Couvrefeu ✖︎ Chapiteaux Latcho Drom ✖︎ Corsept

Les festivals d’été, c’est n’importe quoi. Les meilleurs concerts ne se déroulent non plus à Paris mais en province. Oui, vous avez bien lu, en province. On croit rêver. Du coup, à VisualMusic, nous avons essayé de comprendre cet étrange phénomène, en nous rendant dans un de ces festivals, en l’occurrence le Couvrefeu, en Loire Atlantique. Derrière les grosses écuries comme les Francofolies, les Eurockéennes ou les Vieilles Charrues, le festival Couvrefeu tire son épingle du jeu grâce à sa taille humaine, son excellente ambiance, ses deux scènes sous chapiteau permettant d’assister à tous les concerts de chaque soirée, ses tarifs modérés, sa vocation écolo et sa programmation éclectique et alléchante. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que nous n’avons pas été déçu.

Pourtant, ça démarre de façon plus anecdotique avec Titi Robin, pour un concert world à tendance tsigane. On s’ennuie ferme, mais ça aura au moins le mérite de découvrir le Bar de façon plus rapide et plus assidue que prévue. Heureusement, Mell réchauffe l’ambiance avec une prestation sympathique, haranguant le public, et transmettant sa bonne humeur à un public rapidement conquis. A mi-chemin entre Têtes Raides et Mademoiselle K (si, si), la jeune chanteuse aura marqué l’esprit des premiers festivaliers présent sur le site.
La soirée a vraiment commencé avec l’arrivée des alcooliques notoires des Svinkels. Nouvelle formation pour les parisiens: exit Dj Pone, place à un orchestre guitare basse batterie, accompagné par un clavier où l’on retrouve Ton’s, transfuge des mythiques (et défunts) Freedom for King Kong. Résultat, les morceaux reboostés à grands coups de guitares électriques, dont une énorme version de « Santiag« , un Dirty Centre finalement très métallique, et évidemment un « Réveille le punk » absolument incendiaire qui aura fait des dégâts dans la fosse. Si le concert fut principalement axé sur le dernier album en date (« Dirty Centre« ), les Svinkels n’ont pas oublié leurs classiques avec « C-Real Killer » ou « Le Svink, c’est chic » où le public brandit fièrement son gobelet en plastique moult fois rempli au bar. Les parisiens ont même interprété des chansons moins connues comme « Vite fait, mal fait » et « C’est comme ça« . Excellent concert donc, si on omet le rappel où le groupe s’est contenté de jouer l’exécrable et dispensable « Tout nu yo« .
Après que nous avons cuvé tout l’alcool ingurgité pendant le concert des Svinkels en allongeant dans l’herbe (loupant ainsi le concert des Rageous Gratoons), Asian Dub Fundation débarque sur la grande scène. Les Londoniens, très attendu, balancent commencent par un tonitruant « Rise to the Challenge » entraînant le public dans une fièvre électro rock. Les passages dub succèdent aux pulsions jungle, la fosse danse en suivant les 2 chanteurs, très remuant ce soir. Le gang pakistanais quitte le chapiteau avec un « Fortress Europe » qui aura laissé le public sur les rotules. Il est 1h du matin, Kiemsa rentre en scène pour le dernier concert du jour. Du ska rock à la Ruda Salska du premier album, il ne reste plus grand chose, tout au plus une section cuivre. Les nantais ont poussé les potards à fond pour un son punk-hardcore dévastateur. L’utilisation des samples électro lourds et l’énergie communicative du chanteur et du guitariste à la coiffure extravagante rappellent les brûlants concerts de Mass Hysteria. Un bon final électrisé pour une très bonne journée ponctuée de concerts plutôt physique.

Première nuit au camping, premiers affres de l’alcool. Réveil difficile, nous partons pourtant faire quelques réserves d’alco…de boiss… quelques réserves pour la soirée. Tant pis pour le Petit Dernier, il n’avait qu’a tenir son rang. Nous revenons juste à temps pour assister à notre premier concert de la soirée : les sympathiques et nombreux berlinois de 17 hippies. Les 13 ( !) teutons et leurs 26 tétons (sauf erreur de notre part…) distillent une setlist « Guronsan », qui réveille l’assistance. On chante, on danse, on lance sa bière… Les mines se dérident définitivement lorsque le groupe entonne « Marlène« , son (unique) succès un tant soit peu connu du public. Tant mieux pour la suite. Les consanguins Moriarty prennent le relais, devant un parterre déjà tout acquis à leur cause. Il faut dire que les francos-américain sortent d’une année pleine, qui a vu leur côte de popularité grimper aux rideaux de la Fnac. Entre « Jimmy« , « Lily« , et autres succès, une ferveur « country » (si, si.) semble s’emparer du site … avant que la nuit tombe sur Corsept.
Moment attendu par les plus alcooliques, redouté par les plus junkys, l’arrivée des très moustachus keupons de Gogol Bordello se fait sous les vivas de la foule, prête à en découdre. Brad Pitt n’a qu’a bien se tenir, le pogo est digne des meilleures scènes de Snatch. Une setlist bien rodée, performance scénique très convaincante, preuve en est faite : on peut avoir du charisme sans n’avoir aucune classe.
La classe, il faudra aller la chercher du coté des américains de Jaya the Cat, qui sont les seuls à avoir un roadie dont la seule fonction est de s’assurer que chacun des musiciens soit régulièrement alimentés en bière. Sérieux, même le Svink n’avait pas ça. Le groupe, récemment émigré en Europe à Amsterdam, balance une punky reggae réjouissant dans la veine de Sublime ou Burning Heads (sur Opposite 1 et 2), le public répond présent, chaloupant et skankant sur le dirty reggae enjoué des dreadeux. Les compos respirent la fraîcheur (et les plantes aromatiques), et ce concert nous met le sourire, se révélant être le meilleur moment de la soirée.
Dernier moment fort de la soirée, avec les hipopeux du Peuple de l’Herbe. Moment « fort », car de leur set ne persiste dans ma mémoire que de vagues « poum poum tchak » … Maudit alcool. Allons vite reboire. Oh, il y avait bien Voodow Glow Skulls aussi, mais la perspective de pogoter avec ces légendes du ska-punk s’est rapidement transformée en déception devant la prestation brouillonne et sans éclat des californiens. Hop, direction camping.

Le dimanche matin ne s’annonce guère mieux que le samedi. Il faut dire que « dimanche matin » correspond avec l’heure de coucher … nous nous levons donc juste à temps pour causer un petit peu avec les gars de la Chanson du Dimanche, avant de foncer au concert de Pigalle. Le mythique groupe, récemment reformé autour du génial Francois Hadji Laza(g)ro, ne déçoit pas. Entre émotion et intensité, l’esprit originel du groupe semble n’avoir jamais disparu. « La Boule », fidèle à sa réputation de touche-à-tout, assure le show, tandis que ces alcoolytes (la plupart issus des Garçons Bouchers) le soutiennent à la perfection. Mention spéciale à « La Patate« , improbable chanson de lendemain de cuite…
PKRK enchaîne sur la petite scène. Les metzains jouent un punk rock old school stéréotypé qui ne passionne pas le public. Public qui s’enfuit littéralement vers la grande scène alors qu’approche l’heure du concert des stars de la soirée, Groundation. Ce groupe de reggae est très apprécié des fans du genre, proposant un rocksteady de grande qualité et d’une classe rare. Je restais sur une prestation bluffante des californiens au festival de Marne il y a 2 ans. Malheureusement, le concert de ce soir est très plat, et Groundation tombe dans les travers du genre: monotonie, chansons interminables, messages de paix psalmodiés. Dommage. Place aux revenants de Skindred. Honnêtement, on n’attendait pas grand chose des anglais, tant ils semblaient enfoncés dans leur hibernation durant ces 6 dernières années. Et là, surprise: Le concert est très bon! Skindred envoie son ragga-métal tel un missile sur le festival, ravi d’avoir un groupe répondant à la hauteur de leur motivation. Mené par un Benji Webbe des grands jours, le groupe se révèle d’une efficacité étonnante, et nous avons rapidement retrouvé notre gestuelle et notre fougue de l’époque où nous étions capables de casser notre tirelire pour aller voir Korn à Bercy (Pfiou, ça nous rajeunit pas…)
Arrive l’heure du dernier concert. Là, une bonne et une mauvaise nouvelle attendent les derniers survivants : Ez3kiel, groupe électro dub un peu chiant, est finalement remplacé par Ez3-« une grosse baffe sonore dans ta gueule »-kiel, cher à l’ami Marku. Et bah putain ! Ca valait le coup, cette annulation. Rythmiques endiablées proches de la virtuosité, vidéos enivrantes, improvisation électriques, mise à contribution du public, gros ballon rose ( !), le set des tourangeaux frôle la perfection. Avec, en guise de rappel, une version survitaminée de Versus, et un clavieriste fou furieux (Essayez donc de jouer du synthé en sautant dessus avec vos pieds, pour voir …)

Voilà, le festival s’achève. L’asso Rutabaga-Couvrefeu fête dignement ses 10 ans, et même régale avec le superbe spectacle offert en clotûre grâce à Ez3kiel. 3 jours de fête et de musique qui nous auront permis de gouter à la formidable ambiance qui règne au Couvrefeu. Faut croire que, finalement, les festivals d’été, ça a du bon.

Merci à mon compère Eric qui a coécrit ce live report, à Anne-Cécile d’Ephelide, et à l’organisation du festival.