L’écoute d’un album de Glassjaw peut s’apparenter à une traversée de l’océan à bord d’un radeau sans rames (ouais je sais comme Mylène Farmer dans son clip… enfin tout autre comparaison avec la rousse libertine serait injustifiée). Dès les premières notes de ‘Trip Your Bartender‘, on comprend qu’il va falloir s’accrocher pour ne pas se laisser emporter par les riffs qui, tels des vagues de dix mètres de haut, s’écrasent de toutes leurs forces sur votre pauvre petite tête déjà abasourdie. Pas la peine d’espérer contrôler quoi que ce soit dans cette tempête sonore, c’est Glassjaw qui tient la barre et ils ont bien l’intention de vous faire comprendre que vous ne voyagez pas à bord du ‘Love Boat‘.
Il suffit de se laisser trimbaler dans tous les sens, impuissant, entre les tourbillons de disto et les accalmie dont ils ont le secret. On surfe sur le refrain de l’entêtant ‘Cosmopolitan Bloodloss‘, véritable tube underground (avec en guest-star dans son clip le non moins underground et talentueux acteur Vincent Gallo). Puis c’est ‘Ape Dos Mil‘, où Daryl Palumbo nous confirme (au cas où on avait pas encore remarqué) que sa voix aussi rythmique que mélodique est vraiment un des atouts majeurs du groupe. A peine a-t-on le temps de reprendre son souffle sur la sublime ‘Must Have Run All Day‘ que ‘Stuck Pig‘ nous prouve que chez ces cinq gars (comment on appelle les habitants du New Jersey? … bon on s’en fout !) le calme précède souvent le tsunami ! En tout cas, un chanteur comme ça, faudrait le canoniser. Des hurlements aux chuchotements en passant par le parlé rythmique de ‘Cavalcade‘ (pour ne pas dire ‘rap’), sa voix nous entraîne avec lui à travers toutes les émotions possibles et imaginables, comme c’était déjà le cas dans ‘Everything You Ever Wanted To Know About Silence‘. On tient le nouveau Chino Moreno !
‘Worship And Tribute‘ est certes plus posé que son prédécesseur, il est la parfaite démonstration qu’un groupe peut évoluer sans perdre une goutte de la fraîcheur et de la sincérité qui avait fait de lui en 2000, un espoir incontournable de la scène métal. Mais le voyage doit bien s’achever un jour, les cris de ‘Two Tabs Of Mescaline‘ nous offre un dernier sursaut et sa mélodie implacable vous entraîne vous échouer sur la terre ferme ; un dernier cri de rage et le trou noir. ‘Worship And Tribute‘ s’achève sur ‘Convectuoso‘, alors qu’étendus sur le sable, nous tentons de reprendre nos esprits, épuisés mais heureux. Heureux de ces quelques minutes d’adrénaline dans nos veines, dans nos oreilles. La musique se fait douce, la gratte sèche débarque avec vous sur l’île déserte… Seul vestige habitable de votre cerveau désormais en bouillie .
Jamais un groupe si jeune (à ma connaissance) n’était parvenu avec une telle virtuosité à mélanger riffs déstructurés et décousus et mélodies purement puissantes et belles ; comme si la pop se jouait à la double pédale et toute disto dehors… Je me demande encore quelles influences ont pu faire de ces jeunes gens les songwriters qu’ils sont devenus mais je suis prête à parier que beaucoup citeront Glassjaw comme référence dans peu de temps. Merci à Ross Robinson (poids lourd de la production métal américaine) de les avoir sortis de l’ombre pour le bien de l’humanité et pour sauver le métal d’un ‘Linkin Parkisme‘ plus qu’agaçant.