Eths – Tératologie

Ce n’était pas gagné. Après deux EPs remarqués et un premier album synonyme d’explosion sur la scène metal française, l’avenir d’Eths s’annonçait peu radieux après l’éviction de la section rythmique du groupe, Roswell (bassiste, qui a intégré depuis Babylon Pression et Sikh) et Guillaume (nouveau batteur de Lunatic Age, entre autre). S’en est suivi une entrée en studio avec un groupe réduit à trois, Candice (chant), Greg et Staif (guitares) préférant faire appel à des amis du collectif marseillais Coriace pour enregistrer les parties basse (Daniel de Tripod et Donat de Fis(ch)er) ainsi qu’à Pierre Belleville (Lofofora) pour les parties batterie. Mais avec un tel climat, on est en droit de se demander si ce ‘Tératologie‘ est un album de transition ou une véritable suite de ‘Sôma‘.

Premier constat, ce nouvel effort est le fruit d’un gros travail de production. Le son est puissant, les ambiances sont (extrêmement) travaillées, et, plus étonnant, les compositions sont variées. Eths n’était pas un groupe dont on retenait son ouverture musicale… Mais ici, le metal avec vocifération féminine partage son temps avec, dans le désordre, des nappes de piano et d’orgue, des accords de guitare acoustique, de l’oud (instrument de musique à cordes pincées très répandu principalement dans les pays arabes), des cordes (la fin de ‘Anima Exhalare‘), des samples et carrément des séquences electro / drum’n’bass (comme l’interlude ‘Rythmique de la bête‘, très dark), sans oublier les progrès de Candice lorsqu’il s’agit du chant clair. Les multitudes d’éléments musicaux accouplés à un metal sans concession rendent les premières écoutes déroutantes. Les nombreux cris déchirants et autres bruits de vomissement rendent le contenu encore plus pesant. Seulement voilà, les cris gutturaux et les rythmiques métalliques sont encore dominants et parfois indigestes. Comme indiqué précédemment, les hurlements de désespoir féminin, les vomissements, gargouillements et autres paroles choquantes peuvent rendre l’auditeur mal à l’aise. Mais c’est sûrement l’effet voulu… Pour ma part, je n’adhère pas à ses derniers éléments qui sont, mine de rien, assez dérangeants.

Heureusement pour l’auditeur (et peut-être malheureusement pour les plus furieux d’entre nous), les interventions chantées de Candice sont plus nombreuses, et plus judicieuses par rapport à ‘Sôma‘, avec pour apogée le pont de ‘NaOCl‘ (le titre phare de la galette), où les voix superposées de la demoiselle sont tout simplement divines, ou encore planantes dans ‘Holocauste en trois temps‘. Le moment fort de cet album est sans doute l’enchaînement des quatre premiers titres, où tous les nouveaux points forts de la bête marseillaise sont présents : ambiances musicales sombres, alternance de chant clair, chuchoté et hurlé, riffs massifs, passages orientaux, apparition d’éléments electro, le tout maîtrisé avec maestria. Outre ces morceaux, l’excitation n’est pas forcément de mise, mais l’efficacité, oui. Et ce malgré les bruitages parfois repoussants…

Tératologie‘ est sombre, pesant et glauque. Eths livre ici un album musicalement riche ; on ne les attendait pas vraiment dans ce registre quasi-expérimental, et même s’il souffre parfois de quelques longueurs, et qu’on ne retrouve pas de hit tel que ‘Samantha‘, ‘Tératologie‘ est un bon album, intéressant et solide. On regrettera cependant les quelques éléments douteux qui, après tout, peuvent plaire à certaines personnes… Enfin, ce n’est pas ce qu’on retiendra de ce nouvel effort composé par les trois membres restants… Qui ont désormais retrouvé leur bonheur avec Shob à la basse (ex-Keishah) et Matt à la batterie (My Ruin). Maintenant, l’avenir d’Eths semble se profiler de la meilleure des manières.