Interview ☭ Sna-Fu

Á votre gauche, Sna-fu, groupe parisien au son puissant et au jeu de scène épileptique, préparant la suite d’un premier album remarqué, Tonnerre Binaire.
A votre droite, 64 Dollar Question, formation efficace issue de la prolifique scène normande, suscitant de nombreux commentaires enthousiastes grâce à l’album éponyme sorti cette année.
VisualMusic vous propose le compte rendu de la rencontre entre les chanteurs de ces groupes respectifs lors de leur date commune et sulfureuse à la Boule Noire à Paris

Tout d’abord, est-ce que vous vous connaissiez avant cette interview ?
Clément (Sna-Fu): On vient de se remémorer les instants que nous avons passés ensemble.
Guillaume (64 Dollar Question): On s’était croisés sur une date où j’ai fait leur son. C’était dans une petite salle où il y avait… plein de monde…
Clément: (souriant) Ouais, il y avait à peu près 10 personnes dans la salle. Mais c’était sympa du coup, c’était en famille, chaleureux.
Guillaume: C’est un lieu qui a fermé d’ailleurs, en mars dernier, le Big Cornus.
Clément: Ah merde ! Ce n’est pas longtemps après qu’on y soit passé… C’est terminé terminé?
Guillaume: Oui, ils ont mis la clé sous la porte, il y a eu des problèmes avec des voisins.
Clément: Le magasin avec les fringues psychédéliques, c’est fini aussi ?
Guillaume: Le magasin est resté, mais bon la salle ne marchait plus de toute façon.
Clément: Dommage. En tout cas, c’est un bon souvenir, ce concert.

Guillaume, si tu devais présenter ton groupe à Clément, tu ferais ça comment ?
Guillaume: On est un groupe nul à chier, faut pas venir nous voir !
Clément: Ah bah merde, je suis bien obligé de vous écouter, vu qu’on joue ensemble ce soir.
Guillaume: (cherchant ses mots) Sinon, en vrai, on fait du…
Clément: du rock’n roll?
Guillaume: non, pas « n’ roll » ! On fait du rock… en fait je ne sais pas quoi dire !
Clément: Au moins, c’est dans le thème de ce soir !
Guillaume: Ça devrait, en effet !

Clément, si tu devais présenter ton groupe à Guillaume ?
Clément: Nous, on fait post-punk rock’n roll hardcore wisigoth.
Guillaume (amusé): Ah, wisigoth, carrément !
Clément: Non, on fait du rock aussi. On va faire dans le sens large pour essayer de ne pas réduire à un genre particulier. On essaye de picorer à droite à gauche dans pas mal de styles, mais sous l’étiquette rock, ça nous va bien.
Guillaume: En même temps, j’ai le disque chez moi.
Clément: Du coup tu peux savoir à quoi ça ressemble.
Guillaume: Voilà !
Clément: Par contre, moi je n’ai pas la chance d’avoir votre disque, mais j’espère bien en chopper un ce soir !

(ndr: L’interview est interrompue par Charles, le batteur de Sna-fu, m’interpelant dans une parfaite imitation de musicien défoncé)

Pourquoi jouer une musique aussi énergique, et pas des choses plus posées ?
Guillaume (désignant Charles): D’abord, je tiens à dire que ce n’est pas mon batteur. Même si le nôtre peut être pire que ça (rires)
Clément: Putain, on ne peut pas les tenir, ces gens là… Sinon, si on joue cette musique, c’est parce qu’on est jeunes, qu’on a encore plein de testostérone, on a envie de donner une énergie et de la transmettre aux gens.
Guillaume: Et puis j’imagine que pour vous c’est pareil, c’est la musique qu’on écoute de toute façon, alors autant faire pareil. Ou du moins quelque chose qui ressemble.

Comment vous est venue l’envie de chanter dans un groupe de rock ?
Guillaume: Pour les filles !
Clément: Non, même pas ! Á la base, je voulais être batteur. Mais il y en a un, qui était meilleur que moi, alors j’ai dû revoir mes ambitions.

C’était Charles ?

Clément: Oui. On était deux batteurs, on prenait des cours ensemble, mais j’étais mauvais. Donc ils m’ont fait vas-y, teste le micro, et j’y suis toujours.

Guillaume, toi aussi tu faisais de la batterie dans Creep AC.
Guillaume: J’étais batteur, oui. Je le suis encore, d’ailleurs.
Clément: Batteur – chanteur ? Tu fais les deux en même temps, comme le mec de Satanic Surfers ?
Guillaume: Non, juste batterie. En fait, j’ai été batteur pendant plusieurs années. Après, ça faisait déjà un bout de temps que ça me branchait de me mettre au chant. Je gratouillais un peu, j’avais une magnifique Ibanez de metalleux.
Clément: Tu fais aussi de la guitare?
Guillaume : Oui ! Je fais guitare – chant dans 64 Dollar Question. Et du coup, c’est venu tout seul, j’avais 2-3 morceaux, et ça a commencé comme ça.
Clément: Du coup tu as monté un groupe pour jouer tes chansons ?
Guillaume: Voilà.
Clément: Et c’est fini, ton groupe où tu jouais de la batterie ?
Guillaume: J’en ai eu plusieurs qui se sont arrêtés, j’ai dû zapper la batterie pendant quelques années, j’en ai profité pour me mettre au chant et à la guitare.
Clément: J’ai aussi un autre groupe où je fais de la batterie. J’aimais bien ça, donc je suis revenu à mes premiers amours pour tâter un peu du rythme. C’est un rock progressif, seulement instrumental, rien à voir avec Sna-fu !
Guillaume: Je trouve ça cool de faire plusieurs instruments, plusieurs projets…
Clément: Et puis c’est bien d’avoir le rythme pour le chant, ça permet de moins se louper dans le tempo.
Guillaume: Exact !

Puisqu’on parle de diversifier, vous avez aussi joué en acoustique avec vos groupes respectifs…
Guillaume (étonné): Ah ouais, vous avez fait ça vous aussi ?
Clément: Ouais ! On a fait ça pour une radio belge. C’était un peu improvisé, il fallait qu’on ait une chanson acoustique pour pouvoir la diffuser. On a pris les guitares, et puis on a adapté une chanson qui est assez rapide à la base (ndr: Robotoy). On a un guitariste qui joue dans un groupe de jazz manouche, donc on l’a joué comme ça. Le chant reste un peu crié, ça donne quelque chose d’hybride, c’était intéressant. Et toi ?
Guillaume: Nous, on a dû faire 3-4 concerts en acoustique, on avait monté un set. Le délire m’avait branché, parce que quand tu es au chant, la guitare acoustique, c’est agréable. On a aussi joué avec Bob et Lisa de The Bellrays, c’était cool. Mais bon, quand tu es bassiste ou batteur, c’est chiant, du coup on a arrêté. C’est dommage, parce qu’on avait moyen de jouer avec The Young Gods, mais ça ne les branchait pas de repartir dans un délire acoustique, surtout que c’était loin, à Cavaillon, je crois. Mais je comprends carrément, quand tu n’es pas au chant ou à la guitare, l’acoustique ce n’est pas génial.
Clément: Tu chantes comment sur de l’acoustique ? Tu sais chanter ? Parce que moi, j’aimerais bien, mais je ne sais pas chanter.
Guillaume: En général, j’adapte les mélodies, je ne les gueule pas aussi aigues que d’habitude. Je n’ai pas une tessiture aussi haute que toi. Du coup, je chantais un peu moins haut pour l’acoustique, suivant les morceaux. Ça donnait un truc plus calme, c’était sympa.
Clément: Vous avez enregistré des trucs?
Guillaume: On a un live dans un bar à Caen, mais t’entends plus le public qui nous insulte que nous ! (Rires) C’étaient les potes qui nous emmerdaient. Mais c’est cool, ça fait une bonne expérience. Ça te fait jouer les morceaux différemment en électrique, tu vois les choses autrement. Mais nous, notre musique est assez chantée, c’est facilement adaptable. J’imagine que pour vous, ça ne devait pas du tout être pareil.
Clément: C’était un peu compliqué, mais on a réussi.
Guillaume: Vous avez enregistré, du coup ?
Clément: Il y a une vidéo en ligne, c’est une séquence du report d’un de nos concerts cet été (ndr: et ça se mâte par ici, c’est la 2e vidéo)

Vous êtes des groupes avec une bonne réputation scénique…
Clément: On va voir ça ce soir !
Guillaume: Moi je vous ai vus, je confirme ! Au Big Cornus, tu avais 15-20 pélos, ils sont arrivés, et ça sautait partout. Moi j’étais au son, c’était impressionnant.

Justement, par rapport aux prestations scéniques, comment vous abordez l’enregistrement en studio ?

Guillaume: On a assez bossé les morceaux en amont. Après, on a une solution de facilité vu que je bosse en studio, c’est plus simple et moins cher, forcément. On a donc enregistré des preprods pour quasiment tout nos titres, pour voir ce que donnaient les morceaux, c’était pas très bien mixé mais déjà on avait l’essentiel. On les a rebossés, on a fait refait des plans, puis on est repartis en studio après. Moi je trouve ça bien, après ça dépend vachement de la musique que tu fais. Quand tu fais un truc vraiment dans l’urgence, il faut garder ce coté-là et pas trop préparer les choses, parce qu’il y a beaucoup de changements de dernière minute qui peuvent rendre les choses plus intéressantes.
Clément: Et puis tu peux travailler, retravailler, ce sera jamais terminé, donc il y a un moment il faut te focaliser.
Guillaume: Pour nous, on trouvait cool de se préparer un peu à l’avance, de tester des choses au niveau des structures, des harmonies des voix… Il y avait des choses que je voulais voir davantage, c’était ma première expérience guitare – chant en studio, en faisant l’enregistrement en même. Je ne sais pas si je le referai !
Clément: Ah, c’est toi qui enregistrais en plus ? Mais tu étais assisté, non ?
Guillaume: Sur le PC, il y avait les autres qui m’assistaient sur Cubase qu’ils ne connaissaient pas forcément. C’était souvent des journées de 14 heures de studio.
Clément: Nous, c’est en cours. C’est notre deuxième, on est toujours avec le frère de Charles, Francis Caste (ndr: producteur pour Dysfunctional by Choice, Flying Pooh ou The Arrs notamment). On a fixé les dates d’enregistrement pour décembre, et on s’est dit: « Maintenant, faut se bouger le cul ! ». On avait quelques morceaux prêts, mais comme on avait une deadline, on a bossé à fond les morceaux pour être prêt le jour J. On a fait des preprods aussi. On essaye d’écouter le son, surtout que nos 2 guitaristes sont très pointilleux sur le son qu’ils veulent, ça représente un gros travail. Le jour J, on enregistre de manière un peu hybride. Ce n’est pas du live, mais on fait les grattes de puissance et la batterie en même temps, après la basse et puis le reste.
Guillaume: Au niveau des morceaux, ça part comment par rapport au premier ?
Clément: On essaie de diversifier un peu plus, je vais essayer de moins saturer ma voix sur quelques morceaux. Il y aura des surprises niveau rythmiques, on va partir dans des trips un peu western aussi… On ne sait pas trop non plus, on verra ce que ça va donner.

On va faire un petit jeu: Je vous dis un mot, et vous me dites ce que ça vous évoque.
Clément: C’est de la psychanalyse ?

Un peu… On commence par « Punk ».

Clément: Moi je dis « Chien ».
Guillaume: Ah ouais, pas con ça… Moi je vais dire « Sous-sol », parce qu’il y en a pas mal qui ont squatté un moment dans mon sous-sol. J’en ai même fait un morceau. (ndr: The basement)

Ok… « Dave Grohl » ?

Clément: « Chaussure » (note pour Reno: c’est de la blague à bidage, non ?)
Guillaume: En un mot: « Classe ».

« Grand désordre » ?

Guillaume (très vite): Orchestre !
Clément: Ah merde, c’est pas du jeu là…
Guillaume: Fallait être plus rapide ! (rires)
Clément: Euh… je vais dire « S’il vous plait », parce que c’est chiant quand c’est bien rangé.

Si je dis « Normandie » ?

Guillaume: Je ne dis rien, c’est trop facile sinon.
Clément: Que pour moi ? (après une longue hésitation) Les vacances…
Guillaume (surpris): Ah bon ? Tu vas en vacances en Normandie?
Clément: J’y allais, enfin je crois… Je ne sais plus si c’était en Normandie ou en Bretagne, je suis en train de me griller ! C’est où « Peg May »? (ndr: retranscription approximative)
Guillaume: Je ne sais pas même pas si ça existe, ton bled !
Clément: Putain… je savais que j’aurais dû la préparer cette interview !
Guillaume: Moi j’aurais dit « L’Arsouille », c’est un bar de Caen.
Clément: ça sent le rock’n roll ?
Guillaume: Non, ça sent plutôt les mauvais lendemains ! Mais il faut y aller, même s’il n’y a pas de concerts dans ce bar.
Clément: En Normandie, c’est quoi les salles intéressantes ?
Guillaume: En salle agréée, on a le BBC et le Cargo, après on passe au bar Laplace. Le patron en a rien à foutre de ce qui passe dans son bar, du moment qu’il fait du chiffre.
Clément: Et quand tu fais pas assez de chiffre, il te coupe le son ?
Guillaume: Quand il trouve que c’est trop fort, il coupe, ça arrive de temps en temps. Mais il y a déjà eu des concert de malades là-bas, comme Against me
Clément (fort): Against me, connards ! On devait jouer avec eux, mais ils ont annulé. D’ailleurs on devait jouer avec vous aussi sur une des dates, non ? Ils auraient bluffé sur les raisons de l’annulation. Ils ont dit que c’était à cause de leur accident de bus au Canada, mais apparemment ils enregistrent un autre album, comme s’ils n’en avaient rien à faire de la tournée en France.
Guillaume: J’ai eu une autre version par Nico, notre guitariste, qui les a faits venir deux fois à Caen et qui a parlé à leur manager. Apparemment, ils ont vraiment flippé à cause de l’accident, du coup ils ont refusé de reprendre la route. Et comme ils avaient du temps devant eux, ils sont retournés en studio.
Clément: J’ai été mauvaise langue, pardon !

Un mot pour la fin ?

Guillaume: « Couille ».
Clément: « Normandie » !

Merci messieurs.

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Merci à Sabine de Ladilafé, JB et Guillaume pour avoir organisé cette interview.