Zenzile – Pawn Shop

Zenzile, voici un nom qui réactive dans les tréfonds de ma mémoire le souvenir d’une période de vie désinvolte, hédoniste et (heureusement ?) révolue. C’est l’époque de l’émergence des Tryo et autres Sinsemilia qui, en plus de permettre aux dreadeux de supplanter des skateurs en baggy/vans dans le coeur des lycéennes, m’ont permis de découvrir le merveilleux monde des festivals d’été m’attirant à coup de reggae, de gros jokos et de biture. A coté de ces blockbusters, la scène dub française, plus orthodoxe et donc plus confidentielle, montrait le bout de son nez prometteur. Les pionniers s’appelaient High Tone, Ez3kiel ou Zenzile, et leurs concerts étaient de jouissives séances de lobotomie collective. Ça, c’était au début des années 2000.

Aujourd’hui, le monde du travail a eu raison de mon intérêt pour les excès en tout genre ainsi que pour le dub – voire pour le reggae en général. Tryo s’inspire davantage de Laurent Voulzy et Gerald de Palmas que de Peter Tosh, pendant que Sinsemilia persévère dans l’exploration des abysses musicales. Alors que j’ai oublié jusqu’à leur existence, Zenzile réapparait dans ma vie sous la forme d’un email annonçant la sortie d’un nouvel album ‘Pawn Shop‘. J’accueille cette nouvelle de façon mitigé. Zenzile a beau me rappeler de bons souvenirs de concerts, il est bien connu qu’un album de dub est toujours immensément chiant, et qu’il n’y a pas de raison que ça change.

Grossière erreur. ‘Pawn Shop‘ est un album entrainant qui s’écoute le sourire aux lèvres. Certes, ce n’est pas du dub pur et dur. Et franchement, on a envie de dire : Dieu merci. Zenzile a consciencieusement épuré les gimmicks du genre. Fini les Haïle Selassié I, les Fire inna Babylon et autres clowneries soulignées par des reverb lourdingues. La musique gagne en sobriété et l’auditeur en confort.

Autre atout, les machines sont discrètes, on distingue aisément la batterie, les basses, les synthés et autres guitares. Ainsi, la clarinette de ‘White Spirit‘, l’arpège délicat de ‘Thursday Night Rover Disco‘ et de façon générale les excellentes lignes de basse donnent un caractère organique et vivant aux différents morceaux. De même, contrairement aux standards du dub, les titres ne dépassent pas les 5 minutes. Cette concision alliée au chant badin à mille lieues des voix reggae/ragga, et à l’interprétation instrumentale permet à Zenzile d’explorer des chemins plus rock sans choquer l’auditeur.
Motorbremsen‘ mélange un rock minimaliste avec les crissements qui ont fait le succès de Daft Punk sur ‘Rollin and Scratchin‘ pour un résultant convaincant. ‘Mind over matter‘ a tout de la bluette des versaillais de Air, à savoir qu’elle nous fait aimer des choses qui nous semblaient niaiseuses 10 secondes avant le début de la chanson (© [team]theghostchild[/team]), tandis que ‘Fire Eater‘ se lance à l’assaut des dancefloors avec un groove que Beth Ditto de The Gossip n’aurait pas renié.

Sans faire beaucoup de bruit, Zenzile avance ses pions et fusionne son dub épuré avec un rock du plus bel effet. Avec ses morceaux agréables et son ambiance sereine ‘Pawn Shop‘ est la bonne surprise de cet automne.