Cults – Cults

L’histoire de Madeline Follin (aucun lien, fille unique) et Brian Oblivion (frère d’un chevelu officiant dans The Willowz) a de quoi rendre jaloux tous les tourtereaux du monde. Tous. Confortablement installés dans leur petit appart’ new-yorkais, monsieur compose tandis que mademoiselle, qui vient de finir son papeton d’aubergine, fredonne sur les chatoyantes mélodies de son cher et tendre. L’opération se répète plusieurs fois. Un beau matin de 2010, accoudé au plan de travail de la cuisine, Brian annonce solennellement à Madeline qu’il serait le plus heureux des hommes si elle acceptait de devenir la voix de son projet musical, Cults. Aussi enjoués et fébriles que lors de leur charnelle première fois, les amoureux enregistrent une démo plus ou moins lo-fi et la postent en screud sur bandcamp. Les potes du couple, trop golri, prennent connaissance du bordel et le balancent un peu partout sur le net, comme ça, pour le fun. Altruisme salvateur ! Une brouette de jours plus tard, l’éminent blog Gorilla vs Bear s’empare du son de Cults et sauve le tandem du chômage que lui promettait l’école de cinéma dans laquelle il est inscrit : les mp3 font le tour de la toile en deux temps, trois mouvements et Sony déboule avec un contrat. Imparable. Est alors enregistré le premier album de Cults, éponyme.

Estampillé « lo-fi » par les trois-quarts des blogueurs en espadrilles, ce premier disque de Cults ne l’est pas. L’enregistrement a peut-être été tendrement rudimentaire, mais l’ingénieur du son Shane Stonback (assistant et esclave sexuel durant la mise en boite du dernier Vampire Weekend) a semble-t-il pimpé les bandes du duo. Ce qui est sûr, c’est que l’attentionné Brian, fan de heavy et de stoner, a bâti un univers pop, sucré et onirique amoureusement adapté aux mélopées adolescentes de sa Madeline – le genre de mec serviable qui prend bien soin de faire jouir sa partenaire avant de balancer la soupe séminale. Les notes de synth-bell bordent l’auditeur dans un lit de grâce (Go Outside), la basse est assez granuleuse pour faire vrombir les orifices les moins farouches (Oh My God, Bumper), l’ovni désabusé se pointe à un moment inhabituel (Abducted, transcendant et étonnant titre d’ouverture) et l’influence 60s donnerait presque envie de liker Françoise Hardy sur Facebook (You Know What I Mean, Bad Things). L’ensemble de ces mignons éléments pourraient faire penser que les paroles tutoient la plume sincère de Phil Barney et pourtant, malgré une enveloppe naïve et attendrissante, les sujets abordés sont la peur de grandir (merde, où est-ce que j’ai foutu ma pilule ?), le stress que ça engendre (j’ai pris ma pilule hier au moins ?) ou encore la consommation de drogue (chéri, y’a plus de MDMA, on sniffe ma pilule ?). Loin du cliché « Bonnie & Clyde des bacs à sable » véhiculé par bon nombre de duos mixtes (Crystal Castles, Sleigh Bells, Wavves + sa poule Best Coast…), Cults propose un album fragile et affectueux blindé de mesures séduisantes comme un lap dance les pieds dans l’eau. Ceux qui s’attendaient à un LP véritablement « lo-fi », bricolé avec des logiciels libres et des synthés déglingués, n’ont qu’à écouter Tearist. Ou l’excellent Abducted, en boucle.