Interview ☭ The Electric Soft Parade

Voir un groupe en concert, c’est bien. Passer une journée entière avec eux lorsqu’ils font deux concerts dans la soirée, c’est mieux. Visual a profité de sa journée avec The Electric Soft Parade pour poser quelques questions à Tom White. Interview chaotique car elle a débuté dans les loges du Bataclan avec un Tom pétrifié à l’idée de faire un concert en trio (voir ici) et s’est achevé dans une sorte d’euphorie générale dans les loges du Showcase.
D’où un ton plus relax sur la fin…

Visual : Un an maintenant après la sortie de No Need To Be Downhearted es-tu toujours satisfait du disque ?
Tom : Oui, oui bien sûr, je pense que c’est notre meilleur disque. C’est important que ton nouveau disque soit le meilleur. En plus une bonne moitié des chansons étaient prêtes depuis un moment, deux ou trois ans… « Misunderstanding » est prête depuis presque quatre ans, bon pas exactement telle qu’on la connaît maintenant, mais l’idée de base, les couplets refrains et tout ça… Enfin bon, ce soir on joue à trois…

Visual : Quel genre de compositeur es-tu ? Tu écris tout le temps ou c’est par période ?
Tom : Je n’écris pas en tournée en tout cas, tu vois les hôtels, le bus tout ça… J’ai besoin d’un 4 ou d’un 8 pistes pour travailler tout ça sérieusement. Sinon tu ne peux pas y réfléchir et faire quelque chose de bien . L’écriture se passe beaucoup au moment de l’enregistrement…
Damo : je crois que toi et Alex écrivez beaucoup en ayant déjà les arrangements en tête…
Tom : Ouais, j’écris rarement une chanson comme ça à la guitare acoustique, je pense plus en termes de progressions d’accords. Petit à petit tout prend forme.

Visual : Alex et toi écrivez ensemble ou est-ce que vous bossez chacun dans votre coin et voyez ce que vous pouvez faire ensuite ?
Tom : Oui on écrit séparément, on collabore pour les arrangements mais pour les paroles par exemple on n’a jamais écrit ensemble, on ne s’est jamais suggéré des choses. Il ne faut pas foutre le bordel dans les paroles de quelqu’un. Ca ne me viendrait pas à l’esprit de dire à Eamon (Hamilton, chanteur guitariste et compositeur de Brakes) ce qu’il doit écrire. Après pour faire les harmonies par exemple il n’y a pas de problèmes mais on ne s’immisce pas trop dans ce que l’autre écrit.

Visual : Le fait d’être frères a-t-il sauvé Electric Soft Parade lorsque vous avez eu vos soucis de label (NDLR: le groupe a été viré de Sony BMG après l’album The American Adventure) ?

Tom : Oui ce n’est pas impossible, à cette époque on n’avait pas d’argent, pas de manager, être frère ça aide. On est passé par des moments pas vraiment faciles… C’est une relation étrange… Si on s’engueule et que quelqu’un essaie de s’immiscer, généralement on se retrouve Alex et moi à faire équipe contre ceux qui nous ont fait chier ! C’est un truc de frères, on peut se détester mais on ne laisse personne faire chier l’autre. Il n’y a que moi qui parle à mon frère de cette manière et je ne laisse personne d’autre lui parler de la sorte !

Visual : Comment perçois-tu ton évolution en tant que compositeur ? Tu cherches à aller vers des choses plus sophistiquées ?

Tom : Ca reste de la pop mais au budget limité ! Après ça dépend de plein de choses, si tu es sur un gros label ou pas… Excuse-moi je ne suis pas en grande forme avant ce concert à trois !

Visual : Pas de problème… Tu vas bientôt sortir un album solo. Comment est-ce arrivé ? Tu en avais envie depuis longtemps ?
Tom : Non pas du tout, c’est juste que j’ai enregistré pas mal de trucs entre Noël et l’an et j’avais envie de sortir ça, un disque fait à la maison… Pour revenir à ta question de tout à l’heure, je n’écris pas tout le temps, mais quand ça arrive, j’essaie d’en profiter. Pendant quinze jours je sors tous mon matos et advienne que pourra ! Généralement ça donne la base d’un nouveau disque. Toutefois mon album est assez peu travaillé, c’est un gros tas d’idées, de choses à moitié finies. Peut être que je ferai un disque bien plus élaboré d’ici quelques années.

Visual : On a l’impression que ESP ne sonne pas comme un groupe de pop typiquement anglais mais que vos influences sont bien plus larges…
Tom : Oui on écoute vraiment plein de groupes assez différents. Alex écoute Chicago (NDLR : immonde groupe prog des années 70) et d’autres choses du style. Du hip-hop aussi. Mais surtout les vieux Chicago. Tu vois il est vraiment obsédé avec ça, un vrai T.O.C. Les gens ne s’en rendent pas compte parce que ce n’est que de la musique, c’est pas comme s’il se lavait les mains tout le temps ou je ne sais pas mais voilà c’est un fait : il écoute Chicago et personne ne réagit !

L’interview doit s’interrompre ici car il est l’heure pour le groupe de monter sur la scène du Bataclan. La suite de l’entretien a lieu quelques heures plus tard dans les loges du Showcase. Le redouté concert en trio a été un franc succès, l’ambiance est de ce fait bien plus décontractée…

Visual : Au début du groupe Alex chantait pratiquement tout et maintenant vous vous partagez plus le chant, voire vous vous complétez. Qu’est-ce qui se passe ? Alex est puni car il écoute trop Chicago ?
Tom (plié en deux) : Non, non c’est juste qu’on chante ce qu’on écrit. Bon il y a bien des moments ou ce n’est pas exactement ainsi pour des questions de tonalités. Généralement l’idée c’est : celui qui écrit chante. J’ai toujours pensé que lorsque tu es dans un groupe et que tu écris des chansons, c’est à toi de chanter, à part pour des reprises c’est étrange de chanter les paroles d’un autre. Cela dit pour le dernier album on a essayé de varier les plaisirs, par exemple je chante les couplets et Alex s’occupe des refrains, comme sur « Life in the backseat » ou « Come back inside » mais on aime bien s’arranger pour que ce soit difficile de déterminer s’il s’agit d’Alex ou de moi qui chante.

Visual : Tu me disais tout à l’heure que tu commences à écrire lorsque tu sens que c’est le moment…
Tom : J’ai dit ça ?
Visual : C’est ce que j’ai compris !
Tom : Ah oui je crois que je me suis mal exprimé, j’écris tout le temps dans le sens où je collectionne des petits riffs etc mais tant que je n’ai pas pu enregistrer et travailler tout ça… c’est juste un tas de conneries qui traîne ! Tant que je ne peux pas le jouer devant quelqu’un, ces accords ne représentent rien. Des moments j’ai des mélodies qui rodent dans la tête pendant des semaines et quand enfin j’arrive à les enregistrer, je les laisse dans un coin pendant un moment et je reviens dessus après pour retravailler tout ça et avoir un avis plus clair.

Visual : En travaillant ainsi ça ne doit pas être facile pour toi de savoir quand une chanson est finie, tu pourrais avoir envie de la retravailler ad vitam eternam !
Tom : C’est vrai. Généralement c’est fini quand quelqu’un se pointe et me dit : « tu as une semaine pour faire ça ». Là je fais mon possible pour faire tout ce que je peux en un minimum de temps. Mais bon tu peux toujours te tourner vers tes vieux disques et il y aura toujours milles choses que tu voudras changer… En fait c’est une sorte de discipline à apprendre. Sur le dernier disque notamment il y a des chansons où on a très vite su qu’elles étaient finies. Tu peux instaurer un seuil aussi, on s’est dit on fait trois ou quatre pistes de voix et basta. On voulait quelque chose qu’on puisse reproduire sur scène, d’ailleurs tu as vu tout à l’heure avec « Woken by a kiss » même à trois elle fonctionnait. On essaie de faire des chansons qui ne dépendent pas du studio, des chansons jouables même avec une seule guitare acoustique.

Visual : Tu n’avais même pas 20 ans au moment des deux premiers disques, tu les apprécies toujours autant ?
Tom : Ah… (prenant un ton robotique) Je les aime bien, je pense qu’ils sont bons. (rires) Je t’explique, on a eu un mec au concert de Vienne qui s’est pointé, un putain de malade, il nous a raconté que sa copine l’avait largué la semaine où il nous a vu en concert à York… en 2002 ! Et il ne s’en est jamais remis, il n’a pas aimé notre concert à Vienne à cause de ça. Il nous a dit qu’il a du quitter la salle lorsqu’on a joué « Silent to the dark » (du premier album, Holes in the wall )… Qu’il aille se faire foutre ! J’ai bien plus d’attachements à ces chansons qu’il n’en aura jamais et pourtant je les joue tous les soirs. C’est mon problème pas le sien ! Il y a des groupes qui n’écoutent jamais leurs vieux disques, moi j’écoute ce qu’on a fait au moment où le fait mais c’est tout. Tu ne peux pas écouter ton album et l’entendre comme n’importe qui d’autre… Ce mec à Vienne je ne sais pas ce qu’il attendait de nous ! Il me sort « donne moi ton email que je t’envois des photos du concert » je lui réponds « de ce soir ? » il me dit « non non de York en 2002 ! ». Pourquoi je voudrais voir ça ? Je m’en fous, c’est du passé. Si des gens aiment nos vieux disques, super, ils sont bons mais… Le premier… le deuxième est vraiment bon mais Holes in the wall, c’est un cauchemar, on dirait une machine tu vois…

Visual : vous faites souvent deux concerts la même journée ?
Tom : Alex et moi on a fait deux concerts par jour pendant presque un mois aux Etats-Unis avec Brakes et ESP. Ca nous a complètement lessivé de partout… ( NDLR : s’en suit une série de blagues scabreuses qu’on ne retranscrira pas afin de ne pas heurter la sensibilité de nos lecteurs les plus jeunes)

Visual : Vous avez joué No Need To Be Downhearted en entier avec l’aide de films projetés sur scène. C’était quoi l’idée pour ça ?
Tom : Ouais on devait le faire ce soir mais c’est impossible pour des raisons de logistique. J’ai simplement filmé Brighton, c’est juste un truc artistique, il n’y a pas d’histoire. J’avais pas mal de matériel donc j’ai monté tout ça. Ca a coûté pas mal d’argent d’acheter un projecteur et tout ce qui va avec ! Les chansons de l’album sont bonnes mais je trouve qu’il fonctionne à fond lorsqu’on l’écoute d’une traite. En fait au niveaux chansons notre EP The Human Body est ce qui nous représente le mieux.

Visual : Ce n’était pas bizarre de faire The Human Body avec des nouvelles chansons et ensuite No Need To Be Downhearted avec des titres qui étaient plus vieux ?
Tom : En fait c’est arrivé un peu comme pour mon album solo. J’ai écrit d’un coup « Everybody wants, So much love » et « A beating heart », on avait « Kick in the teeth » déjà prêt, on a fait “Cold world”, c’est arrivé naturellement. En plus c’est bien d’avoir un EP d’une vingtaine de minutes…

Visual : Tu me parlais de « A beating heart », à la Maroquinerie en octobre dernier c’était très impressionnant car lorsque vous la jouez, vous n’êtes que quatre sur scène et pourtant le passage instrumental du milieu semblait énorme, comme joué par un orchestre. Comment vous faites ça ?
Tom : C’est un son de clavier d’Alex, c’est génial on dirait un orchestre indien lo-fi ! En même temps c’est un peu pour ça qu’on a fait « A beating heart » pour l’enchaînement une minute au piano, une minute orchestrale et une minute purement rock.

Visual : Quand tu étais ado tu rêvais de cette vie-là ou d’autre chose?
Tom : Là je rêve de n’importe quoi d’autre ! Tu vois aujourd’hui, ce concert au Bataclan, c’est le genre de moment qui te redonne foi en toi, c’était terrifiant de jouer à trois mais au final c’était génial. Cela dit j’ai toujours rêvé de musique donc… S’il n’y avait pas la musique je serai peut être chef cuisinier ou artiste.

Visual : Tu fais pas mal de reprises sur myspace, comment ça se passe pour choisir les titres, c’est une envie particulière ?
Tom : Ouais, certaines sont vieilles comme « Always on my mind » ou « Happiness »…
Alex (NDLR : qui vient d’arriver) : Le truc c’est qu’on essaie au maximum de faire que ces chansons sonnent comme du Electric Soft Parade. Quand les Pet Shop Boys ont fait « Always on my mind » ils l’ont fait à leur sauce, on dirait une nouvelle chanson.

Visual : C’est ça qui est cool avec votre version de « Across the universe »…

Tom : On reprend la version Fiona Apple en fait ! On l’entend à la fin de Pleasantville.
Alex : En fait on l’a entendu à la fin de ce film et je me suis dit qu’elle ne s’était pas fatiguée Fiona. Ensuite j’ai réécouté Let It Be et j’ai réalisé que « Across the universe » ce n’est qu’une démo, il n’y a rien dessus. Je me suis dit « on va essayer d’imaginer ce que les Beatles en auraient fait »… Plein de gens nous ont dit qu’elle ressemblait à l’originale mais ils se font avoir comme moi, il suffit d’aller la réécouter pour réaliser que c’est une démo ! (Longue digression sur Phil Spector, McCartney)

Visual : Pour finir je t’ai fait une petite liste de groupes comprenant des frères, tu peux me dire lequel des frères tu aimerais être ? Oasis ?
Tom : Liam, il est cool, il se fout de tout.
Alex : Je serais Paul, le troisième frangin, celui qui n’est pas dans le groupe.
Matt : Liam est un grand guitariste…
Visual : Et comment ! Songbird et ses deux accords! Sol, Mi mineur !
Tom mort de rire : C’est clair ! Et les paroles de « Little James » déchirent. (Il chante : « live for your toys even though they make noise… »)

Visual: The Jesus And Mary Chain?
Tom: Je ne suis pas plus fan que ça mais probablement William.

Visual : Radiohead ?
Tom : Ah oui il y a les Greenwood… Je serais… Phil ! C’est un bon batteur, il se foule pas trop ! Sinon Colin est un super joueur de basse, mais Johnny a trop de pédales d’effets pour moi ! Je suis pas trop Radiohead tu sais, j’ai entendu le dernier qui est pas trop mal, c’est toujours mieux qu’Insomniac (NDLR : Amnesiac) ou Kid A !

Visual (bravant les blagues sur Johnny Greenwood et son cheveux sur la langue ) : Et les Kinks ?
Tom : Je ne sais pas…
Visual : Moi je serai Ray
Tom : Ouais mais Dave il a ce son de guitare qui tue tout sur ces solos
Visual : Ouais « All day and all of the night »…
Tom: “Victoria”…

Huge thank you à Electric Soft Parade avant tout pour avoir trimballé Visual Music toute la journée. Expérience inoubliable en ce qui me concerne… et un grand merci à Winston Smith dont l’énergie est un éternel délice.