Interview ☭ Millencolin

C’est dans les locaux qu’on s’en va rencontrer Millencolin étonnament sans stress. Et pour cause, Julian, l’ultimate fan du groupe nous a fait réviser juste avant de partir et au cas où, a noté quelques questions de secours dans nos mains. Résultat : une tonne de questions que se sont farcies le batteur Fredrik Larzon et le guitariste Mathias Färm. Le pire, c’est qu’ils n’avaient même pas l’air fatigués.

Alors, votre nouvel album sera dispo dès le mois de mars en France, intitulé « Kingwood ». Pourquoi avoir choisi ce nom ?
Mathias : C’est une assez longue histoire. Nikola (ndr: le chanteur de Millencolin) avait acheté une stéréo Kenwood. Mais à la place, il l’a surnommée « Kingwood ». T’as vu la pochette ? Il a des cornes d’élan, et il est le roi de la forêt (ndr:Kingwood en anglais). C’est devenu une sorte de jeu de mots.
Fredrik : Il y a aussi cette chanson appelée « Mooseman’s Jukebox » et dans le refrain, le titre de l’album revient encore une fois. Et justement, cette chanson est en une sorte de clin do’eil à toutes ces chansons écrites par ces groupes qui ont influencé Millencolin. Alors « Kingwood » y serait une forêt d’influences musicales.

C’est Nikola qui a donc choisi le titre de l’album ?
Mathias : Oui, c’est toujours dur pour nous de trouver un titre ensemble. Je suppose qu’on a justement pensé à « Kingwood » pendant un long moment, ça sonnait plutôt pas mal. Et hop, on s’est juste dit « Allez, on va l’appeler comme ça ». Mais c’est Nikola qui l’a définitivement trouvé, il en a parlé pendant dix ans ! (rires).

J’ai lu que l’album serait moins rock n’ roll et plus rapide.
Mathias : Oui, c’est un peu l’ancien son de Millencolin mélangé au nouveau. Mais on a avant tout écrit les chansons comme ça, sans trop y penser. Ce n’est pas aussi rock n’ roll que « Home From Home ».
Fredrik : Là, il y a une ou deux pistes rock, peut-être trois même. Et les autres sont plus pop, tout est mélangé, le vieux comme le neuf.

C’est un moyen détourné pour vous de retourner aux sources ?

Fredrik : Un petit peu oui. C’est sonne un peu comme avant mais ce n’est pas du réchauffé pour autant. On n’a jamais fait de chansons rapides comme on le fait maintenant, c’est… différent.

Pour vos trois premiers albums, vous avez fait appel à un producteur suédois, puis vous avez fait appel à Brett Gurewitz (guitariste de Bad Religion et commandant chef d’Epitaph) pour « Pennybridge Pioneers » et à Lou Giordano pour « Home From Home ». Et là, pour votre nouvel album, vous avez décidé de reprendre un producteur suédois. Une raison particulière ?
Mathias : En fait, non. Il fait juste pas mal de rock n’ roll comme The Hellacopters. Il produit pas mal de groupes suédois et on l’a pris sans aucune réelle raison. Il est juste un bon producteur.
Fredrik : La seule raison qui pourrait expliquer qu’on ait choisi un producteur suédois, c’est qu’il est plus facile de communiquer, plus simple pour faire comprendre quel type de son on veut. Et puis il vit en Suède, alors autant pour lui que pour nous c’est pratique : on rentre directement à la maison après avoir travaillé. En fin de compte, c’était vraiment relaxant et il y avait une très bonne atmosphère.

A propos de l’enregistrement, aucun détail croustillant ?
Fredrik : On a juste enregistré la guitare, puis la basse, puis la batterie et le chant… C’était comme ça avait l’habitude d’être (rires). Peu de choses sont arrivées pendant les sessions d’enregistrement parce que nous étions vraiment focalisé (NDR : en russe, se dit  » Tchaburtabitou) sur ce que nous faisions. Et ensuite, on a eu environ deux semaines entre deux festivals pour nous reposer. Pendant ce temps, Nikola a commencé à travailler sur son album solo. Du coup, nous on n’avait pas grand chose à faire… On traînait… (rires).
Mathias : On… supervisait le mix !
Fredrik : Ouais, voilà ! (rires).
Mathias : Mais il y a eu pas mal de stress vers la fin parce que nous n’avions plus beaucoup de temps et énormement de choses à finir. Parce que Nikola enregistrait le chant jusqu’à deux heures voire quatre heures du matin… Ensuite, à partir de huit ou dix heures le lendemain, on commençait le mix.
Fredrik : En fait, la plupart du temps, on traînait au pub du coin ce qui était cool (rires).

Qu’est ce qu’on peut attendre de l’album au niveau des paroles ?

Mathias : Tu ne l’as pas entendu ?

Non, il ne nous l’ont pas encore envoyé.
Mathias : Au niveau des paroles, je ne peux pas vraiment le dire parce que c’est Nikola qui a tout écrit. Peut-être que cette fois, c’est un point de vue différent. Il a écrit différemment et a pris de nouvelles perspectives. Ce n’est plus juste à propos de lui, ce n’est plus une affaire personelle. Il a écrit à propos des gens, autour de lui, et d’autres trucs comme ça. Sûrement qu’après son album solo il a pu en dire beaucoup sur ses pensées personelles.

Tu penses justement qu’il a fait cet album solo juste pour s’exprimer par lui-même ? Comme s’il n’aurait jamais pu le faire avec le groupe ?
Mathias : Oui, il avait des tonnes de mélodies en tête mais c’était trop mélodique pour nous. Et il fallait que ça sorte, alors il a sorti son cd. C’était sûrement la meilleurs des choses à faire pour lui.

Tu penses que tu ferais la même chose un jour ?
Mathias : Peut-être qu’un jour… Mais ce ne serait sûrement pas ce type de musique, pas aussi mélodique. Un truc plus punk sûrement même. En fait, j’aime beaucoup trop jouer avec mes potes de Millencolin. Il y a vraiment une bonne ambiance entre nous.

Erik s’est occupé de tout l’artwork de « Kingwood ». Je trouve que ça ressemble pas mal à la pochette de « Home From Home ». Encore un moyen de justifier le fait qu’il y ait des similitudes au niveau du son ?
Mathias : Oh… (déconcerté). En fait, je ne pense pas… Comme je l’ai dit avant, l’album sonne comme étant un mix des différentes étapes de Millencolin. En fait, je ne sais pas si il a pensé à ça en travaillant sur la pochette. Il devait juste se demander si ça rendait bien ou pas… D’ailleurs, ça l’est non ?
Oui, absolument !
Fredrik : Il a aussi fait toutes les pochettes d’albums du groupe, le site internet. Il veut vraiment le faire ! (rires). Et c’est aussi important pour nous car si on écrit nos compos, tant qu’à faire, autant appliquer le même concept à l’ensemble de l’album.

On trouve un oiseau sur chacune de vos pochettes… Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
Fredrik : Sur notre première demotape, c’est juste un oiseau qu’Erik a dessiné.
Mathias : On a continué de le mettre et spécialement sur « Home From Home » mais il est très dur à trouver (NDR: il indique avec ses doigts la taille de l’oiseau : effectivement, il est petit.).
Fredrik : En fait, il n’y a aucun symbole derrière tout ça, c’est juste l’oiseau de Millencolin.

… et c’est devenu un petit jeu avec les fans.
Fredrik : Oui, exactement !

Sur le prochain CD, on va pouvoir retrouver une vidéo bonus de 80 minutes mais est-ce qu’un nouveau volume de « Millencolin & The Hi-8 Adventures » est prévu (NDR: Documentaire du groupe avec séances lives et tout le toutim récemment ressorti en DVD) ?
Mathias : Oui, mais dans un petit moment… Le problème est qu’on a tellement de vidéos, tellement de sources qui viennent d’enregistrements de CDs, de tournées, de partout… Ca va prendre de temps de tout réunir. Peut-être que dans deux ans… En fait, je ne peux pas te dire exactement quand on sortira ça sinon que ça va vraiment prendre du temps (rires). Mais va falloir qu’on s’y mette très bientôt, sinon, on n’en verra plus la fin.

A propos de la vidéo mise sur le CD, c’est vraiment cool d’avoir fait mis un documentaire aussi long mais les groupes auraient pu faire ça plus tôt non ? C’est un moyen de stopper les gens de télécharger la musique sur le net ?
Mathias : C’est juste pour rendre plus intéressant l’achat du CD. Depuis internet, tu ne peux pas avoir l’objet complet. On essaie de rendre l’album plus intéressant, on veut que les gens achètent nos musiques parce qu’on ne peut pas survivre en tant que groupe si il n’y a personne pour acheter nos disques.

Et quel est votre point de vue sur le téléchargement ?
Mathias : Je ne pense vraiment pas que ce soit bien en fait dans le sens où tu achètes une peinture, tu ne la télécharge pas. Et en plus, faire de la musique, ça coûte de l’argent et si tout le monde continue de télécharger, il n’y aura plus personne pour faire de la musique dans deux ans. Et quand on y pense, tel que je le vois, ce n’est pas aussi cher d’acheter ses CDs. Bien sûr, va falloir payer au final, mais tu gardes le disque toute ta vie ! Ce n’est pas comme les films parce qu’une fois que tu les as regardé cinq fois, il n’y a plus grand intérêt à le regarder à nouveau. Pour un disque, c’est différent, tu peux l’écouter encore et toujours. Personellement, je ne télécharge pas de musique, je l’achète.
Fredrik : Je pense que c’est bien si on t’offre la possibilité de télécharge un ou deux titres d’un album. Et ce, spécialement si tu viens de former ton groupe. C’est un excellent moyen de se faire connaître.
Mathias : Il y a eu ce gros « débat » entre Fred Durst de Limp Bizkit et Metallica (NDR: En 2000, Fred Durst avait annoncé qu’il était pour le téléchargement et avait organisé une tournée gratuite financée par Napster… tandis que Metallica s’était fermement engagé contre le téléchargement illicite). Et je suis certain que Fred aime l’argent. Il aime se faire de l’argent. Je pense qu’il a juste dit « Allez y, téléchagrez mes morceaux » juste pour que les kids pensent qu’il est cool. Et ainsi, forcémment, ils achèteraient ses disques.

Vous écoutez quoi en ce moment en tournée ?
Mathias : Hmm… Enormement de groupes, dont le nouvel album de Green Day.

Ouais, il est excellent, je les ai vu il y a deux semaines.
Ouais, il est excellent, je les ai vu il y a deux semaines.
Mathias : C’était comment ?

Excellent ! Enfin, c’était la première fois que je voyais un show à l’américaine comme ça avec tout plein d’artifices partout.
Mathias : Génial, je les aime vraiment beaucoup. Et toi Fredrik, tu écoutes quoi en tournée Fredrik ? (sur un ton de psychopathe)
Fredrik : Il y a pas mal de musique que j’écoute en ce moment, des tonnes de trucs en tournée et variés dont Cult Of Luna (!).
Mathias : Et on s’écoute aussi le dernier Foo Fighters. Je crois d’ailleurs qu’il va y avoir une nouvelle sortie bientôt…

Ouais, en juin c’est un double album dont une moitié en session acoustique.
Mathias : Ah, vraiment ? Je suis un grand fan des Foo Fighters, je pense que Dave Grohl est un gars bourré de talent. Sur « The Colour And The Shape », c’est lui qui a joué de tous les instruments sauf de la basse pour tout mixer au final, il sait tout faire ce mec !

La communauté punk rock en Suède est-elle importante ?
Mathias : Peut-être, enfin il n’y a pas vraiment beaucoup de groupes de punk, il y a une plus grosse majorité de rock.
Fredrik : A l’époque, il y avait effectivement beaucoup de groupes de punk / skate. Tout ça, c’est devenu plus rock et hardcore. D’ailleurs, le mouvement hardcore grossit de jour en jours en Suède.
Mathias : De nos jours, les gens jouent plus de ce style… l’emo. En fait, en Suède c’est beaucoup plus mainstream car les radios ont l’habitudent de passer n’importe quel genre de musique, les radios non-commerciales en tout cas. Et ça peut aller de The (International) Noise Conspiracy à The Cardigans: c’est un grand mélange, c’est vraiment bien. Tous les genres de musique bénéficient de l’attention des radios.
Fredrik : Ce n’est pas divisé en plusieurs scènes différentes.

… contrairement à la majorité des pays où il y a des petites communautés, emo, hardcore, pop, metal, etc…
Mathias : Oui, c’est justement différent là-bas mais c’est bien : nous sommes plutôt ouverts.

Est-ce que t’es d’accord avec la légende qui dit qu’en Suède, tout le monde joue de la musique ou fait du sport parce qu’il fait trop froid ?
Mathias : (rires) Peut-être dans le nord, il neige pas mal là-bas. Plus sérieusement, je pense qu’on reçoit tellement de médias depuis le Royaume-Uni et de la télé Américaine, de films et de musique qu’on est influencé par leurs cultures. Résultat, tout le monde en Suède comprend couramment l’anglais…

… parce qu’à chaque fois que je lis une interview, je lis « qu’il fait si froid qu’ils n’ont rien d’autre à faire que de retourner dans un garage et jouer de la musique »…
Mathias : (rires) Ce n’est pas totalement faux ! Mais si tu veux lancer un groupe, les villes ont pas mal d’endroits où tu peux louer des locaux, emprunter des instruments ce qui revient à vraiment pas cher. C’est comme ça qu’on a débuté. Ca rend la vie plus facile pour les gens qui veulent se mettre à la musique.

Est-ce que The (International) Noise Conspiracy est un grand groupe chez vous ?
Mathias : Ils ne sont pas un gros groupe. Enfin je veux dire…

… Je demande parce que j’ai vu que Dennis Lyxzén de The (International) Noise Conspiracy avait été quand même élu comme étant l’homme le plus sexy de l’année…
(rires)
Mathias : Le truc marrant, c’est qu’il est du genre revolté le mec, je suis vraiment très surpris qu’il ait accepté de faire les sessions photo pour le magazine qui l’a élu (NDR : voir ici)! C’est plutôt marrant. Comme quoi, les gens font ce qu’ils veulent faire !

Tu parlais de Green Day tout à l’heure. Vous pensez que vous feriez un concept album comme ça, du genre punk opéra rock ?
Mathias : Je dois avouer que je n’y ai jamais pensé et que les deux seules chansons que je n’écoute jamais dans « American Idiot » sont justement les deux titres opéra-rocks. Ils sont vraiment bon mais beaucoup trop long pour moi. Mais j’aime l’idée.
Fredrik : C’est dingue quand même parce que Green Day a sorti « Dookie » en 95 et c’est la grosse explosion. Après, il y a eu un silence radio et soudainement, ils écrivent leur meilleur album et ils deviennent à nouveau énorme !
Mathias : Ouais, et ça a aussi été la même chose pour Offspring. En 94 ils ont sortie « Smash » puis plus rien. Et là il y a quelques années, ils sont resorti de nulle part. Et faut noter que Green Day a retravaillé avec le même producteur qu’à l’époque de « Dookie »… « Warning » était vraiment bon, mais les médias n’ont pas eu la même attention ce qui est dommage.

Vous êtes sur le point de partir en tournée avec Good Charlotte en Angleterre… Vous devez vous sentir tout drôle non ? Parce que vous êtes un peu les vétérans et eux, les petits boy scouts de service…
Mathias : J’ai aucun problème avec ça. En fait, ils sont pratiquement aussi vieux que nous en tant que groupe, ils ont sorti des CDs avant qu’ils ne deviennent énorme.

… un seul en fait.
Mathias : Oui, mais il doit dater de 1999. Mais peu importe, c’est toujours bien pour nous de jouer en première partie de Good Charlotte, ça nous permet de jouer face à des gens qui n’ont jamais pu entendre parler de nous, ce qui est vraiment bien.

J’ai aussi vu une photo de Nikola jouer avec Blink-192 pendant le Warped Tour. Quelles sont vos relations avec eux ?
Mathias : Ouais, c’était en 1997. En fait, on ne se connaissait pas vraiment, ils n’étaient pas encore très connu mais on est devenus potes. On n’a pas vraiment de relation amicale mais on se salue quand on se croise et c’est tout.

Vous comptez venir quand en France ?
Fredrik : Nous serons de passage au Printemps de Bourges courant avril, je ne me souviens plus de la date exacte.

Et vous n’avez pas l’intention d’avoir votre propre concert ?
Mathias : Si, probablement que nous serons de retour après l’été histoire de faire un ou deux concerts en France.

Comment vous sentez-vous maintenant, là, aujourd’hui ?
(soupir de soulagement du groupe).
Fredrik : Là, maintenant ? On se sent mieux que jamais ! On vient de faire le meilleur album qu’on n’ait jamais fait. On a passé pas mal de moments durs avec le groupe mais là, on se sent vraiment… bien. Y a une atmosphère très relaxée au sein du groupe, on contrôle tout : les tournées, les journées comme aujourd’hui avec les médias comme vous. On essaie de rendre le tout plus amusant histoire de ne pas retomber comme avant dans l’ambiance de travail chiante… Surtout que je ne pense pas que personne n’ait envie de voir un groupe qui s’ennuie jouer… (rires).
Mathias : Et en particulier pour cet album, tout s’est bien passé selon les plans qu’on avait prévu. Tout fonctionne nickel, on espère que ça va continuer !

Voilà, et pour la dernière, vous avez une question stupide que j’aurais pu vous poser ?
Mathias : (spontanémment) « D’où vient le nom de Millencolin ? »

Voilà, l’interview est finie, les deux suédois juste de passage en France pour un mix à Paris la veille et cette jorunée promo retournent donner quelques concerts, par-ci par-là. Mais heureusement, comme dit plus tôt, Millencolin jouera au Printemps de Bourges le 23 avril. Mais plus tôt, ce sera « Kingwood » qu’on accueillera, le 14 mars prochain.

Un grand merci à Aurélie de Pias, à Fredrik et Mathias !