Interview ☭ Lofofora

On ne les avait guère vu dans nos contrées nordiques depuis la sortie de leur dernier album « Mémoire De Singes« , mais les Lofo ont su se faire pardonner en venant 3 fois tataner du ch’ti en 2 mois. Carton plein me concernant et c’est lors de leur 2ème passage dans la région au Betizfest de Cambrai que j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec Reuno, la voix méga watts. Une journée marquée a jamais pour le fan inconditionnel que je suis du groupe, et cerise sur le gâteau, une tête d’affiche pas piquée des vers la 2ème journée du 13 Avril : The Arrs, Black Bomb A et Lofo donc; le reste de la prog valait son pesant de cacahuètes et de headbang avec notamment Dadabovic, Syn, Dylath-Leen (mais je vous reparlais de ces derniers dans une autre causerie). Pour le moment, me voici donc dans une espèce de cantine scolaire en tête à tête avec Reuno, très bavard, pour mon plus grand plaisir.

Vous avez tourné un clip dernièrement pour « Mémoire de singes», vous en aviez déjà fait un premier, j’avais vu ça dans CD’Aujourd’hui
Non, en fait c’est eux qui avaient fait ça quand on a fait CD’Aujourd’hui comme ils s’amènent juste avec une caméra et un micro, pour nous c’est difficile de faire une prise de son. Il aurait fallu qu’on fasse un truc acoustique et comme c’est pas trop le genre de la maison…(sourire) donc le son qu’il avait dans le local le mec, c’était juste pas possible, donc il a préféré monter les images ; mais on a un vrai clip.

Qui l’a réalisé ?
C’est Julien Tendet et Nicolas Lomme, c’est deux mecs qu’on connaît parce qu’ils avaient fait le clip de LND, « Le Miroir« , et du coup on avait vachement aimé leur travail et comme on est assez potes avec eux aussi, ils nous on dit : « on a ça comme idée de clip, ça vous brancherait ? » et puis on a fait OK. Du coup, on a été saouler notre label pour qu’il lâche des sous pour qu’ils puissent faire le clip.

Vous comptez être diffusés, peut-être sur le câble ?
Ben je pense pas que ça sera beaucoup diffusé dans les télés mais je crois qu’en une semaine il a été vu presque 15000 fois sur le net donc je me dis que c’est pas mal. C’est une autre vie aujourd’hui la musique et l’image qui va avec ne se propagent plus du tout de la même manière (et même l’image tout court) qu’il y a quelques années en arrière. Ça se démocratise, c’est tout et n’importe quoi en même temps. Mais pour celui qui essaye de faire un peu son marché la dedans, il y a de quoi trouver des bonnes choses. Donc voilà avant un clip tu pouvais le voir une fois, tu vois sur M6 à 2 heures du matin…

Moi, je les enregistrais !

Et après voilà, tu pouvais avoir la chance de le revoir si un pote l’avait enregistré. Aujourd’hui ça a une autre vie, moins diffusé tout de suite à un grand nombre mais au final tu peux toucher autant de gens. En tout cas on est content que notre label nous ait suivi sur ce clip.

C’est bien vous les types dans le clip ?
Non, il y a juste Pierre [batterie] et moi qui sommes filmés. Daniel [guitare] était pas là, et puis Phil [basse] devait pas être là, il a été là quand même mais comme on avait déjà demandé à d’autres gars de faire les figurants… voilà mais il était présent au tournage.

En tout cas, je le trouve bien excellent tout comme le sujet de la chanson, vous avez souvent abordé des thèmes forts…
Mais oui de toute façon, tu sais c’est ça, on nous dit souvent : « Lofofora, vous êtes un groupe engagé », mais nous on a un côté à se dire que c’est les autres qui sont vachement dégagés. Nous on l’est pas particulièrement, et puis c’est peut-être vrai qu’on enfonce des portes ouvertes mais après il y a la manière de le faire aussi, ça peut être intéressant.

Bon justement, on en parlait un peu sur le site, certains pensent que c’est pas la peine d’en faire autant mais bon, avec 53% d’électeurs pour Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Dire-Le-Nom, je me dis que c’est peut-être pas tellement répandu comme type de pensée.

Ben voilà c’est ce que je me dis aussi. Mais bon… tu sais c’est toujours plus facile de rien dire et de rien faire et de se dire : « ouais mais d’façon c’est pas la peine, c’est perdu d’avance, ou vaut mieux pas penser à ces choses, tu te pourris la vie…». C’est une attitude hyper égocentrique que de dire ça et puis si tu penses comme ça, t’as pas d’enfants, t’y penses pas et puis t’en as rien à branler qu’ils respirent plus d’oxyde de carbone que d’oxygène dans les années à venir. Mais bon après, t’imagines bien que Lofofora, on a jamais fait ça pour plaire au plus grand nombre. Donc ça me fait bien marrer quand je vais voir sur les forums, j’interviens pas toujours voire même rarement, mais des mecs qui ont 25 ans et qui font : « C’était quand même mieux à l’époque de « Peuh ! » ou « Dur Comme Fer« , etc… ». J’ai envie de leur dire, mais vous avez 25 balais vous êtes déjà nostalgiques ! En fait est-ce que tu préfères vraiment l’album de cette époque là ? Ou est-ce que c’est ta vie à cette époque là ?. De ce que ça représentait pour toi et qu’est-ce que ça faisait vibrer en toi à cette époque là que t’as perdu aujourd’hui ? C’est peut-être ça le truc mais je pense que ça me donnera l’inspiration pour écrire une chanson. Il y a 2 jours, j’étais en Suisse, il y a un mec qui est venu me voir et qui m’a dit : « Moi j’ai 25 ans et il y a des mecs de mon âge aujourd’hui, ils me parlent déjà en disant ‘quand j’étais jeune…’, ça me déprime, et il vient me dire ça à moi qui en ai 42, en me disant : « sauve-nous Reuno ! botte leur le cul ! ». Donc voilà, toutes les portes que j’enfonce sont peut-être pas si grandes ouvertes que ça. Et puis, moi, j’aime jouer au trouble fait, je suis né comme ça. J’aime la provoc’ avant tout et je pense qu’à partir du moment où les gens en parlent, même si c’est pour dire : « ils enfoncent des portes ouvertes », s’ils prennent ne serait-ce que la peine de dire ça, c’est que ça suscite quelque chose chez eux, sinon ils en parleraient même pas.

Tu parlais de tes influences, ce en quoi tu crois mais tes influences musicales, elles se situent où ?
Mes influences musicales elles sont nées du punk rock, vraiment celui du début des années 80, que ça soit en France, il y avait des groupes comme Métal Urbain, OTH, ou du côté de The Exploited, GBH, Vice Squad, toutes ces choses là. Et puis plus tard la scène hardcore américaine, le rock n’ roll, le hip hop, voilà, c’est tout ça nos influences. Aujourd’hui, je sais pas ce que j’écoute… euuuh, tiens hier c’était marrant, on a même écouté Jacques Dutronc, « Les Cactus » et des trucs comme ça, on était tous à fond dans le camion là dessus, et puis à la fois on va écouter John Butler Trio, ou un bon vieux Helmet ou de la soul. Ludo, notre régisseur, et moi-même on est vraiment des gros fans de soul donc souvent on écoute du Millie Jackson… et pleins d’autres, enfin bref, nos influences elles vont partout, on aime bien les musiques qui nous touchent qui nous surprennent. On est un peu hermétique à certains trucs quand même du style tout ce qui est nouvelle chanson française à 2 balles. Tout ce qui est rock festif, chansons festives, pour moi c’est vraiment eux qui enfoncent des portes ouvertes pour le coup. Pour moi c’est de la musique de dépressif (rires). Tout ce qui est Les Fils De Teuhpu, ça me fait déprimer complètement. Et puis la pop anglaise, on aime pas ça du tout, même si Phil est fan de Muse et que je reconnais qu’ils ont de bonnes ambiances dans leurs morceaux ; et puis Radiohead, c’est un groupe hors catégorie, mis à part ça, on a un peu de mal avec la pop anglaise.

Tiens y a toujours un truc que je me suis demandé, sur la chanson « Rock n’ Roll Class Affair sur « Les Choses Qui Nous Dérangent« , elle est destinée à qui en fait ?
Tu vois ce que je veux dire, les textes de Lofofora, c’est ça, c’est des points d’interrogations, c’est pas des réponses. C’est des coups de pied dans le cul, des provocations, des fois gratuites, là c’était le cas. Tu penses bien que si j’avais voulu en mettre plein la gueule à un groupe ,je me serais arrangé pour qu’on le reconnaisse plus facilement. Mais pour cette chanson, c’était une impression des gens que tu croises en backstage. Le public des fois a une certaine image des groupes, et puis quand tu les vois derrière en train d’essayer de serrer des minettes de 15 ans et demi alors qu’ils font un truc ‘maxi respect’ quand ils sont sur scène, ben voilà, ça te donne envie d’écrire des choses là dessus, sans pour autant citer les mecs parce qu’ils en valent même pas la peine à mon goût. Donc voilà, j’ai pas cité de noms dans cette chanson là, mais sache quand même qu’on a eu des coups de fil et des réactions de groupes… aaaaah, très très bon ça, on vient de me montrer que c’est complet ce soir, donc voilà si on avait voulu citer des gens dans cette chanson, on l’aurait fait. Mais quand même, il y a des gens qui se sont reconnus sans qu’on les cite directement, et même des gens auxquels j’avais pas du tout pensé en écrivant la chanson et qui avaient appelé à notre bureau pour nous dire que c’était quand même salaud… et je trouve ça plutôt énorme, tu jubiles dans ces cas là. (sourire)

Alors sur le dernier album, vous avez bossé avec Laurenx Etxemendi [s’en suit un cours de prononciation basque], comment vous avez été amené à travailler avec lui, parce que lui c’est plus Gojira?
C’est l’ingénieur du son de Gojira, il avait aussi fait des albums avec Psykup ou Manimal, ou peut-être même les deux ! En fait à chaque album c’est une nouvelle aventure, c’est comme quelqu’un qui écrit une histoire, après t’as envie de la mettre en scène, etc… et tu te dis tiens c’est peut-être mieux de prendre tel metteur scène pour tel genre d’histoire. Et alors que l’album était plus dans une tendance punk que vraiment métal, même s’il est plus punk que métal sur certains aspects, malgré ça donc, on se demandait avec qui le faire. On avait travaillé avec pas mal de gens, et puis on s’est dit : putain un album qui nous a quand même dévissé la tronche au niveau du son parce qu’il y a une identité énorme et quelque chose de très novateur à la fois, c’est le dernier album de Gojira !. Donc sans vouloir avoir ce son là, on s’est dit c’est un groupe qu’on connaît depuis longtemps, on les a vu évoluer, on sait ce que ça vaut en live, c’est énorme. Au vu de ce que Laurenx arrivait à faire en disque, on s’est dit pour nous de passer dans cette moulinette là, sans espérer le son de Gojira encore une fois, ça peut être intéressant. Et ça l’a été et on est assez content du résultat. Sans qu’on ait eu à toucher à notre son, il a apporté une petite touche presque de modernité, sans partir pour autant dans une batterie toute triggée

Ouais, moi je trouve y a un moment sur « Tricolore« , on croirait du Mastodon, même sur « Comme des Bêtes« , y a un riff qui me fait penser à du Tool, c’est ça qui vous a amené à bosser avec lui ?
Non, à la fois, on connaît pas mal de gens, on nous avait proposé d’autres noms, et lui on se disait que ça allait être une expérience plus riche. Une expérience de musiciens vraiment, dans le sens où Laurenx avant d’être un ingénieur du son, c’est un musicien, il est saxophoniste, il a fait le conservatoire et tout ça, et il pense plus la musique comme un musicien que comme un mathématicien, ou un chimiste. (sourire)

Musicalement, je me suis toujours demandé, hormis sous la forme Lofofora qui est vraiment un truc dans ta face, vous avez jamais été tenté d’explorer d’autres styles (même si avez des projets parallèles)?
Tu sais, on s’impose pas de frontières ni de limites, maintenant quand on se retrouve tous les 4 c’est ce genre de son là qu’on a envie de faire. En plus maintenant, on a une formation avec laquelle on aura fait 3 albums, c’est la 1ère fois que ça se produit puisque le 1er album c’était Pascal qui était à la guitare et pas Farid. Donc là on a fait 3 albums ensemble, il y a une espèce d’équilibre qui s’est créé entre nous. Je pense que le Lofofora d’aujourd’hui c’est pas le même de celui d’il y a 10 ou 15 ans en arrière évidemment, donc voilà, il faut pas nous demander de faire le Lofofora de l’époque. Mais en même temps, on va pas faire tout et n’importe quoi sous prétexte que dans Lofofora on a le droit. Mais le jour où on a envie de faire quelque chose d’autre, tu vois tout à l’heure tu parlais d’un morceau comme « Rock n’ Roll Class Affair » qui était sur notre précédent album, c’est vraiment un morceau qui n’a rien à voir avec le reste de l’album. On a eu envie de le faire à ce moment là et on l’a fait, et on l’a foutu en plein milieu comme un cheveu sur la soupe.

D’ailleurs ça a fait chier pas mal de monde, j’ai vu sur différents forums, les gens trouvaient l’album pas mal hormis cette chanson.

Et ben voilà, c’était fait exprès. C’était un truc voilà, on assume être des petits cons ! (rires) Au même titre, tu vois sur les 1ers albums où on a eu des influences plus reggae, jazzy ou des trucs comme ça, aujourd’hui c’est vrai qu’on est plus dans une veine hardcore/punk/métal. Tu vois, même hier, Pierre me disait qu’il referait bien des morceaux plus groove, plus hip hop, mais moi j’ai plus envie de faire des textes façon rap. Alors je pourrais mais à ce moment là, je chanterai plus rhythm and blues ou soul dessus, mais façon Lofo quoi toujours. Ce côté là, on l’a un peu parce qu’il y a beaucoup de groove sur le dernier album, c’est du groove violent. Et côté groove violent comme sur « Tricolore » ou sur « Tous Les Mêmes« , moi j’aime ça, je trouve que c’est encore une veine à explorer parce que c’est vraiment physique et prenant à jouer, et vraiment le résultat en vaut la chandelle.

Et justement sur scène alors ?
Sur scène c’est dur, mais on y arrive. Ça envoie et on est assez contents, là on est rodé en plus en ce moment comme on est dans un rythme d’environ 3 dates par semaine. On a un petit peu un minimum syndical on va dire qui est pas mal!

Je vous avais vu en Août 2007 au Rock Park à Ath en Belgique, c’était votre 1er concert, et depuis ce temps-là quel bilan tu tires ?
Ben j’sais pas tu nous as vu au Rock Park et à Watreloo, il y a 2 semaines, je pense que tu vois les morceaux on les vit plus pareil. On a bien pris nos marques depuis, enfin je sais pas qu’est-ce que t’en penses toi ? T’as vu une différence entre les 2 dates ?

Ben ouais carrément, mais la différence, je la vois plus en moi-même maintenant que je connais les morceaux, j’ai toujours préféré voir un concert dont j’ai digéré l’album pour vraiment l’apprécier en live.

Ah oui c’est vrai l’album était pas encore sorti ! Mais c’est un truc qu’on aime bien faire le fait de jouer un album avant qu’il ne sorte devant notre public. C’est presque un luxe de te retrouver dans une situation où on joue de la musique que les gens ne connaissent pas du tout. C’est comme si t’étais un nouveau groupe, et moi j’aime bien. Bon, c’est quand même relatif comme prise de risque, c’est pas sauter d’un avion sans parachute mais j’aime bien ce genre de pari, de challenge : alors est-ce qu’on vous plait dans un emballage que vous ne connaissez pas ?

En live justement comment vous vivez le truc, la relation avec le public ?
Ben on a de la chance, on le voit. On l’a encore vu hier soir où on avait pas mal de public jeune, donc vraiment qui nous découvre, des ados qui sont au taquet. Nous, on kiffe ça d’avoir des petits jeunes qui nous découvrent aujourd’hui. On essaye d’être le plus sincère et le plus entier possible quand on monte sur scène, il y a plus de demi mesure qui compte. Donc on est content de présenter ça à des mômes, peut-être certains c’est leur 1er concert de rock, on se dit peut-être que ça va leur donner envie de faire un groupe, ou en tout cas de retourner voir des concerts, et leur donner le goût de ça. On se sent un petit en mission pour l’anarchie ! (rires) Et puis à la fois, hier il y avait des mecs de 35 balais qui nous écoutent depuis nos débuts et qui lâchent pas l’affaire

Moi, c’est un peu ça, j’en ai 30 et c’est toujours une musique qui me motive, le matin quand je vais au boulot, je me claque « Mémoire De Singe » dans la caisse !

L’autre coup, j’ai vu un mec dans sa bagnole en costard-cravate avec ses petites lunettes rock n’ roll et il avait du son à fond dans sa bagnole. Je passe côté (j’étais vraiment la tête dans le cul, c’était tôt le matin) et puis je me dis, mais je connais ce truc là, et en fait c’était le morceau « La Belle Vie » sur le dernier album. Le mec chantait à tue tête dans sa bagnole, tu vois ça et tu te dis que c’est cool de faire ça aux gens!

C’est classe ! Pour finir avec le live, vous avez prévu un DVD pour cette tournée ?
Je sais pas et pour l’instant y a rien de prévu dans ce sens là mais pourquoi pas on aime bien le support image, mais c’est vraiment un gros investissement de temps et d’argent donc on sait pas trop !

J’évoquais les projets parallèles, tu es dans un autre groupe, Mudweiser, ça en est où ?
Alors ça continue, en fait, j’ai un scoop, il y a un nouveau bassiste dans Mudweiser, le bassiste Steph, lui reste au management et au visuel du groupe, etc… et c’est Jay, ancien bassiste d’Eyeless, leur premier bassiste en fait, qui vient nous rejoindre dans Mudweiser. Je pense que ça va envoyer du gros. L’album s’enregistre là [mi-avril], moi je dois faire les voix au mois de mai, et je pense qu’on le sortira à la rentrée. On a un petit deal sympa mais ça va être vraiment de l’underground avec un petit label qui s’appelle Head Records qui est situé du côté de Sète, où il y a Tamtrum, Spinning Heads, des groupes qu’il faut aller découvrir, qui sont bien vénèr, une scène un peu plus indé-noisy mais assez brutale quand même. Ils ont bien craqué sur notre projet. On devrait se faire une petite tournée au moi de novembre, on a 5 dates mais pour l’instant rien de prévu dans le coin, mais bon comme on a quelques connexions, j’espère qu’on aura… je pense que le public par ici, on pourrait faire des bons gigs ! (sourire)

Comment est-ce que tu vois des groupes français qui percent à l’étranger comme Gojira qui tournent aux States ou Eyeless qui se fait produire par Tue Madsen ?
Ben c’est 2 histoires différentes, aujourd’hui en France c’est vrai qu’il y a Gojira et Dagoba qui arrivent un petit peu à passer les frontières : Gojira l’année dernière, ils ont fait pas loin de 100 dates aux Etats-Unis avec Lamb Of God, ils deviennent vraiment une référence au niveau mondial.

J’ai eu l’occasion de parler avec le bassiste de Lamb Of God à Bruxelles, il avait un sweat capuche Gojira.

Et ouais, ils sont supers fans, en fait c’est comme ça qu’ils sont arrivés à ce stade, c’est des mecs de groupes, les mecs de Slayer, les mecs de Slipknot qui ont vu Gojira et qui ont complètement adhéré. Nous on est super fier de ça, par contre Eyeless, eux, ils ont vendus même pas 2000 albums, ils ont dû faire 20 dates à tout casser pour leur tournée. Franchement, ils en sont à un stade où ils en chient et où c’est difficile de commencer un groupe etc… pourtant ils ont la carrure pour aller tourner à l’étranger.

Ah ouais, j’ignorais parce que musicalement ça se défend bien…

Y a pas photo, Eyeless a absolument rien à envier à un paquet de groupes ‘ricains!

Sur le dernier album au niveau des thèmes des chansons, perso je les ai trouvées un peu aigries (bon même si je me doute que vous avez un 2ème degré par rapport à tout ça) mais comparé à d’autres albums où il y a des titres comme « Série B » ou « Autopilote » qui te reboostent bien le moral (bon même s’il y a « Nous Autres« ) je sais pas comment tu perçois ça ?
Ce qui définit mieux le truc, c’est qu’au bout de 2-3 jours en studio, c’est Daniel notre guitariste qui a dit : « wow, ils sont fâchés les morceaux », et je pense qu’on était complètement dans cette optique là. Ça faisait depuis « Dur Comme Fer » qu’on avait pas composé un album à Paris, et le contexte dans lequel tu composes, je pense ça compte. Donc dans un Paris recouvert d’affiches de campagne électorale, dans un Paris avec 3 flics à chaque coins de rue, voilà t’as envie… c’est c’t album là qui est né!

Vous avez toujours la même équipe qui tourne avec vous, ça représente quoi ?
Ben, c’est la famille, voilà quoi, je sais pas, ça paraît un peu bateau mais on est un peu des frères de route. Yoda, notre éclairagiste, frère Teuf, notre backliner, Ludo qui est à la régie maintenant mais qu’on connaît… ben, c’est mon cousin, il était dans One Eyed Jack, dans LTNO. Notre ingé son, Martial, ancien ingé son de LTNO, est un ami de très longue date mais d’habitude c’est Boustof ou JC avec qui on travaille depuis une bonne dizaine d’années aussi. C’est plus que des collègues de bureau t’imagines bien, on a vécu des purs trucs ensemble et c’est bien. Enfin moi je me rends compte, on est 8 ou 9 sur la route et il y a jamais d’histoire de clans, c’est vraiment tous pour un, on marche comme ça, et on a pas à se forcer. Des fois, il y a des petites prises de bec mais tout de suite tout le monde s’en mêle et puis il y a grosse discussion générale et puis tout retombe à plat, c’est mortel ! (sourire)

[Au loin, on entend le groupe Syn qui fait gueuler la foule pour Lofofora

Ah! Y a une dédicace, ça fait plaisir !!!

Alors histoire de terminer sur des petits trucs, c’est un peu la mode des reformations, alors je te balance des noms et tu réagis ?
Allez vas-y !

Les frangins Cavalera qui rejouent ensemble ?

Oh ben ça me fait plutôt plaisir parce que je trouve ça toujours pathétiques les gens d’une même famille qui se sont brouillés à mort. Le projet, je l’ai écouté, quand même ça vaut pas un bon Chaos A.D. ! Mais ça m’a fait surtout plaisir pour le symbole et puis nous on a vécu l’histoire… pas de l’intérieur, mais disons que quand on était chez les Gojira en train de faire l’album, c’est à ce moment là que Joe [Duplantierguitariste chanteur de Gojira] est parti pour faire les basses avec eux. Du coup, il appelait son frère Mario [Duplantier, batteur de Gojira] qui était avec nous et qui nous racontait un petit peu comment ça se passait. Donc j’étais super content pour Joe qui, il faut le savoir, avant Gojira avait un groupe qui ne faisait que des covers de Sepultura avec Mario et qui s’est retrouvé dans le local avec les frères Cavalera à jouer « Territory » ou quelque chose comme ça !

Cool… Rage Against The Machine ?
Les reformations où les mecs font pas un nouvel album je trouve ça toujours un peu bizarre. Bon voilà, je sais que Rage Agaisnt The Machine ça représente un truc mythique pour plein de gens. Hier soir on était avec 2 jeunes groupes et je discutais avec un des zicos et il me disait : « tu vas au concert de Rage Against The Machine ? » j’fais : « Ben non, moi je les avais vu 3 fois à l’époque et dès la 2ème fois j’avais l’impression de revoir le même concert et la 3ème fois encore le même concert, donc voilà ça m’intéresse pas plus que ça ». Et puis je lui racontais qu’en fait Rage Against The machine ça avait été fondé par Morello qui avait un groupe qui s’appelait Lock Up avant. Il était venu tourner en Europe et il avait joué avec Urban Dance Squad, groupe hollandais, et c’est après ça qu’il a fondé Rage Against The Machine, en disant je veux faire ça mais à l’américaine avec des riffs à la Led Zeppelin, etc… donc on leur a fait découvrir hier Urban Dance Squad, ils se sont pris une bonne claque dans le tête et voilà !

Punaise, j’ignorais complètement ! Et justement Led Zeppelin alors ?
Ouais mais Led Zep c’est immortel, c’est comme Pink Floyd. Plant et Page, c’est des seigneurs ! On peut rien dire, et même dans les années passées quand ils ont fait leurs concerts ensemble, ils ont quand même fait des trucs énormes. Bien sûr c’est pas le Led Zep de 1968, c’est normal et encore heureux !

NTM ?
C’est pareil que pour les frères Cavalera un peu sur ce coup-là. Je suis content de savoir que les mecs soient plus embrouillés. C’est plutôt cool et puis ça représente tellement un truc mythique pour nous ! Et puis il y a Ludo notre régisseur, il a bossé sur Joey Starr, là il va bosser sur NTM. Au tout début de Lofo avec mon petit cousin comment on a trippé sur NTM ! Donc qu’il se retrouve avec eux, je suis assez content. Et puis c’est vrai qu’un groupe comme NTM, ce qu’il était dans le paysage musical français il y a quelques années, aujourd’hui ça manque un petit peu. Même s’il y a Sniper qui est pas mal, mais qui souffre de la censure comme pas possible.

Spéciale dédicace à un pote qui devait être là mais qui arrivera plus tard : Twiggy Ramirez qui remet le couvert avec Marylin Manson
Ouais ! Ben si ça peut le réveiller un peu le Manson, c’est pas mal, ça aussi plutôt bonne nouvelle de réconciliation.

Une petite question à la con qui mange pas de pain: ça serait quoi un concert que t’aimerais bien revoir dans ta vie, ou bien un concert que tu aurais aimé voir ?
OTH, c’était un groupe à l’époque alternative en France qui était déjà atypique parce que eux ils venaient de Montpellier plutôt que de venir de Paris. Ils étaient dans une veine vachement plus rock n’ roll, c’était un peu les Ramones à la française. Au niveau de l’écriture, je trouve qu’en rock, comme moi je conçois le rock, c’est-à-dire un truc un peu vitriolé quand même, et un peu dangereux, moi je trouve que Spi de OTH, c’est le mec qui a le mieux écrit. C’est à redécouvrir les albums de OTH, c’est du bonheur. Je les avais vu quand j’avais 20-22 balais, et j’ai pris une des claques de ma vie. Il y a quelques jours, j’ai réécouté en vinyle chez moi, et j’étais là : « Putain quel pied !! ». Ils se sont reformés juste pour 2-3 morceaux, il y a quelques temps à Montpellier, j’étais là. J’avais les larmes aux yeux, c’était énorme, les mecs, il y en avait qui s’étaient pas adressés la parole depuis 10 ans, ils avaient pas joué ensemble depuis une quinzaine d’années, les mecs ils se sont branchés, ça a fait « 3, 4 », et direct t’avais un putain de groupe de rock n’ roll sur scène, ça avait le son c’était énorme! Voilà OTH, écoutez ça les jeunes ! Il y a un morceau d’OTH qui s’appelle « La France Dort« , si tu peux trouver ça, et t’écoutes ce texte là aujourd’hui, tu te dis mais c’est pas possible ce mec là, il l’a écrit hier!

Ben c’est un peu pareil pour vous, moi je craque total quand vous rejouez « Amnes’History« , cette chanson elle a quoi ? 10 ans?

Ben ouais, elle a un peu plus de 10 ans et elle colle parfaitement à l’actualité…

Là dessus d’ailleurs, bien que vous dénonciez pleins pleins de choses, vous n’avez pas trop chargé vos attaques sur Sarko dans l’album, je m’attendais à du plus frontal…
Ouais mais on va pas citer son nom, déjà on l’entend partout 10 000 fois par jour, donc je peux citer son nom, et j’ai jamais fait ça.

Y avait quand même quelque chose d’assez jouissif, c’était le « No Facho » rebaptisé « No Sarko« 

Ouais mais ça on l’a fait en live comme ça; et à l’époque, il était même pas encore candidat, il était que ministre de l’intérieur. Moi-même si je me laisse inspirer par des faits actuels et des faits d’actualité, je m’interdis toujours de citer vraiment des situations trop précisément ou des noms de gens, je l’ai jamais fait. A la fois une chanson, on peut le concevoir comme un truc à utiliser, à jeter, mais bon moi j’aime bien… tu vois par exemple, j’avais écrit y a longtemps un morceau qui s’appelle « Arraché« ; et c’était sur le fait que d’un côté t’avais Chirac qui faisait exploser des bombes pour des essais nucléaires, enfin Chirac pas lui personnellement, mais bon voilà sous sa haute autorité, à Mururoa dans les îles du Pacifique et d’un autre côté t’avais un mec qui avait fait exploser une bombe à gaz avec des clous à la station St Michel du RER qui avait fait des victimes. Et donc voilà, il y en avait un c’était un être respectable et l’autre c’était un terroriste, c’est pour ça que j’avais écrit cette chanson : « Fuyez revoilà la bombe. Pleurez a mort éclatée ». Le texte est un peu abstrait, donc voilà aujourd’hui tu sais que ça a été écrit sur ce truc là. Et à la fois tu peux le ressortir pour le 11 septembre cette chanson là, elle marche très bien aussi. Voilà c’est du recyclable Lofo, on est un groupe bio (rires), y a rien à jeter, ça peut se recycler au pire!

Une dernière petite connerie pour la route… bon ça me gêne, mais il est temps de tomber les masques. C’est plus la peine de le cacher… je lui montre cette photo.
[Rires tonitruants à la limite de s’étrangler]
Y a quelqu’un qui a fait ça sur Internet? C’est énorme mais je me souviens pas avoir un sous-pull marron dans ma garde robe en fait, le reste me dérange pas mais c’est le sous-pull marron surtout!!!

Merci à Reuno pour sa disponibilité et la prolixité de ses propos, Hilikkus pour le contact, Ross pour le contact du contact, le label At(h)ome, les orgas du BetizFest, Reno pour le guidage et les photos dans le vif, le Dieu des bonnes journées pour cette p*tain de bonne journée!