchistes prônant les vertus de la colère et de la révolte (‘The Hate Song‘; ‘Ride With The Devil‘), entraînantes et surtout appréciables par leur côté second degré.