Will Smith – Lost and Found

Will Smith sur Visual ? C’est quoi cette histoire ? Bah oui, je sais, le Prince de Bel Air n’a jamais eu une grosse crédibilité sur la scène hip hop, et pour beaucoup, il ne doit son succès qu’à de vieux samples remis au goût du jour. Quand j’ai mis ‘Lost and Found‘ dans mon lecteur de CD, je pensais donc un peu comme vous, et je n’en attendais absolument rien (au mieux, un bon fou rire)… Et là, ce fut la surprise. Je vous explique.

Depuis son dernier album (‘Born to Reign‘, sorti en 2002), Big Willie s’est fait laminer par Eminem dans ce que l’on appelle couramment des diss songs. Marshall le prenait de haut et se moquait de son éternelle gentillesse, inadaptée au milieu du hip hop. Will l’a apparemment mal pris, et a par conséquent décidé de muscler son style pour s’acheter une nouvelle crédibilité. Oubliez donc le rap mielleux de ‘Just The Two Of Us‘, ‘Wild Wild West‘ ou ‘Men in Black‘ : notre homme en noir préféré a désormais un côté plus street, et ses textes sont bien plus acerbes, sans tomber dans les clichés bling bling du rap west coast.

Eminem en prend donc pour son grade, et pas que dans une chanson… Tout d’abord dans ‘Mr. Niceguy‘, Will Smith imite le flow infernal du blanc bec, avec une touche d’humour qui fait du bien dans ce milieu si sérieux qu’est le hip hop. Dans ‘Scary Story‘, on retrouve également le duo père/fille qui avait fait le succès d’Eminem à ses débuts… Globalement, on pourrait dire que les textes pleins d’authenticité nous rappellent le côté écorché d’Eminem à ses débuts, la vulgarité en moins.

Plus étonnant, dans ‘Lost and Found‘, c’est un Will Smith détaché qui critique ouvertement le milieu du rap, complètement sclérosé par ses batailles internes et ses clichés. Le clou de l’album reste cependant ‘Mr. Holy Roller‘ : dans ce titre assez épuré, Big Willie dénonce les lobbies religieux qui imposent leur vision du monde un peu partout aux USA (‘If I don’t believe what you believe, I’m going to Hell‘). Autant dire qu’il fallait en avoir une sacrée paire pour oser aborder ce sujet dans un pays si croyant…

Le flow de Will Smith est assez impressionnant : rapide et plein d’humour, il possède un côté old school qui n’est pas pour me déplaire. Will a gagné en maturité, sans toutefois trop se prendre au sérieux : là encore, ça nous change de tous ces nouveaux venus qui se la jouent dès qu’ils ont eu un succès (The Game, 50 Cent, Ja Rule…). En ce qui concerne les invités, Will n’a pas fait les choses à moitié : Mary J. Blige, Snoop Dogg et Robin Thicke apportent tous leur style à ce disque décidément très varié. Si Mary J. nous envoûte avec sa puissante voix R’N’B, la palme revient à Robin Thicke qui excelle dans une imitation de Justin Timberlake et Mickael Jackson.

Vous l’aurez compris, textuellement parlant, ce disque est une réussite. Musicalement, le niveau ne faiblit pas, loin de là : les instrumentaux de DJ Jazzy Jeff et Kwame sont en effet d’excellente qualité. Si certains portent la touche d’Eminem période ‘The Slim Shady LP‘ (‘Scary Story‘, ‘Tell Me Why‘, ‘Loretta‘), les autres se démarquent du lot par leur originalité. ‘Party Starter‘ nous rappelle par exemple la bande originale de l’armée des 12 singes, alors que ‘Pump Your Brakes‘, ‘I Wish I Made That‘, ‘If You Can’t Dance‘ et ‘Switch‘ sont clairement destinés à faire bouger le dancefloor. Ce CD possède une véritable identité, et ses beats sont assurément les meilleurs que j’ai entendus depuis un paquet d’années.

Lost and Found‘ constitue donc une ENORME surprise pour les amateurs de hip hop. Sans crier gare, l’acteur aux 20 millions de dollars par film propose d’un des meilleurs disques de rap depuis le dernier Beastie Boys, et il surpasse par la même occasion les dernières productions d’Eminem, de 50 Cent et de The Game. Will Smith est parvenu à se déringardiser, et à une époque où le gangsta rap frise le ridicule, le Prince de Bel Air s’impose comme l’une des nouvelles références de la scène US. Ne vous fiez donc pas à l’image que vous pouviez avoir de cet artiste, et courez acheter ce CD rafraîchissant (quoi de plus normal pour le Fresh Prince après tout…).